mercredi 28 décembre 2011

La femme sous l'horizon - Yann Queffélec



4ème de couverture :

Au cœur froid de la Lorraine, dans un manoir russe, vit un étrange clan: les Tarassévitch.
La petite Ilinka, privée de sa mère, qui est morte dans un accident, ne connaît là que silence et indifférence.
Pourquoi tant de mystères autour de sa naissance ? Au village on sait. Mais on se tait. On a juré.
Jusqu'au jour où Ilinka reçoit un signe du destin une lettre de sa mère, des mots vieux de treize ans. Un avertissement, une prémonition. Elle doit fuir à tout prix le manoir et sa malédiction…

Mon avis :

J’ai trouvé ce livre dans ma bibliothèque chez mes parents. Personne ne sait d’où il sort, je n’ai aucun souvenir de l’avoir acheté, mes parents non plus… Mystère …
Et puis bon, Yann Queffélec, je ne l’avais encore jamais lu, c’était l’occasion de le découvrir.
Et je n’ai pas été déçue de la découverte.

Ce roman m’a beaucoup rappelée Les Hauts de Hurlevent par son atmosphère si sombre, ses personnages si entiers et ses sentiments si forts.
Rien que le décor : un vieux manoir délabré près d’un lac au cœur de la forêt, où vit une famille d’aristocrates russes exilés. Il y fait très froid, la grand-mère, chef de famille, ne supportant pas le feu ni la moindre petite flamme.
Les habitants : la grand-mère acariâtre, méchante, ne vit qu’à travers ses souvenirs bons et mauvais. Elle maltraite tout son monde y compris ses deux fils. L’aîné, Vladimir, complètement sous l’emprise néfaste de sa mère, est alcoolique, violent et ne se remet pas de la mort de sa femme qui le rendait pourtant fou de jalousie jusqu’à en ressentir des pulsions de meurtre. Le cadet est un peu plus à l’écart mais reste d’une passivité déconcertante . Les petites-filles ne sont pas mieux loties, battues ou simplement ignorées, leur destin reste tragique à toutes les deux. On a beau essayer de prendre Tita (alias Ilinka), le personnage principal, en sympathie, c’est difficile tellement elle est … bizarre. Sa troublante ressemblance avec sa mère fait qu’elle suscite la haine de sa grand-mère et de Vladimir. Il semblerait qu’à travers Ilinka, ce soit sa mère qui revive, ce qui n’a pour d’autre effet que d’exacerber les rancoeurs que sa mère inspirait déjà.

Ce roman est d’une noirceur incroyable, l’atmosphère est glauque et glaciale. Yann Queffélec parvient à dresser le portrait de ses personnages avec beaucoup de force. On ne peut pas rester de marbre. Et encore une fois, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec les personnages d’Emily Brontë.
Le style est en plus vraiment agréable et assez poétique sans tomber dans l’excès. Les descriptions sont justes, intégrant les éléments de décor souvent caractéristiques du genre fantastique et traduisent ainsi vraiment bien l’atmosphère qui règne. Bref on s’y croirait.
Le seul reproche que j’ai à formuler est que l’on devine bien trop tôt le pourquoi du comment de l’intrigue et ça gâche un peu l’effet.
Sinon, j’ai vraiment beaucoup aimé et surtout pour les passages sur la jalousie (un des thèmes dominants de ce roman) magnifiquement bien traitée et qui m’ont particulièrement touchée. La haine et la violence sont également des thèmes qui, avec la jalousie, accompagnent le lecteur jusqu’au bout sans lui accorder aucun répit.
Si vous avez aimé Les Hauts de Hurlevent, il est fort probable que vous aimerez La femme sous l’horizon.


mercredi 21 décembre 2011

Feux d'été - Nuria Amat



Présentation de l’éditeur :

Dans l’exaltation combattante de la défense de Barcelone contre les militaires putschistes, en juillet 1936, la jeune anarchiste Valentina Mur fait la connaissance du militant des Jeunesses communistes Ramón Mercader, qui se rendra célèbre quatre ans plus tard en assassinant Trotski. Mais c’est d’un jeune bourgeois romantique, Artur, le cousin de Mercader, que Valentina tombe éperdument amoureuse. Elle remue ciel et terre pour le faire sortir des geôles clandestines staliniennes ou, accusé de collaboration avec les putschistes, il est torturé.
Dans une Barcelone bombardée quotidiennement, Valentina et Artur (qui vit caché) s’aiment, refont le monde, résistent. Leur amour croît, se développe dans une ville chaque jour plus meurtrie, acculée, encerclée par les forces de Franco. La jeune féministe anarchiste et le bourgeois qui rêve d’être poète se marient en secret. Et, alors qu’Artur est emprisonné, Valentina vient lui apprendre qu’elle est enceinte. La défaite des républicains est désormais certaine, les troupes de Franco avancent sur la Catalogne, et Barcelone. Avec des centaines d’autres détenus, Artur est utilisé comme bouclier humain pour protéger la retraite des communistes vers la France, tandis que Valentina tente, parmi des milliers de réfugiés, de gagner la frontière…

Mon avis :

Il se résume en 3 lettres : BOF.

Je crois que je n’avais encore jamais rien lu d’aussi plat niveau émotionnel. Je n’ai rien ressenti à aucun moment. Je n’ai pas du tout réussi à entrer dans l’histoire ni à m’approprier les personnages. Rien à faire.

Dès le début ça n’allait pas. La scène de rencontre entre Valentina et Artur est tellement mal racontée que je ne l’ai pas du tout trouvée crédible. Je n’ai pas du tout compris d’où sortait cette histoire d’amour, un coup de foudre ? Apparemment … mais je ne suis vraiment mais alors vraiment pas convaincue. Nuria Amat n’a pas su me toucher ni me faire rêver.

Je n’ai pas accroché aux personnages qui sont vraiment mal dessinés, l’auteur s’en tient à des grandes lignes : Valentina forte tête, anarchiste, féministe (à un point que c’en est énervant), guerrière et Artur l’intello bourgeois et … et je suis incapable de rajouter quoique ce soit, c’est pour vous dire à quel point les personnages ont été travaillés …
Ah oui … une petite chose : le titre original de ce roman en catalan (d’où le prix Ramon Llull qui consacre le meilleur roman écrit en langue catalane) est Amor i guerra, j’aimerais qu’on m’explique pourquoi ça donne Feux d’été en Français ? Surtout que j’ai cru comprendre que Nuria Amat s’était inspirée de Guerre et Paix de Tolstoï pour l’écriture de son roman. Influence que l’on retrouve donc dans le titre original. N’ayant pas lu Guerre et Paix, je ne peux pas dire jusqu’où s’exprime cette influence, mais je peux vous dire que ça ne me donne pas du tout envie de lire Guerre et Paix !

A côté de cette pseudo histoire d’amour entre Artur et Valentina, on a d’autres personnages tout aussi peu charismatiques, la sœur d’Artur, petite bourgeoise promise à une belle vie bien pépère, naïve et franchement neuneu qui va finalement s’engager dans la guerre comme infirmière pour suivre le connard dont elle est tombée amoureuse.
Et là, on arrive aux deux seuls points intéressants de ce livre : le connard en question et le contexte.

Le connard : il s’agit de Ramon Mercader qui n’est autre que l’assassin de Trotsky. D’après mes recherches sur la toile, Nuria Amat est apparentée à la famille de ce monsieur et s’est basée sur l’histoire familiale pour écrire son roman. D’un autre côté, j’ai lu dans un autre article, qu’elle avait romancé beaucoup de choses. Alors voilà, c’est bien, on apprend des trucs sur Ramon Mercader ( et j’avoue, j’ignorais qui était ce monsieur avant d’ouvrir ce livre) mais du coup on ne sait plus quelle est la part de vérité et quelle est la part de romancé… Alors pourquoi j’utilise un terme aussi grossier pour le qualifier ? C’est tout simplement ce qu’il en ressort du portrait qu’en fait l’auteur : un type pas très futé à la base, qui obéit aveuglément à sa fanatique de mère, qui se comporte comme un vrai macho, bref…

Le contexte : la guerre civile espagnole. Je ne connaissais que très vaguement cet épisode de l’Histoire de nos voisins espagnols et je reconnais que j’en sais dorénavant un peu plus grâce à cette lecture. A vrai dire, j’ignorais totalement quelle ampleur avait pris cette guerre civile et je suis vraiment choquée de constater qu’encore une fois l’être humain est capable de la bêtise et de la cruauté les plus abjectes. Il ressort assez bien aussi de ce roman la volonté de l’auteur de rendre hommage à la Catalogne et aussi ce sentiment indépendantiste de cette région bien particulière.

Peut-être que je me trompe mais j’ai l’impression que finalement l’histoire d’amour n’était qu’un prétexte bidon pour écrire sur la guerre civile. Je pense que Nuria Amat aurait, dans ce cas, mieux fait de s’en tenir à la rédaction d’un essai sur le sujet, cela aurait en plus mieux convenu à son style que le genre romanesque. Car en effet j’ai trouvé son style froid et journalistique. Oui voilà ! C’est le mot, en lisant ce livre j’ai eu l’impression de lire le journal.
Un journal assez confus par endroit, ne serait-ce que pour s’y retrouver au sein de la famille Mercader, un arbre généalogique n’aurait pas été superflu …
J’ai toutefois apprécié les petites biographies placées en fin d’ouvrage et aussi le clin d’œil fait à George Orwell qui fait une brève apparition. J’ai trouvé ça surprenant mais sympathique (j’ignorais aussi qu’il avait participé à la guerre civile).

Pour conclure, voilà encore un roman intéressant pour le côté documentaire mais franchement navrant pour la part romanesque. C’est dommage …

Je remercie le site News Book et les Editions Robert Laffont pour m’avoir offert ce partenariat.

mardi 20 décembre 2011

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur - Harper Lee



4ème de couverture :

Dans une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche.
Ce bref résumé peut expliquer pourquoi ce livre, publié en 1960 - au coeur de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis -, connut un tel succès. Mais comment ce roman est-il devenu un livre culte dans le monde entier ?
C’est que, tout en situant son histoire en Alabama dans les années 1930, Harper Lee a écrit un roman universel sur l'enfance. Racontée par Scout avec beaucoup de drôlerie, cette histoire tient du conte, de la court story américaine et du roman initiatique.
Couronné par le prix Pulitzer en 1961, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur s’est vendu à plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde entier.

Mon avis :

J’ai été surprise tout d’abord car je pensais entrer directement dans le vif du sujet or Harper Lee prend tout son temps pour bien nous faire entrer dans l’histoire et faire connaissance avec les personnages. Et j’ai adoré ce début de roman qui finalement met en place le décor, les protagonistes et qui, s’il semble être en décalage avec l’intrigue principale qui est le procès, est en réalité un socle essentiel pour comprendre la fin et ajouter à l’émotion.
J’ai donc beaucoup aimé suivre les enfants dans leurs jeux, me demander avec eux qui étaient ces gens qui vivaient enfermés dans l’obscurité de leur maison délabrée. Cela m’a rappelé des souvenirs d’enfance où à cet âge-là on trouve toujours dans son quartier une maison « hantée » ou un voisin qui fait peur.
Je suis impressionnée par le talent de conteuse de Harper Lee qui réussit à se mettre dans la peau d’une enfant : Scout que j’ai trouvée terriblement attachante. Impertinente, curieuse, débrouillarde, intelligente et bagarreuse, Scout est un véritable garçon manqué et ce fut un plaisir pour moi que de suivre ses péripéties à travers son regard de petite fille.
J’ai beaucoup aimé aussi son père Atticus, un homme droit, honnête, tendre, cultivé.
Ils sont d’ailleurs un peu trop parfaits ces personnages. Je n’ai pas réussi à leur trouver de défauts.
Finalement, peu de place est accordée au procès en lui-même mais l’essentiel se situe plutôt dans l’analyse des comportements des différents protagonistes face à cette situation.
Nous sommes dans un Etat sudiste où les Noirs n’ont aucun droit et ne bénéficient d’aucune considération sauf à de rares exceptions.
Lorsque l’affaire Tom Robinson éclate, parce qu’il est Noir toute la ville est persuadée de sa culpabilité. On reproche à Atticus, bien qu’il soit commis d’office, de vouloir le défendre de son mieux. Les enfants doivent affronter les quolibets de leurs camarades de classe et la violence des adultes. Mais tous tiennent bon grâce à l’espoir.
Ce roman est une ode à la tolérance, à l’espoir et aux rares personnes qui osent se lever contre l’injustice et contre la majorité.

« ‎- Atticus, tu dois te tromper... ?
- Comment cela ?
- Eh bien, la plupart des gens semblent penser qu'ils ont raison et toi non ...
- Ils ont tout à fait le droit de le penser et leurs opinions méritent le plus grand respect, dit Atticus, mais avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l'individu. »

Difficile pour moi d’en dire davantage sans spoiler alors je vais m’en tenir là.
Je ne rajouterai que ceci : j’ai lu ce livre d’une traite, je n’arrivais plus à le poser. Il est riche en émotions, j’ai ri et pleuré, bref c’est un véritable petit bijou.
A ceux qui ne l’ont pas lu, n’hésitez plus.

dimanche 18 décembre 2011

Le Jour de la Chouette - Leonardo Sciascia



« Moi, en ce qui concerne l’observance de la bonne règle qui consiste à faire court également un récit, je ne puis dire que le temps m’ait manqué ; j’ai mis toute une année de travail, d’un été à l’autre pour raccourcir ce récit : non pas une année d’un travail intense, évidemment, mais en marge d’autres travaux et de préoccupations d’un ordre bien différent. Le résultat auquel ce travail de coupure tendait à arriver, bien plutôt qu’à donner de la mesure, de la concentration et du rythme à mon récit, c’était de parer les révoltes éventuelles de ceux qui eussent pu se considérer plus ou moins directement atteints par mon récit. On n’ignore pas qu’en Italie il ne faut pas jouer avec le feu ; qu’on imagine ce qu’il en est quand on ne désire pas jouer, mais parler sérieusement. Les Etats-Unis peuvent présenter dans leurs récits et dans leurs films des généraux imbéciles, des juges corrompus et des policiers canailles. L’Angleterre aussi, la France aussi (tout au moins jusqu’à aujourd’hui), la Suède aussi et ainsi de suite. L’Italie n’en a jamais présentés, n’en présente pas, n’en présentera jamais.[…] Je ne me sens pas l’héroïsme de défier, de propos délibéré, des imputations de diffamation et d’outrage au gouvernement. C’est pourquoi, lorsque je me suis aperçu que mon imagination ne tenait pas suffisamment compte des limites imposées par les lois et, plus encore que par les lois, par la susceptibilité de ceux qui sont chargés de faire respecter ces lois, j’ai commencé à supprimer, supprimer, supprimer.
[…]
Inutile de dire qu’il n’existe pas, dans ce récit, de personnage ou de fait ayant une correspondance autre que fortuite avec des personnes existantes ou des faits qui se sont réellement produits. »

Mon avis :

J’aurais pu vous présenter la 4ème de couverture comme je le fais d’habitude ou encore vous faire un bref résumé « maison » comme ça m’arrive parfois mais cette fois-ci j’ai choisi de vous recopier partiellement la note écrite par l’auteur que j’ai trouvée à la fin de mon exemplaire du Jour de la chouette de Leonardo Sciascia. J’ai pensé, qu’en plus d’éveiller la curiosité, elle représentait assez bien le ton et l’ambiance du récit de Sciascia.
Car dans ce récit, Sciascia s’attaque à un des fléaux de l’Italie, à un sujet « tabou », vous l’aurez compris, il s’agit de la mafia.

Le Jour de la chouette se présente comme un roman policier, nous avons des assassinats, des témoins, des enquêteurs et des suspects. Ne vous attendez pas à un roman à suspense ou à la construction traditionnelle dans le style d’Agatha Christie. Non rien de tout ça ici.
La construction du texte se fait cinématographique, il n’y a pas de chapitres mais plusieurs séquences séparées par un blanc. Les séquences nous présentent chacune une scène, tantôt une scène d’interrogatoire, tantôt un dialogue entre deux mystérieux interlocuteurs dont on ignore les noms mais dont on devine au fur et à mesure de la conversation le statut social et la fonction.
Le tout est très court et se lit en quelques heures à peine, comme un film.
Le récit s’ouvre sur la première scène, celle d’un assassinat où Sciascia met en lumière une des caractéristiques de l’ « état » mafieux : l’omerta, autrement dit la loi du silence. On a des témoins mais ils n’ont rien vu, rien entendu, ne connaissent personne et ne savent rien. C’est sur cette base fragile que le capitaine Bellodi va devoir mener son enquête.

L’action se situe en Sicile, le capitaine Bellodi est de l’Italie du Nord et ne connaît donc pas les « coutumes » locales et surtout ne compte pas s’y plier. Il va donc faire son travail consciencieusement avec tout le zèle nécessaire et fera grincer des dents.
Sciascia se serait inspiré d’un véritable enquêteur pour créer le personnage de Bellodi et se serait basé sur un livre écrit par cet enquêteur, un livre entièrement consacré à la mafia.
Vous aurez donc dans ce roman un aperçu des procédés mafieux, de la véritable toile d’araignée qu’est la mafia de la base aux plus hautes strates du gouvernement. Et vous verrez à quel point il est difficile de la faire tomber surtout lorsque même le gouvernement nie son existence (et on comprend pourquoi …)

Grâce à ce livre, j’ai notamment appris l’existence et le rôle qu’a joué un préfet très connu en Sicile pour son action : le préfet Mori surnommé le préfet de fer, envoyé par Mussolini pour porter un coup fatal et faire cesser les agissements de la mafia. Mori a eu les pleins pouvoirs pour son opération ( les moyens extrêmes employés par ce dernier transparaissent d’ailleurs à travers certains des propos que Sciascia met dans la bouche de ses personnages) et a bien failli réussir. Et on comprend ainsi pourquoi la Sicile s’est massivement pliée au fascisme.
Un conseil si vous choisissez de lire ce récit et si vous prenez la même édition que moi : ne lisez surtout pas l’introduction d’abord, elle en dit beaucoup trop et surtout donne des clés de compréhension. Mieux vaut donc la garder pour la fin.

Jusqu’à la fin, Sciascia nous livre là un récit assez politique et surtout réaliste, tellement réaliste qu’on pourrait le croire tiré d’une histoire vraie (peut-être ?) et j’ai d’ailleurs du mal à parler de ce livre comme d’un roman.
Mais le mieux est que vous jugiez par vous-même.



vendredi 16 décembre 2011

Le Turquetto - Metin Arditi



Présentation :

« NOTE AU LECTEUR :

Il existe au musée du Louvre un portrait attribué à Titien, intitulé L’Homme au gant, qui présente une curiosité.
La signature apposée au bas de la toile, TICIANUS, toute en majuscules, semble peinte de deux couleurs différentes. Le visiteur attentif peut constater, pour peu qu’il approche son regard du tableau, que le T est peint en gris foncé, alors que le reste du nom, ICIANUS, est en gris-bleu. »

L’Homme au gant ne serait pas de la main du Titien mais d’un mystérieux peintre dont toute l’œuvre aurait disparu sauf cette unique toile que Titien aurait sauvée en y apposant sa signature.
Metin Arditi fait revivre pour nous ce peintre talentueux, prisé du tout Venise, le Turquetto.
Né juif à Constantinople, Elie se révèle très doué pour le dessin. Malheureusement, sa religion lui interdit toute représentation des créatures de Dieu. A la mort de son père, Elie s’embarque pour Venise et entre au service du Maître. Il devient alors l’artiste le plus recherché de la cité utilisé dans les rivalités de pouvoir entre confréries et Grands de Venise.

Mon avis :

J’avais lu de nombreuses critiques élogieuses sur ce roman et la mienne n’y dérogera pas.
Moi qui suis passionnée d’Histoire, d’Art et de peinture en particulier, je ne pouvais pas passer à côté de ce livre. Qui est donc ce Turquetto ? L’Homme au gant ne serait donc pas de Titien ?
C’est en se basant sur cette particularité de cette toile que Metin Arditi construit tout son roman. Et il le fait si bien que j’ai vraiment cru à l’existence du Turquetto. Pourtant tout cela reste entièrement hypothétique même si certains éléments troublants et réels viennent cautionner la thèse de l’auteur.

J’ai adoré ce roman, intelligent, bien construit et très bien écrit. Rien n’est superflu dans ce récit, les dialogues sont magnifiques. Je pourrais juste reprocher le manque de descriptions qui m’auraient permis de me sentir encore plus dans l’ambiance de l’époque. En revanche, les personnages sont méticuleusement travaillés, leur personnalité est décrite de façon à les rendre vraiment vivants. Curieusement, j’ai même trouvé que les personnages secondaires étaient plus précis que le personnage principal lui-même ce qui ne fait qu’ajouter au mystère qui l’entoure.

Un des thèmes abordés traite du lien filial à travers la relation entre Elie et son père. Elie a honte de son père et de sa condition. Le père a honte de son fils qu’il voit comme un traître aux « Siens » sous-entendu au peuple juif. Pourtant cette relation est l’axe central du roman et vous ne pourrez plus ensuite regarder le tableau de L’Homme au gant de la même façon.

Metin Arditi a su aussi reconstituer avec talent les luttes de pouvoir à Venise et le rôle de l’Eglise dans ces conflits. L’action se place en plein XVIème siècle, nous sommes à l’époque de la Réforme et donc de l’émergence du protestantisme. L’Eglise catholique doit réagir face à l’hérésie et doit pratiquer un retour à la pureté des Anciens, surtout dans une ville décadente livrée à tous les vices comme Venise. C’est là qu’intervient l’Art comme outil de propagande, l’Art se met au service du pouvoir et l’auteur explique à merveille les liens entre artistes et Grands du monde qui cherchent par là un moyen de se mettre en valeur et d’assurer leur gloire. Les candidats au capes d’Histoire auront là un très bel exemple illustratif de leurs cours sur Le Prince et les Arts (même si c’est fictionnel c’est toujours intéressant).
Le Turquetto va donc se retrouver pris dans ces questions de rivalités et va vouloir utiliser son art comme moyen d’expression pour révéler son lourd secret.
Car Elie, à l’image de son prénom, est à la croisée des trois religions, juive, chrétienne et musulmane et devient, sous la plume de Metin Arditi, tout un symbole.
Mais dans une époque et un contexte de guerre de religions, l’intolérance et le fanatisme ambiants le conduiront à sa perte.

Un gros coup de cœur donc pour ce superbe roman à ne pas manquer. Il ne me reste plus maintenant qu’à aller faire un tour au Louvre.
En attendant, pour les curieux, le voici : (inutile de vous arracher les yeux à regarder la signature, on ne voit rien, il faut voir l’original pour ça !)


mercredi 14 décembre 2011

Le Roman de Yocandra - Zoé Valdés



Présentation de l'éditeur :

Publié en France en 1995, Le Néant quotidien est l’un des premiers textes à décrire la vie quotidienne à Cuba. Largement applaudi en Europe, il a fait de Zoé Valdés l’un des écrivains cubains les plus appréciés des lecteurs français et de Yocandra une figure de la résistance cubaine.
« Elle vient d’une île qui avait voulu construire le paradis, et qui a créé l’enfer. » Baptisée Patrie à sa naissance, une jeune Cubaine renaît sous le nom de Yocandra. Son récit décrit le quotidien lourd, oppressant, et vide de La Havane, cette ville qui rampe dans la ruine depuis si longtemps que la mémoire de l’opulence s’est perdue, ou n’était-ce qu’un songe ? Au bord de la mer qui la sépare de la liberté, elle décrit la perte de l'innocence, des illusions, les ambitions dérisoires, les vocations gâchées car tout, y compris les carrières professionnelles, est assujetti au plan. Entre le blocus américain et le régime castriste, il semble qu'à Cuba, la politique n'existe que pour empêcher les gens de vivre.
Écho à cette plongée dans le néant, Le Paradis du néant, rédigé quinze ans plus tard, est le récit de l’exil, de la nostalgie douce-amère d’un pays qu’on a rêvé de quitter, de la liberté impossible. Yocandra a quitté Cuba, par Miami, avant d’arriver à Paris. À La Havane, elle a laissé sa mère, l'homme qu'elle aime, ses livres et ses premiers poèmes.
À Paris, où elle est venue chercher l'oubli, la liberté, elle est poursuivie par le son de la rumba, les prières de la santería, et même par un Cubain particulièrement opiniâtre appelé Fidel Raúl.

Mon avis :

Le Roman de Yocandra regroupe donc les deux romans Le néant quotidien et Le Paradis du néant où l’on suit donc Yocandra, sa vie à Cuba puis sa vie en exil.
Pour moi, cette lecture a été un grand coup de cœur et ce n’était pourtant pas gagné au départ.

En effet, j’ai détesté la première partie Le néant quotidien, heureusement très court comparé à la suite. J’ai trouvé le style d’une vulgarité dérangeante. Je n’ai pas réussi du tout à apprécier Yocandra que je ne voyais que comme une traînée dévergondée. Certains passages m’ont paru trop obscurs voire trop abstraits aussi, je n’arrivais plus à savoir quel personnage parlait etc…, je ne comprenais pas certains propos. Je pensais que j’aurais eu droit à une fresque de la vie quotidienne à Cuba. Alors oui, évidemment, il s’agit un peu de cela mais la façon dont c’est présenté m’a dérangée. J’en arrivais même à me dire que si elle avait une vie minable c’est qu’elle le méritait. Je n’ai pas du tout ressenti la moindre émotion. Rejet total.
J’aurais donc pu m’en tenir là mais comme il s’agissait d’un partenariat j’ai insisté et donc poursuivi ma lecture.
Bien m’en a pris !

J’ai adoré la deuxième partie Le Paradis du Néant. Je pense que les quinze années d’écart entre les deux textes y sont pour quelque chose. Le style vulgaire a laissé la place à un style familier et cru mais plein d’humour. J’y ai retrouvé un peu de ce qui m’avait plu chez Eric Miles Williamson dans Bienvenue à Oakland.
Je me suis enfin liée d’amitié avec Yocandra et je me suis sentie embarquée dans ses aventures. Et là de l’émotion j’en ai eu ! J’ai ri, j’ai eu peur, j’ai ressenti de la colère, de la tristesse. J’ai adoré vivre avec elle dans cet immeuble du quartier du Marais avec tous ses voisins hauts en couleur mais tellement attachants !
Et Zoé Valdés n’a pas sa langue dans sa poche. Le régime castriste en prend pour son grade, c’est un véritable cri de colère que nous livre l’auteur dans ce texte. Elle y décrit et dénonce avec férocité et rage les abus du régime, l’illusion des gauchistes occidentaux qui refusent de voir la vérité, le déchirement auquel conduit l’exil et ce terrible sentiment d’impuissance d’un peuple opprimé que tout le monde ignore et abandonne à son sort.

« La différence entre le capitalisme et le castrisme est la suivante : dans le capitalisme on t’encule, on t’empale et tu peux protester, faire grève, et tout le tintouin, avec l’appui systématique des syndicats … Dans le castrisme on t’empale tandis que tu applaudis et dis bravo pour qu’on te déchire les boyaux. Ah, et puis les syndicats sont les premiers à te baiser. »

A travers la bouche de Yocandra, elle aussi écrivain, c’est une partie de sa vie et de ses pensées que nous offre Zoé Valdés. Elle insiste beaucoup sur la condition des intellectuels et artistes cubains condamnés soit à la soumission au régime, soit à la prison, à la mort ou à l’exil. On pourrait penser que les écrivains exilés puissent librement s’exprimer. Mais ce n’est pas si facile, il y a des pressions : il ne faut pas donner une mauvaise image de la Révolution. Qu’on soit sur l’île ou en exil, le climat est à la méfiance car on est surveillé et, si on n’y prend pas garde, dénoncé.
L’île est une prison mais l’exil c’est la liberté conditionnelle avec bracelet électronique.

Je pourrais en dire encore plus tellement j’ai aimé ce livre.
Si vous voulez un aperçu de la vie à Cuba et de celle des cubains en exil à travers les yeux de quelqu’un qui a vécu les deux , si vous aimez la littérature engagée alors lisez ce roman.

Je remercie de tout cœur le site Livraddict et les Editions JC Lattès pour cette formidable découverte.

dimanche 11 décembre 2011

L'Insu - Pierre Sauvanet



4ème de couverture :

Effectuer quelque chose à l’insu de soi-même, c’est ce que nous faisons tous chaque jour. Mais reste à savoir si cet « à l’insu de » est une condition nécessaire et quasi suffisante pour que ce quelque chose soit fait. L’image la plus simple de cette réalité complexe est tout entière illustrée par une devinette attribuée à Léonard de Vinci : « Qu’est-ce qu’on cherche sans le trouver ; qu’est-ce qu’on trouve sans le chercher ? – Le sommeil. »
Ou encore – et cette fois c’est Stendhal qui formule l’idée : vouloir-être-naturel est impossible. Être naturel, c’est être naturel sans vouloir l’être – stratégie oblique de la volonté.
Ainsi, certaines choses ne peuvent se réaliser qu’à l’insu du sujet, et non en toute conscience. Par rapport à l’inconscient, il y aurait donc une certaine positivité du non-conscient, que l’on peut essayer paradoxalement de penser, voire de favoriser. L’insu est pris entre le penser et le vivre. C’est l’enjeu de ce livre.

Mon avis :

Bien que ce soit un livre de philosophie, L’Insu de Pierre Sauvanet est construit de façon à rendre la lecture fluide et aérienne.
Il se présente en 4 parties sous la forme d’une succession de courts paragraphes numérotés qui ne sont pas sans rappeler les aphorismes de Nietzsche.
Bien que l’auteur précise dans la vidéo jointe à ce billet que la lecture dans l’ordre n’est pas obligatoire, j’ai trouvé qu’elle était quand même nécessaire afin de ne pas perdre le fil.
Cet ouvrage se veut donc une réflexion sur l’Insu, terme que l’on emploie que dans le cadre de l’expression rendue célèbre « faire quelque chose à son insu ».
Je ne suis pas sûre d’avoir tout bien compris étant novice en philosophie. Les références à certains grands penseurs et à leur pensée m’ont d’ailleurs gênée. J’ai un peu déploré le changement de style intempestif tout au long de l’ouvrage. Parfois, certains passages étaient tout à fait limpides, écrits dans une langue claire et simple, utilisant des exemples concrets de la vie quotidienne. Mais d’autres sont plus obscurs, font référence à des notions philosophiques et psychologiques que je ne maîtrise absolument pas. Les quelques essais de style de l’auteur (jeux de mots …) m’ont aussi parfois agacée.
Malgré ces quelques bémols, j’ai pris plaisir à cette lecture par les réflexions qu’elle soulève sur toutes sortes de sujets et pas seulement sur l’Insu.
Ce que j’ai retenu et compris de ma lecture en quelques mots : l’insu englobe tout ce que l’on fait sans en avoir conscience, nos réflexes et nos automatismes. Lorsque je respire, je ne pense pas à inspirer et expirer à chaque fois. Cela se fait naturellement. L’insu, c’est donc ce qui nous permet de faire un tas de choses sans avoir besoin d’y penser. L’insu nous soulage de beaucoup de pensées « parasites ». Imaginez que vous soyez obligé de penser chacun de vos gestes et de vos actes. Imaginez-vous en train de marcher et de penser au fait qu’il vous faut mettre un pied devant l’autre. Mais l’insu, ce n’est pas l’oubli et ne peut se baser que sur le su. On ne peut pas faire inconsciemment quelque chose que l’on ignore.

« L’insu, ce n’est pas souffrir dans tout son être d’un manque neurologique, c’est consciemment faire le vide pour vivre pleinement. »

Je pense toutefois qu’il me sera nécessaire de relire ce livre une deuxième fois. Beaucoup de choses m’ont échappé.
En tout cas, il m’a donné à réfléchir et m’a donné envie de me mettre sérieusement à la philosophie. Ne serait-ce que pour connaître au minimum les grands philosophes et les grandes lignes de leurs idées.

https://www.youtube.com/watch?v=0xtzKl_SmGg

Je remercie beaucoup Ys et le site News Book ainsi que les Editions Arléa pour cette intéressante invitation à la réflexion.

samedi 10 décembre 2011

Fahrenheit 451 - Ray Bradbury



4ème de couverture :

451 degrés Fahrenheit représentent la température à laquelle un livre s’enflamme et se consume. Dans cette société future où la lecture, source de questionnement et de réflexion, est considérée comme un acte antisocial, un corps spécial de pompiers est chargé de brûler tous les livres dont la détention est interdite pour le bien collectif.
Le pompier Montag se met pourtant à rêver d’un monde différent, qui ne bannirait pas la littérature et l’imaginaire au profit d’un bonheur immédiatement consommable. Il devient dès lors un dangereux criminel, impitoyablement pourchassé par une société qui désavoue son passé.

Mon avis :

Voilà, ça y est, j’ai enfin lu ce monument de la littérature.
Comment rester de marbre après une lecture pareille ?
Le portrait du monde que dresse Ray Bradbury dans ce roman pourrait être le nôtre dans un futur éventuel. Une option parmi tant de possibilités.
A travers la description du monde d’avant que fait le capitaine Beatty, j’ai reconnu notre monde actuel à nous : un monde essentiellement tourné sur l’argent, la consommation et le divertissement.
Bradbury dénonce l’abrutissement des masses par les médias (la télévision en particulier) mais aussi le déferlement d’une « sous-culture » qui amène l’homme à ne se préoccuper que de son quotidien, de ses loisirs et à complètement laisser de côté ce qui l’entoure. Et dans tout ça, moi je reconnais complètement le monde dans lequel je vis, un monde où les gens ne recherchent que la facilité et où la réflexion tend à disparaître.

Le futur imaginé par Bradbury fait froid dans le dos : des êtres humains complètement lobotomisés, dépourvus de compassion et qui ne connaissent plus l’amour, des êtres humains qui vivent en pleine guerre sans même s’en soucier ni s’en rendre compte. Pourquoi ? Parce qu’on les abreuve de stupidités, on leur fait croire que s’intéresser au monde qui les entoure c’est s’exposer au malheur et à la souffrance. « Pour vivre heureux, restons cachés », pour vivre heureux fermons les yeux.
Le personnage de Mildred est très représentatif d'ailleurs, elle m'a beaucoup agacée, elle est complètement "endoctrinée", elle est froide, dénuée de sentiments et ne s'intéresse qu'à ses émissions de télévision. Quel horizon !

Dans ce monde imaginaire bradburien, on ignore les actualités internationales surtout si elles concernent la guerre, la misère et la faim qui touchent d’autres pays. Sait-on seulement qu’il existe d’autres pays ? Oui puisqu’il y a une guerre mais qui sont-ils ? Pourquoi se battent-ils ? On l’ignore et à vrai dire ça ne nous intéresse pas.
En revanche, on retransmet en direct une chasse à l’homme à laquelle on invite la population à participer.
Le gibier ? Un homme qui a compris que ce monde était factice et superficiel et qui a décidé de se retourner contre l’autorité. Un dissident. Un ennemi de l’intérieur. Un danger susceptible de troubler la tranquillité et l’hébétude générale.

Montag faisait partie du corps des pompiers. Sauf que dans son monde à lui, les pompiers ne sont pas chargés d’éteindre les incendies mais de les allumer. Mais attention, pas n’importe quels incendies. Les pompiers ont pour mission de brûler tous les livres qu’on leur signale (le système fonctionne donc sur le principe de la dénonciation), les livres mais aussi tous les biens du propriétaire qui est ensuite arrêté.
Un jour, Montag comprend qu’il n’est pas heureux, que son épouse non plus, qu’ils ne partagent rien si ce n’est un toit. Il décide alors de se révolter sous l’influence d’une jeune fille qu’il aura rencontrée et qui lui aura ouvert les yeux. Il brave l’interdit et se procure des livres. Il essaie désespérément de convaincre son épouse de leur valeur et de l’importance des enseignements qu’ils renferment.
Seulement, contre ce genre de système, la révolte ne fonctionne pas. La solution est ailleurs.

J’ai lu dans l’article Wikipédia que Bradbury dénonçait le maccarthisme dans ce livre. Je trouve qu’il va beaucoup plus loin que ça.
Cette dystopie m’aura touchée d’autant plus qu’elle est plausible. J'ai trouvé le style aussi froid que Mildred, pas d'émotions, pas de poésie, pas de suspense. Un style à l'image du monde décrit.

Pour conclure, je dirais que Fahrenheit 451 est un roman pas transcendant mais incroyablement réaliste pour un livre de science-fiction. Un roman incontournable du genre comme 1984.

Je remercie beaucoup Fleurdusoleil pour avoir proposé cette LC et m’avoir permis d’enfin découvrir ce roman essentiel.

jeudi 8 décembre 2011

Birmane - Christophe Ono-dit-Biot



4ème de couverture :

Couronné par le prix Interallié en 2007, Birmane racontait une folle histoire d’amour entre un jeune homme naïf, une médecin humanitaire, et un pays à la beauté hypnotisante : la Birmanie. Sur fond de paranoïa, de pierres précieuses, d’opium et de nuits fauves, cette aventure palpitante plongeait le lecteur au cœur du plus fascinant pays d’Asie.
Quelques semaines après la parution, des milliers de moines défiaient la dictature. Et « The Lady » Aung San Suu Kyi devait ensuite recouvrer la liberté.
Quatre ans plus tard, la démocratie ne règne pas pour autant sur le pays aux dix mille pagodes. Et l’histoire de César et Julie pourrait encore se passer aujourd’hui.

Mon avis :

Mon sentiment sur cette lecture est mitigé.
Je l’ai aimé pour le contexte et le cadre que l’auteur maîtrise bien : la Birmanie. Grâce à son expérience de reporter, Christophe Ono-dit-Biot nous offre un aperçu de ce pays malheureusement très méconnu et oublié des pays occidentaux. Oh bien sûr, le film récent de Luc Besson a le mérite de nous rappeler la terrible situation politique que connaît la Birmanie. Mais on en parlera pendant combien de temps ?
Alors voilà, je l’avoue, avant de lire Birmane, je ne connaissais rien à la Birmanie et je suis donc un parfait exemple de l’amnésie collective voire l’ignorance (tel était mon cas) qui semble frapper nombre de nos concitoyens (et autres) concernant ce pays.
Grâce à ce roman, j’ai donc fait connaissance avec ce coin d’Asie, une partie de son Histoire, ses incroyables et fascinants paysages et monuments, le sourire de sa population malgré la dictature, le climat de peur ambiant, la violence, la drogue, les exactions, les viols et les massacres des ethnies qui refusent de se soumettre au pouvoir militaire birman.

Pour ce qui est de l’histoire en elle-même, c’est là que le bât blesse.
Je n’y ai pas cru un seul instant. Je suis peut-être un peu trop terre-à-terre mais j’ai besoin, pour entrer complètement dans un récit, de le trouver un minimum plausible. Or j’ai trouvé ça digne d’un film à grand spectacle hollywoodien. Le monsieur tout le monde bien franchouillard qui a envie d’une vie plus trépidante que la sienne et qui va jouer tantôt les James Bond tantôt les Indiana Jones sous la dictature, excusez-moi mais ça ne passe pas du tout !
Je n’ai pas du tout aimé ce personnage principal. Je l’ai trouvé franchement immature, pas très futé et un peu trop porté sur la Chose. Oui parce que quand monsieur est amoureux d’une fille, chez lui ça se réduit au physique et au sexe. Et ça, ça m’a beaucoup énervée ! « Une folle histoire d’amour » disait la 4 de couv … désolée, mais pour ma part, je n’ai pas vu d’amour dans cette histoire, ça manquait vraiment de profondeur, de poésie et de sentiments. C’est peut-être aussi pour ça que je n’y ai pas cru du tout. De plus, ils se mentent, ne se livrent pas complètement. A plusieurs reprises, César ne reconnaîtra pas cette Julie qu’il a idéalisée. Il fait une obsession sur une image d’elle complètement illusoire.
Et quant à la demoiselle, alors là, c’est encore pire …

Et à partir d’ici, attention je spoile !

Il n’y avait vraiment que le personnage principal (prénommé César … quel affront !) pour ne pas s’être douté de l’identité de Wei-Wei. Et là, j’ai vraiment été choquée. Ça m’a fortement rappelé ce cliché, maintes fois exploité au cinéma et en littérature, de l’occidental se faisant passer pour un dieu auprès d’une tribu d’indigènes. Donc notre chère Julie alias Wei-Wei joue les héroïnes et prend en main la lutte de sa tribu contre les vilains militaires birmans. On la voit dans ce nouveau rôle à la fois violente et sans pitié, elle inspire même la crainte à « son  propre peuple ».
J’ai quand même lu le livre jusqu’à la fin avec le fol espoir que celle-ci serait assez surprenante pour rehausser un peu mon ressenti global mais non … Là encore déception, on ne sait pas ce que deviennent les personnages, si César a pu accomplir la mission que Julie lui avait confiée c’est-à-dire « promouvoir » l’action de Wei-wei et ainsi sensibiliser l’opinion publique occidentale à la situation en Birmanie. Et on ne sait pas plus ce que devient Julie. Donc sentiment d’inachevé, de « tout ça pour rien ».

Fin de spoiler !

Pour conclure, je dirais que ce livre est à lire surtout pour son côté documentaire. Pour le côté romanesque, les amateurs de longs métrages à sensations ou ces dames à tendance fleur bleue-Harlequin pourront probablement se régaler. N’appartenant à aucune de ces deux catégories, j’ai été soulagée d’en terminer avec ce roman.
C’est dommage parce qu’il y avait vraiment matière à faire un magnifique roman bien étoffé. J’aurais voulu être plus plongée au cœur du quotidien de la population, avoir plus de descriptions des paysages et des modes de vie, j’aurais vraiment voulu ressentir la moiteur, l’atmosphère des lieux.
Toutefois, si l’objectif de Christophe Ono-dit-Biot était justement, à l’image de son personnage, de faire connaître la Birmanie à travers son récit, alors dans ce cas, l’objectif est atteint et c’est déjà une belle réussite !


vendredi 2 décembre 2011

Comme personne - Hugo Hamilton



4ème de couverture :

L'Allemagne nazie vit ses derniers jours.
Maria fuit la capitale, tombeau de son fils Gregor. Dans la foule des réfugiés, sa main saisit celle d'un petit garçon : elle nommera l'orphelin du nom de son enfant défunt. Cet héritage va hanter le garçon sa vie durant et le jeter sur les routes de l'Europe. Persuadé d'être juif, il quitte sa famille adoptive, en quête de ses véritables origines...

Mon avis :

C’est à une véritable réflexion sur l’identité individuelle que nous invite Hugo Hamilton à travers ce roman.
Qu’est-ce qui constitue notre identité ? Nos origines sont-elles si importantes pour la construction de notre individualité ?
Pour Gregor, personnage principal de ce récit, la réponse est oui. Le doute sur ses origines le hantera toute sa vie au point de mettre son couple et les relations avec son fils en péril.
Gregor se cherche, s’invente (ou pas) une origine basée sur les dires d’un vieil ami de la famille. Marqué par une enfance difficile, souffrant de l’absence de sa mère adoptive contrainte de travailler pour subvenir à leurs besoins jusqu’au retour du père du front, élevé de façon stricte par ce père traumatisé par son expérience de la guerre, Gregor n’a que peu connu l’amour et n’a pu, de ce fait, que se sentir étranger à ces gens qui se prétendaient ses parents.

On suit donc la vie de Gregor à travers des flashbacks, on aperçoit son enfance, son adolescence, sa rencontre avec sa femme. Mais on est également plongé dans des récits d’une extrême dureté, la guerre, le front, les exodes des réfugiés, les exactions commises par les soldats ennemis sur la population civile.
Etrangement, j’ai ressenti peu d’émotions pendant la première moitié du livre. J’ai trouvé que tout était raconté avec tant de froideur que je ne parvenais pas à me sentir touchée. Puis d’un coup, tout s’est accumulé, la noirceur m’a sauté au visage et j’ai terminé ma lecture en apnée.
J’ai lu ce livre en 2 jours complètement happée et bouleversée par l’histoire de Gregor qui va jusqu’à s’inventer une vie et mentir à son épouse et ses amis.

Alors je me suis demandée comment j’aurais réagi à sa place, si je découvrais que mes parents ne sont pas mes vrais parents et que j’ignore absolument tout de l’identité de mes véritables géniteurs et même de l’endroit d’où je viens.
Est-il possible de se construire réellement et solidement avec un tel manque ?

« Chacun a besoin d’une identité, d’un masque, d’une histoire dans laquelle se sentir chez soi, d’une route à suivre. Avec le corps de survivant qui était le sien, Gregor avait réussi à se construire une assez bonne vie. Après tout, ne faisait-il pas bon usage du nom que sa mère lui avait donné, quand bien même ce nom l’éloignait de ses origines ? Qu’il habite ou non l’âme d’un enfant mort, il habitait une âme. Une âme qu’il avait faite sienne. En quoi différait-il de ses semblables ? Ne sommes-nous pas tous en partie inventés ? Êtres vivants et fantômes à la fois. A la fois réels, et inventés. Existant principalement dans le regard des autres – sa famille, ses amis, ses concitoyens. Lui aussi revendiquait une place dans leur imagination. Lui aussi était demi-échec et demi-succès. Individu doté d’une histoire complexe qui tenait peut-être à de la fiction, à laquelle il avait envie de croire, plutôt que de croire à une biographie imposée. »

Comme personne est donc un roman très fort, très profond, réfléchi et qui marque. Et en plus, j’y ai appris des choses (et vous savez comme j’aime ça !).
D’ailleurs, je vous propose un petit jeu : savez-vous quel est l’objet représenté sur la photo ci-dessous ?




Pour avoir la réponse, je vous invite fortement à lire Comme personne de Hugo Hamilton (mais pas seulement pour ça non plus hein ?)
Et pour les impatients, un petit indice ici.

Je remercie infiniment le site Partage Lecture ainsi que les Editions Points pour m’avoir accordé leur confiance et attribué ce partenariat et donc de m’avoir ainsi permis une si belle découverte. Je lirai sans aucun doute les autres romans de Hugo Hamilton.

mercredi 30 novembre 2011

La mort est mon métier - Robert Merle



Biographie romancée de Rudolf Hoess, commandant du camp d’extermination d’Auschwitz, La mort est mon métier est indéniablement un chef d’œuvre et devrait être lu par tous.

C’est avec un incroyable talent que Robert Merle retrace la personnalité et la psychologie d’un des acteurs majeurs de la Shoah. Il s’est appuyé pour cela sur des compte-rendus effectués par les psychologues ayant interrogé Hoess et sur ses propres Mémoires tout en gardant une certaine distance afin de ne pas tomber dans le piège de la subjectivité inhérente à ce que sont des Mémoires.
On suit ainsi la vie et le parcours de Rudolf Lang, de son enfance à sa condamnation aux procès de Nuremberg.

Elevé par un père par trop dévôt dans la crainte, Rudolf se réfugie dans le contrôle et la maîtrise de tout ce qui l’entoure : horaires, habitudes, comptage du nombre de ses pas. On sent donc dès son plus jeune âge une certaine forme de pathologie mentale indéniablement causée par celle de son père. Cette volonté d’ordre et de maîtrise, il la retrouve au sein de l’armée puis des corps francs et enfin au sein du parti nazi.
Rudolf est une machine, il obéit aveuglement. Ses uniques valeurs sont : sa patrie l’Allemagne et son honneur qui dépend, comme le veut le slogan des SS, de sa fidélité à son chef.

J’ai perçu Rudolf comme quelqu’un de complètement dénué de sentiment, quelqu’un qui ne se pose jamais de questions, il obéit aux ordres qu’on lui donne, point barre. Que les ordres soient immoraux ne le concerne pas, il n’est pas responsable, il ne fait qu’obéir.
J’ai d’ailleurs été très amusée par le passage relatant l’entrevue entre Rudolf et Himmler au cours de laquelle Himmler lui confie le commandement du camp d’Auschwitz ainsi que la charge de mettre au point un système efficace d’élimination en masse d’êtres humains.
A la question de Rudolf « Pourquoi moi ? », Himmler lui répond qu’il a été choisi pour « ses rares qualités de conscience ». Et le plus drôle c’est que là où j’ai vu un aveu foudroyant d’Himmler sur le fait qu’il a pensé à Hoess en tant que personne assez dénuée de conscience pour ne pas rechigner à la tâche, Hoess, lui, pense tout au contraire qu’il a été choisi pour ses qualités exceptionnelles !

J’avais vu récemment un film très intéressant dans lequel est relatée une expérience tout aussi intéressante sur la capacité de l’être humain à obéir aux ordres. Cet extrait que je vous mets ici est basé sur le travail du psychologue américain Stanley Milgram.
L'expérience de Milgram est une expérience de psychologie réalisée entre 1960 et 1963 par le psychologue américain Stanley Milgram. Cette expérience cherchait à évaluer le degré d'obéissance d'un individu devant une autorité qu'il juge légitime et à analyser le processus de soumission à l'autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet. Les résultats font froid dans le dos !



 Un autre document essentiel sur ce thème est l’ouvrage de Christopher Browning  Des hommes ordinaires  dont voici le résumé :
A l'aube du 13 juillet 1942, les hommes du 101ème bataillon de police de réserve allemande entrent dans le village polonais de Josefow. Arrivés en Pologne quelques jours auparavant, la plupart d'entre eux sont des pères de famille trop âgés pour être envoyés au front. Dans le civil, ils étaient ouvriers, vendeurs, artisans, employés de bureau. Au soir de ce 13 juillet, ils se sont emparés des 1800 juifs de Jossefow, ont désigné 300 hommes comme "juifs de labeur", et ont abattu à bout portant, au fusil, 1500 femmes, enfants et vieillards. Ils étaient devenus adultes avant l'arrivée d'Hilter au pouvoir et n'avaient jamais été des nazis militants ni des racistes fanatiques. Pourtant en seize mois, ces hommes vont assassiner directement, d'une balle dans la tête, 38000 juifs, et en déporter 4500 autres vers les chambres à gaz de Treblinka-un total de 83000 victimes pour un bataillon de moins 500 hommes. L'auteur a utilisé les témoignages de 210 anciens de ce bataillon.
Ce livre est dans ma PAL, je ne manquerai pas de le lire prochainement et de vous en faire un compte-rendu sur ce blog.

Ce roman de Robert Merle n’est pas seulement essentiel pour apercevoir la psychologie d’un des maillons essentiels de la machine nazie, il permet également de saisir dans sa globalité toute la logistique et tout le cheminement opéré pour parvenir à l’obtention d’un système efficace d’extermination. On voit ainsi quels problèmes se sont posés à Hoess et on entre dans des détails sordides tels que comment tuer beaucoup en moins de temps possible, comment éviter que les juifs condamnés aux douches ne se doutent de ce qui les attend et ne se révoltent etc…
Tout ceci est d’un machiavélisme odieux, c’est à ne pas en croire ses yeux.

C’est dire le talent et le travail qu’il a fallu à Robert Merle pour retranscrire de façon si réaliste la psychologie de ces personnages. Le style est fluide. Ce roman se lit d’une traite, en fait on ne le lit pas, on le dévore. J'en recommande donc chaudement la lecture !

Bref, La mort est mon métier de Robert Merle est un roman incontournable à lire absolument.
Je remercie infiniment Kactusss d’avoir proposé cette LC et de m’avoir ainsi permis de découvrir cet ouvrage majeur.

mardi 29 novembre 2011

Le pavillon des cancéreux - Alexandre Soljenitsyne



4ème de couverture :

Il fallait tout le génie du grand Alexandre Soljenitsyne pour faire d’un pavillon d’hôpital pour cancéreux situé dans la petite ville de Tachkent le creuset d’un roman à la portée universelle. Car c’est bien dans ce lieu improbable, mais où il avait vécu pour y être lui-même soigné, que l’auteur d’ Une journée d’Ivan Denissovitch et de La Maison de Matriona a choisi comme théâtre du livre qui, plus que tout autre sans doute, a établi sa réputation de grand écrivain. Le lecteur s’y trouve immédiatement absorbé par une fresque intime, dramatique et pourtant pleine d’espoir qui dépeint une série de personnages pittoresques et parfois dérangeants, mais toujours émouvants. Un ancien détenu, un médecin, un ex-membre du KGB, une femme de ménage … Ils sont unis, malgré leurs différences, par l’humilité de leur humaine condition. Tout ce petit monde, qui va se débattre et trouver en soi de prodigieuses ressources de vie, est dépeint avec une puissance d’évocation, un réalisme saisissants. «  Qu’est-ce qui fait vivre les hommes ? », c’est à cette éternelle question que Soljenitsyne a voulu répondre dans ce monumental, dans cet incomparable roman.

Mon avis :

Cela faisait longtemps que je voulais lire Soljenitsyne. J’ai même Une journée d’Ivan Denissovitch qui dort dans ma PAL depuis une éternité. Il aura fallu l’occasion d’un partenariat sur Livraddict pour que je me plonge enfin dans un de ses romans.
Autant j’étais motivée au départ que je ne sais pas du tout ce qu’il s’est passé mais je suis complètement passée à côté de ce livre. J’ai mis plus de deux semaines à en venir à bout laissant filer plusieurs jours d’affilée sans l’ouvrir. Je me suis un peu ennuyée mais je crois que toute la faute n’en revient qu’à moi-même. Je pense que je n’étais pas dans les bonnes conditions pour le lire, quelques petits soucis du quotidien me turlupinant la tête …

Qu’ai-je donc retenu tout de même de ma lecture ?

Tout d’abord, l’histoire se passe dans un hôpital d’un des pays de l’ex-URSS et plus particulièrement dans la section réservée aux malades atteints du cancer. L’action (si on peut parler d’action …) se déroule en 1955 soit deux ans après la mort de Staline.
On y suit le quotidien de plusieurs personnages très différents. Au détour de ces diverses tranches de vie, Soljenitsyne nous dépeint la vie sous le stalinisme, de l’ « ennemi de l’Etat » condamné au camp puis à l’exil au fervent patriote chargé de dénoncer le moindre manquement au devoir des employés de son entreprise. Si différents et pourtant tous égaux devant la maladie, ils ont le même ennemi à combattre : le cancer.
J’ai vu dans le choix de ce contexte hospitalier la volonté de l’auteur de réaliser une métaphore assimilant le cancer au stalinisme, celui-ci étant le cancer rongeant la société soviétique. Toutefois, de la même façon que le cancer se combat et que renaît pour les malades l’espoir de la guérison, on assiste à la même époque à un renouveau de la société suite à la mort de Staline. En effet, les choses semblent commencer à changer et Soljenitsyne parvient avec talent à nous montrer cette évolution si faible puisse-t-elle être encore à ce moment-là. La métaphore se retrouve jusque dans le climat avec l’arrivée du printemps coïncidant avec la sortie de l’hôpital de mon personnage préféré Kostoglotov.

Bourru, enragé et entêté, Kostoglotov a été arrêté alors qu’il n’était encore qu’à l’université et condamné au camp pour son activité au sein d’un groupe d’étudiants soupçonné de représenter une menace pour l’Etat. Après le camp, il est exilé loin de chez lui sur une terre hostile à laquelle il finit par s’habituer et s’attacher, jusqu’à son cancer, raison pour laquelle il obtient un laissez-passer lui permettant de se rendre à l’hôpital de Tachkent. Il partage sa chambre avec plusieurs autres malades dont un certain Roussanov. Alors lui, je l’ai détesté. Imbu de lui-même, arrogant, il prétend tout savoir et se croit supérieur à tous car lui est membre du Parti. Avant d’entrer au pavillon des cancéreux, il était chargé de surveiller étroitement les employés de la société pour laquelle il travaillait et dénonçait le moindre faux-pas. Soljenitsyne nous décrit à travers ce personnage la psychologie de ceux qui ont contribué au fonctionnement du stalinisme ainsi que les procédés qu’ils employaient pour purger la société de ses « éléments dangereux ».

Certains passages m’ont en revanche profondément ennuyée, je pense notamment aux histoires de cœur de Kostoglotov que j’ai trouvées trop en décalage avec le reste du propos. Alors certes, cela propose un peu de légèreté face à la dureté et au sérieux des principaux thèmes que sont la lutte pour la survie et la critique du système mais je n’ai pas accroché du tout.
Par contre, d’autres m’ont exaltée comme le chapitre où Kostoglotov discute avec Chouloubine, un autre malade, discussion au cours de laquelle il lui expose ses remords d’avoir courbé l’échine et de s’être tu là où d’autres avaient ouvertement manifesté leur opposition et finalement terminé dans des camps. De là se pose la question, qui a raison ? Celui qui se tait et survit à tout ou celui qui dénonce, se révolte et risque sa vie ?

« Le peuple n’est pas bête mais il veut vivre. Les grands peuples ont une loi : survivre à tout et demeurer. »

Ce chapitre à lui tout seul est une merveille et fait vraiment réfléchir.
Il y a encore beaucoup d’autres choses à dire sur ce roman et je suis certainement passé à côté de nombre d’entre elles et je le regrette beaucoup.
J’espère avoir un jour l’occasion de relire ce livre et de pouvoir vraiment l’apprécier dans sa totalité et tous ses détails.

Cette lecture m’a donné envie d’en savoir plus sur l’Histoire de la Russie sous l’ère soviétique ainsi que sur l’idéologie communiste. J’ai même fait quelques emplettes livresques cet après-midi sur le sujet.

Je remercie chaleureusement le site Livraddict ainsi que les Editions Robert Laffont de m’avoir permis cette découverte de ce grand écrivain, prix Nobel en 1970 de surcroît, qu’était Soljenitsyne.

dimanche 13 novembre 2011

La petite fille qui aimait la lumière - Cyril Massarotto



4ème de couverture :

Barricadé dans sa maison au coeur d’une ville déserte, un vieil homme prend des risques fous pour recueillir une petite fille blessée.
L’enfant ne parle pas, elle ne prononce qu’un mot : Lumière, elle qui a si peur du noir. Alors le vieillard parle, il lui raconte la beauté de la vie d’avant, les petites joies du quotidien, son espoir qu’on vienne les délivrer. Il lui enseigne la possibilité d’un avenir, quand elle lui offre
de savourer le présent.
Cyril Massarotto explore avec toute la finesse et la profondeur à laquelle il nous a accoutumés depuis son premier livre, Dieu est un pote à moi, la relation filiale qui se noue entre ces deux êtres que tout oppose.


Mon avis :

Je ne connaissais pas Cyril Massarotto et ce roman fut donc ma première approche de cet auteur. Je partais alors sans aucune idée de ce qui m’attendait m’étant interdit de lire les critiques de ces précédents romans. Je voulais pouvoir me faire ma propre opinion sans aucune influence extérieure. Et je suis sortie de ma lecture les yeux brillants de bonheur et de larmes d’émotion.

La petite fille qui aimait la lumière n’est pas que le simple récit de la relation entre un vieil homme et une petite fille si différents et qui apprennent l’un de l’autre. C’est aussi un véritable petit bijou de tendresse, d’humour, de suspense, de peur, de tristesse, bref … un concentré d’émotions qui ne peut vraiment pas laisser indifférent.
Tout d’abord, Cyril Massarotto a choisi de placer son intrigue dans un contexte sombre et intriguant qui n’est pas sans rappeler celui de Je suis une légende. Nous sommes dans une ville morte, en pleine guerre, la population a été massacrée par un ennemi inconnu mais barbare et sanguinaire nommé Les autres. Ces autres rôdent toujours et le climat est à la peur et la crainte constantes à tel point que le vieil homme « Monsieur Papi » vit reclus dans sa maison de laquelle il ne sort jamais sauf pour sauver une petite fille blessée qui gît devant sa porte. Il prend alors conscience qu’il n’est pas le seul survivant et reprend espoir grâce à cette petite fille et à son poste radio duquel il guette les moindres grésillements.
A travers cette histoire de la relation entre ces deux êtres qui se découvrent et apprennent l’un de l’autre, Cyril Massarotto aborde nombre de thèmes comme la vieillesse, l’attachement familial, l’instinct de survie et s’interroge sur la capacité humaine à faire le mal : lorsque l’on tue même pour se défendre ne devient-on pas comme n’importe quel autre meurtrier ? N’y laisse-t-on pas une part de notre humanité ?

Cyril Massarotto nous rappelle aussi à quel point nous avons de la chance de ne manquer de rien. Il est vrai que ma génération et celle de mes parents n’ont pas connu la guerre, et nous avons la chance de vivre dans un pays en paix, nous ne savons pas ce que c’est que de manquer de choses aussi vitales que la nourriture, la possibilité de se laver rien qu’en tournant un robinet, nous ne savons ce que c’est que de vivre dans la peur. Et ce genre de piqûre de rappel ne fait jamais de mal. La liste des choses à faire par Lumière après la guerre nous fait prendre conscience aussi que le bonheur se trouve dans des petits plaisirs que l’on estime insignifiants sur le moment mais pourtant tellement importants.
J’ai aussi ri à certains passages assez cocasses et à certaines évocations de situation qui m’ont rappelé des souvenirs d’enfance. Le passage sur le biscuit trempé dans la chocolat m’a beaucoup émue. Ça peut paraître idiot mais j’ai adoré me remémorer mes petit-déjeuners « trempette » avec mes tentatives désespérées de récupérer mon biscuit (le fameux C…-C…) complètement délité dans mon lait.

Bref, j’ai beaucoup aimé cette diversité de sentiments, le tout raconté d’une plume légère et fluide. J’ai pris un énorme plaisir à cette lecture que j’ai trouvée non seulement intelligente mais fraîche et pleine d’espoir. Un joli coup de cœur pour moi.
Et une dernière remarque juste pour dire que j'ai trouvé la couverture très jolie et elle reflète parfaitement mon ressenti global sur ce livre.
J’ai prévu de continuer ma découverte des romans de cet auteur et j’espère y retrouver ce bonheur de lecture.

Je remercie infiniment le site Livraddict ainsi que les Editions XO pour m’avoir offert ce partenariat et permis cette très belle découverte.

mardi 8 novembre 2011

La Nuit de l'Oracle - Paul Auster



Quatrième de couverture :

Après un long séjour à l'hôpital, l'écrivain Sidney Orr est de retour chez lui. Toujours aussi amoureux de sa femme Grace, il reprend lentement goût à la vie. Mais il est accablé par l'ampleur de ses dettes et par l'angoisse de ne plus jamais retrouver l'inspiration. Un matin, alors qu'il fait quelques pas dans son quartier, il découvre une toute nouvelle papeterie, au charme irrésistible. Sidney entre, attiré par un étrange carnet bleu. Le soir même, presque dans un état second, Sidney commence à écrire dans le carnet une captivante histoire qui dépasse vite ses espérances. Sans qu'il devine où elle va le conduire. Ni que le réel lui réserve de plus dangereuses surprises... Virtuosité, puissance narrative, défi réciproque de l'improvisation et de la maîtrise, La Nuit de l'oracle précipite le lecteur au cœur des obsessions austériennes, dans un face à face entre fiction et destin. Comme si l'imaginaire n'était rien d'autre que le déroulement du temps avant la mort. Ou pire encore, son origine.


Mon avis :

Après avoir été totalement conquise par La Trilogie New-Yorkaise, j’avais hâte de renouer avec Paul Auster pour vérifier si je retrouvais mes sensations et mon plaisir à sa lecture.
Eh bien ce fût le cas avec La Nuit de l’Oracle.

Voilà encore un récit à la construction étonnante que je n’essaierai même pas de résumer.
Paul Auster a ce don incroyable de balader son lecteur à sa convenance l’emmenant dans une direction pour mieux le bousculer et l’envoyer valdinguer dans une autre.
Ici encore je me suis posée des tas de questions qui sont restées sans réponse. Auster parvient avec un talent fou à semer la zizanie dans l’esprit de son lecteur. Tout d’abord grâce à l’utilisation habile de la mise en abîme multiple. La Nuit de l’Oracle raconte l’histoire d’un écrivain qui nous raconte l’histoire d’un éditeur qui lit un livre, bref on se retrouve avec trois histoires imbriquées avec des similitudes volontaires entre les personnages au point qu’on en arrive à ne plus savoir dans quel récit on se trouve ! On retrouve là un procédé de Paul Auster qui, comme son narrateur, aime s’inspirer de lui-même pour créer ses personnages. (On retrouve d’ailleurs encore un anagramme de son nom …)

Le récit est truffé d’éléments étonnants qui éveillent la curiosité du lecteur créant ainsi une forme de suspense. Mais tout comme dans La Trilogie, pas d’issues, pas d’explications. Le lecteur ne peut que se contenter des fruits de ses suppositions et de son imagination. Je pourrais vous exposer les miens ici mais je n’en ferai rien car d’une part ce serait vous dévoiler des tas d’éléments essentiels qui, ainsi sortis de leur contexte, n’auraient non seulement pour vous aucune signification mais vous gâcherait l’effet de surprise, et d’autre part pourraient influencer votre propre interprétation de ce livre.

Je peux toutefois vous informer qu’on retrouve ici un thème cher à Auster qui est la notion de hasard. Selon lui, les évènements de la vie ne surviennent que par hasard et notre vie ne tient donc qu’à un fil. Je me demande aussi si Auster n’a pas vécu un accident sévère au cours de sa vie, peut-être est-il passé près de la mort car ce thème réapparaît assez souvent aussi. On ressent beaucoup son côté humain à travers l’évocation des camps de la mort et d’un fait divers concernant un bébé qui amène le narrateur à verser des larmes. La mort d’un bébé revient souvent dans le récit ( à 3 reprises ) est-ce du vécu aussi ?

Paul Auster décrit également très bien les questionnements relatifs au métier d’écrivain, l’inspiration subite qui permet à l’auteur d’écrire dans une totale frénésie jusqu’au blocage, la situation où l’écrivain se retrouve confronté à un obstacle qu’il ne sait pas comment résoudre. J’ai été intriguée aussi par cette notion de mots « qui tuent ». Lorsqu’un écrivain couche certaines pensées sur le papier, sont-elles amenées à se réaliser dans la réalité ? L’écrivain serait-il une sorte de medium ? J’ai lu que les horoscopes et autres prédictions de l’avenir pouvaient se révéler justes car ces prédictions conditionnent la personne et, par effet de suggestion, la poussent à agir de façon à ce que ces prédictions deviennent réalité. Serait-ce la même chose pour un écrivain ?

En dehors de tout ceci, j’ai retrouvé aussi cet objet récurrent dans l’œuvre de Paul Auster qu’est le carnet. Rouge dans La Trilogie, il est bleu dans La Nuit de l’Oracle. Pourtant une scène m’a surprise (et peut-être qu’encore une fois c’est mon imagination qui s’emballe) : le narrateur se bagarre avec un libraire car il souhaite absolument acheter un carnet rouge ( le dernier en magasin) mais le libraire refuse obstinément prétextant que le carnet rouge a déjà été réservé pour une autre personne. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que cette personne en question était le narrateur de La Trilogie

Ce n’était donc que ma deuxième rencontre avec Paul Auster mais à force de recherches sur lui je commence à mieux le saisir. Toujours est-il que je meurs d’envie de poursuivre ma découverte de son œuvre et qui sait … peut-être faire la connaissance d’un éventuel propriétaire de carnet vert ?
A ce propos, j’ai l’impression qu’Auster attache beaucoup d’importance aux couleurs. Je pense aux carnets mais aussi aux noms de ses personnages dans la Trilogie. Serait-ce par effet de contraste avec la grisaille du béton new-yorkais ?
Bref, comme vous voyez, cet auteur et son oeuvre m’intriguent énormément.
Je crois que je vais aller faire un tour à la librairie moi …

dimanche 6 novembre 2011

El Sexto - José Maria Arguedas



4ème de couverture :

Le jeune Gabriel est incarcéré au pénitencier El Sexto, au centre de Lima, dans le cadre de la répression des mouvements d’opposition étudiants. Là, il va rencontrer des représentants des partis politiques qui luttent contre le pouvoir despotique. Il découvre les hiérarchies de la prison, où en fonction des étages se côtoient en haut les politiques, puis les droits communs et les délinquants sexuels, et enfin, au rez-de-chaussée, les clochards. Les politiques se divisent entre partisans de l’APRA (de gauche) et communistes, considérés comme “vendus à l’étranger”.
Les droits communs font régner leur loi, distribuent la drogue et forcent les homosexuels à la prostitution. Les maîtres de cet infra-monde, Estafilade, Maravi et Rosita, l’homosexuel à la voix d’ange, luttent pour le pouvoir,  s’affrontent à mort, ce qui révèle la totale malhonnêteté des autorités légales.

Ce roman a été inspiré à l’auteur par son expérience de la prison politique en 1938. J. M. Arguedas avait manifesté en 1938 contre l’arrivée à Lima d’un représentant de Mussolini. Il définit El Sexto comme, à la fois, une école du vice et une école de la générosité.
Un grand classique de la littérature latino-américaine.

Né en 1911, José Maria Arguedas s'est suicidé en 1969 d'une balle dans la tête dans les toilettes de l'université où il enseignait. Il était l'une des figures majeures du mouvement indigéniste latino-américain, un écrivain connu pour son engagement politique et ses prises de position.


Mon avis :

Il ne faut pas lire ce roman comme on lirait n’importe quel autre roman. Celui-ci est un parfait spécimen de la littérature engagée et il faut s’y plonger en ayant bien à l’esprit le contexte politique au Pérou dans les années 30 et aussi le vécu de l’auteur.
José Maria Arguedas dénonce dans El Sexto la dictature de Benavides caché dans le roman derrière le personnage du « Général ».

El Sexto était un centre pénitencier situé au cœur de Lima, il n’existe plus à présent et on trouve à son emplacement un hôtel de luxe. Une idée plutôt de mauvais goût lorsqu’on découvre avec horreur les conditions dans lesquelles étaient enfermés les prisonniers d’El Sexto.
Les prisonniers politiques y côtoient les prisonniers de droit commun selon une hiérarchie stricte. Chaque catégorie a son étage et les relations entre ces étages sont évitées au maximum. Celui qui enfreint les règles s’expose à la colère de ses co-détenus et à d’éventuelles représailles. Ce dont Gabriel, le personnage principal, fait l’expérience. Car Gabriel est, à l’instar d’une poignée d’autres prisonniers, un électron libre. Il ne s’identifie à aucun parti et passe pour un petit bourgeois idéaliste et trop sentimental.

On retrouve à l’intérieur de la prison une sorte de reproduction de la société péruvienne de l’époque que ce soit sur le plan politique ou sur le plan social. On trouve le tyran et ses partisans, ici Estafilade et ses sbires, et les deux principaux partis qui s’opposent : l’APRA dont la doctrine n’est pas clairement définie et est soupçonnée de marcher main dans la main avec les dirigeants mais prétend revendiquer un Pérou libre débarrassé des « gringos » qui exploitent le peuple et le laissent vivre dans la misère, et le parti communiste qui souhaite lui aussi libérer le peuple de l’oppression impérialiste mais qui est accusé par les apristes d’œuvrer pour le compte d’autres impérialistes étrangers que sont les russes.
Le roman s’attarde donc sur les conflits entre les deux partis mais montre en même temps leur possible entente face à un objectif commun : éliminer le tyran. Je dis bien « possible entente » car ces deux forces en présence peuvent aussi malheureusement se neutraliser l’une l’autre. La solution peut alors venir d’ailleurs.

En lisant El Sexto, on est nous aussi enfermé dans cette prison. J’ai suffoqué en même temps que ces occupants et été dégoûtée par certaines scènes surtout quand on réalise que c’est du vécu et que ça se passait donc réellement comme ça. On assiste à la déchéance totale de l’être humain, de sa réduction à l’état de bête et même pire encore si c’est possible. J’ai été révoltée par tant d’injustice, par le cas de cet homme emprisonné uniquement par jalousie, de ce petit garçon accusé à tort de vol par sa patronne et de me rendre compte à quel point l’arbitraire règne. Les « autorités carcérales » ferment les yeux sur tout ce qui se passe à l’intérieur, excepté quelques gardes. Ouf ! Un soupçon d’humanité dans cet enfer !

Je ne m’amuserai pas à critiquer le style ni à étudier les personnages car ce n’est vraiment pas là le plus important dans ce roman. Je l’ai lu comme j’aurais lu le J’accuse de Zola. El Sexto est un cri de révolte poignant. Ignoré à sa sortie par les critiques et les intellectuels, il a circulé au sein de la population et est devenu un symbole de la littérature péruvienne et indéniablement un lieu de mémoire du patrimoine culturel péruvien.
Moi qui ne connaissait absolument rien à l’Histoire du Pérou, j’ai beaucoup appris grâce à ce livre.
A découvrir donc absolument.

Je remercie infiniment le site Newsbook et les Editions Métailié pour m'avoir offert ce partenariat.

dimanche 30 octobre 2011

Cet instant-là - Douglas Kennedy



Quatrième de couverture :

Écrivain New-yorkais, la cinquantaine, Thomas Nesbitt reçoit à quelques jours d'intervalle deux missives qui vont ébranler sa vie : les papiers de son divorce et un paquet posté d'Allemagne par un certain Johannes Dussmann. Les souvenirs remontent...
Parti à Berlin en pleine guerre froide afin d'écrire un récit de voyage, Thomas arrondit ses fins de mois en travaillant pour une radio de propagande américaine. C'est là qu'il rencontre Petra. Entre l'Américain sans attaches et l'Allemande réfugiée à l'Ouest, c'est le coup de foudre.
Et Petra raconte son histoire, une histoire douloureuse et ordinaire dans une ville soumise à l'horreur totalitaire. Thomas est bouleversé. Pour la première fois, il envisage la possibilité d'un amour vrai, absolu.
Mais bientôt se produit l'impensable et Thomas va devoir choisir. Un choix impossible qui fera basculer à jamais le destin des amants.
Aujourd'hui, vingt-cinq ans plus tard, Thomas est-il prêt à affronter toute la vérité ?



Mon avis :

C’était ma toute première rencontre avec Douglas Kennedy et j’en ressors mitigée.
C’était certes une lecture très agréable, divertissante et émouvante mais je reste sur ma faim.
Le cadre géographico-historique m’intéressait particulièrement, et bien que j’ai apprécié cette immersion dans le Berlin des années 80 en pleine guerre froide, j’ai trouvé que l’auteur tombait justement dans les travers qu’on reproche à son personnage : il nous sert des clichés que l’on connaît déjà par cœur. Je pensais donc en apprendre plus sur la vie dans le Berlin-Est mais mes attentes ont été déçues.

Sur l’histoire en général, j’ai été emballée au début puis ça traîne en longueur et ça vire au roman à l’eau de rose . J’ai quand même poursuivi ma lecture. Je pensais avoir bien fait lorsqu’au détour d’une page, on apprend un élément important. Mais finalement, tout l’effet tombe à l’eau tant l’issue est attendue et sans surprise.

Les personnages principaux sont également assez « plats », beaux, intelligents et cultivés tous les deux, il ne manque plus que la richesse et on a les caricatures des séries B américaines. On a donc Thomas Nesbitt, le narrateur, écrivain-voyageur traumatisé par le modèle du couple parental et qui fuit donc toute forme d’engagement jusqu’à ce qu’il rencontre la belle Petra allemande de l’Est persécutée injustement par la Stasi et exilée à l’Ouest.
Parmi les personnages secondaires, seul le personnage d’Alastair est attachant et bien campé même s’il tombe aussi dans le caricatural : l’artiste écorché vif, drogué et homosexuel … quelle originalité …

J’ai relevé aussi quelques incohérences (et ça je ne supporte pas …) et je n’ai pas aimé les répétitions, certes obligatoires puisque l’auteur veut nous présenter les deux points de vue séparés des personnages. Ce procédé pour un film peut donner un très bon résultat mais pour un roman je trouve ça pesant et pénible.
Pour ce qui est de la « morale » de l’histoire qui, si j’ai bien compris, est de savoir saisir l’instant lorsqu’il se présente, je dirais qu’on est tous confrontés à des choix dans notre vie et qu’on ne fait pas toujours les bons. La vie est ainsi faite. Il faut savoir poursuivre sa route et laisser son passé derrière.

Donc voilà, j’ai un sentiment de « recette toute faite » sans aucune touche d’originalité. Je reconnais tout de même que c’est bien écrit et que j’ai passé un bon moment malgré tout. Mais ce roman ne restera pas dans ma mémoire et je ne pense pas que je renouvellerai l’expérience Douglas Kennedy.

Je remercie le site Babelio et les Editions Belfond qui m’ont offert ce partenariat.


mercredi 26 octobre 2011

Pilgrim - Timothy Findley



4ème de couverture :

17 avril 1912 : deux nuits après le naufrage du Titanic, un homme du nom de Pilgrim, auteur d'un livre fameux sur Léonard de Vinci, se pend dans son jardin à Londres. Il est retrouvé le lendemain et l'attestation de son décès est signée par deux médecins. Cinq heures plus tard, son cœur recommence à battre. La mort a refusé Pilgrim.
Réfugié dans le mutisme, Pilgrim est interné à la clinique psychiatrique Burghölzli de Zurich où l'un des médecins, Carl Gustav Jung, est immédiatement fasciné par ce cas hors du commun. Pilgrim, qui dit avoir vécu plusieurs vies, côtoyé Léonard de Vinci, sainte Thérèse d'Avila et participé à la construction de la cathédrale de Chartres, est-il un malade mythomane, un rêveur de génie ou la victime d'une étrange malédiction?
Un roman ambitieux, fantastique, métaphysique, dans lequel apparaissent Henry James, Oscar Wilde, Monna Lisa... Un roman d'une construction brillante et hardie, à l'écriture jubilatoire.

Mon avis :

 Avec une 4ème de couverture aussi alléchante, je me suis jetée sur ce livre avec la ferme intention de n’en faire qu’une bouchée et …
Bon … j’ai eu un peu la même impression que lorsqu’au restaurant on vous apporte un plat différent de celui que vous aviez commandé.
Mais t’as bien aimé quand même avoue-le. La preuve tu l’as mangé ton plat.
Tais-toi . Je voulais donc une histoire de fous, je ne l’ai pas eue. On m’a servi un roman fantastique à la place.
Certains ont dit que l’intérêt de ce livre était la façon dont l’auteur jouait sur les deux tableaux pour nous faire douter : Pilgrim est-il fou ou vraiment immortel comme il le prétend ?
Eh bien moi je trouve que justement, Timothy Findley ne parvient pas du tout à garder le suspense. Mais peut-être n’était-ce pas son intention ? Je ne sais pas. Toujours est-il que je n’ai pas cru une seconde à une éventuelle folie furieuse de Pilgrim et c’est bien à cause de ça que je ressors de ma lecture avec un arrière-goût amer dans la bouche.
Arrête, t’as quand même douté parfois !
Oui bon … c’est vrai qu’on est amené à se poser la question mais il y a tellement d’éléments qui prouvent qu’il est vraiment immortel que finalement l’effet tombe à l’eau.
Malgré tout, je dois reconnaître que l’idée de base est très originale tout comme la construction du récit et les personnages. On y retrouve Jung en personne, Léonard de Vinci, Thérèse d’Avila …
Thérèse d’Avila t’a bien saoulée n’empêche.
Mais tais-toi bon sang ! Ok, il y a quelques longueurs et je me suis parfois ennuyée mais c’était tout de même intéressant. Le récit alterne entre différents points de vue, celui de Pilgrim, celui de Jung son médecin, et le journal intime de Pilgrim qui nous relate ses différentes vies antérieures.
Finalement, j’ai trouvé le personnage de Jung bien plus intéressant que son patient. Je ne sais pas jusqu’à quel point l’auteur s’est inspiré du véritable Jung et donc si les traits de caractère qu’il dépeint sont exacts ou pas, toujours est-il qu’il en fait un personnage vraiment antipathique et lui aussi à la limite de la folie. Et là, j’ai eu ma petite compensation.
Oui t’aimes bien les fous toi, surtout quand ils se parlent à eux-mêmes comme tu le fais là.
Laisse-moi écrire ma chronique merde !
Elle est nulle ta chronique, ça prouve bien que t’as pas aimé finalement.
Tu te contredis toi-même ma pauvre. Tu disais tout à l’heure que j’avais aimé quand même et là tu dis que je n’ai pas aimé. Faut savoir.
C’est toi qui es perturbée dans ta tête. Je n’y suis pour rien moi. Alors t’as aimé ou pas aimé ?
J’en sais trop rien …
En fin de compte c’est toi la folle dans l’histoire.

samedi 22 octobre 2011

Une île au coeur du monde - Michaël D. O'Brien



4ème de couverture :

Josip Lasta naît en 1933 dans les Balkans. En pleine Seconde Guerre mondiale, les montagnes yougoslaves sont le théâtre d’affrontements terribles impliquant les armées allemandes et italiennes d’occupation et les forces rebelles (oustachis, tchetniks, partisans communistes). Les habitants des Balkans sont à la frontière de trois mondes : le monde islamique, le monde slave orthodoxe et l’Europe catholique. Ici, les conflits ne sont pas seulement géopolitiques mais aussi spirituels et religieux. Comment garder son identité et son humanité dans des conditions déshumanisantes ? Josip qui mourra dans la première décennie du XXIe siècle verra son monde s’effondrer, traversera des épreuves cruelles et trouvera le chemin d’une véritable résurrection. Le souffle épique de Michael O’Brien donne à ce roman une portée universelle, inondé qu’il est par une éclatante lumière.

Mon avis :

C’est un gros pavé de 828 pages que voilà et j’avoue que j’en appréhendais fortement la lecture surtout après avoir lu certaines critiques plutôt acerbes.
Mais mes craintes se sont peu à peu volatilisées.
La première concernait le style. Mais j’ai été rapidement rassurée. Michaël O’Brien fait de belles phrases bien construites. La qualité de la traduction doit y être pour beaucoup mais voilà j’ai trouvé que c’était écrit dans une belle langue à la syntaxe rigoureuse. Ici, pas d’effets de style pour en mettre plein la vue. Non. Simplement un beau texte.

Sur le fond, l’histoire est passionnante et émouvante. On suit Josip de son enfance à sa mort. On l’accompagne tout au long de sa pénible vie, victime des guerres entre les différentes factions il perd sa famille puis victime du régime de Tito, il connaît la torture, la prison et enfin l’exil. Mais autant vous prévenir, ceux qui s’attendent à un récit témoignage ou à une sorte de documentaire romancé seront déçus. Bien qu’on ait à travers ce roman un aperçu des crimes et horreurs qu’ a connu la Yougoslavie et bien que j’ai appris pas mal de choses, je ne crois pas que ce soit le contexte qui fasse l’essentiel de ce roman.

Selon moi, Une île au cœur du monde est un roman philosophique et un roman d’apprentissage. La notion d’identité est au cœur de ce récit. L’importance des origines est rappelée à travers de nombreuses évocations de L’Odyssée d’Homère. Ainsi, tel Ulysse, Josip cherche tout au long de sa vie à rentrer chez lui mais lorsque je dis « chez lui » ce n’est pas uniquement au sens matériel mais plutôt au sens spirituel. Bien d’autres thèmes comme l’art, la culture , les souvenirs, la perception que l’on a du monde, sont portés à la réflexion du lecteur à travers de nombreux dialogues d’ordre philosophique. J’avoue même avoir été un peu perdue par endroits. L’omniprésence du cadre religieux m’a un peu gênée aussi même s’il est indispensable car participant pleinement du processus de découverte du Moi de Josip, de sa lutte contre sa volonté de vengeance et de sa lente reconstruction après tant de souffrances.
Certains passages sont vraiment poignants, j'ai adoré celui où Josip est interrogé par la police et où il leur répond avec philosophie les faisant ainsi passer pour des idiots. J'ai été marquée par  tout le passage sur son incarcération sur l'ile de Goli Otok, ses échanges avec ses compagnons de cellule, la cruauté des gardiens (desquels il voudra se venger plus tard), le récit de son évasion. J'ai pleuré à d'autres moments de sa vie riches en émotions.
Néanmoins quelques passages semblent tirés par les cheveux, je pense notamment aux étonnantes coïncidences qui parsèment la vie de Josip. C’est un peu gros mais j’ai fini par passer outre et me laisser emporter par la beauté de l’histoire. Je pense également à certaines rencontres que fait Josip, des rencontres de personnes mystérieuses jouant le rôle de guides spirituels.
Les métaphores et les symboles sont également récurrents : les hirondelles, les dauphins, les oranges, le cheval et le cerf blanc, tout ceci me rappelant un peu Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Je n’en ai malheureusement pas toujours saisi le sens et j’ai donc cette désagréable impression de ne pas avoir pu comprendre pleinement la portée de ce livre. J’aurais beaucoup aimé pouvoir discuter avec l’auteur afin d’avoir ses éclaircissements.
Je disais que l’art était un thème important de ce roman. Josip est en effet poète, bien qu’il s’en défende au début. Le roman est donc régulièrement parsemé de poèmes. Les amateurs de poésie se régaleront je pense.
Josip attache également beaucoup d’importance à la mer ( rapport à L’Odyssée que son père lui a fait découvrir). La mer est ici symbole de liberté par opposition aux montagnes de Bosnie et de l’île montagneuse de Goli Otok symboles de l’enfermement, des obstacles et de la mort.

« Un homme est lui-même et pas un autre, dit Josip. C’est une île dans la mer de l’existence. Et chaque île est différente des autres. Les îles sont reliées car elles viennent de la mer qui coule entre elles. Elle les sépare et pourtant les unit, s’ils apprennent à nager. »

Une autre petite phrase que j’ai beaucoup aimée :

« Creusez assez profond, et nous sommes tous des rois, malgré nos haillons. »

J’aurais encore beaucoup à dire sur ce livre mais j’ai peur d’en dire trop et de tomber dans l’analyse de texte !
Pour conclure, je dirais que j’ai adoré ce roman, qu’il m’a marquée, émue. Je vais attendre un peu avant de me replonger dans un autre livre. Je n’ai pas envie de quitter Josip maintenant.
Alors certes la lecture peut sembler ardue mais il vaut vraiment la peine de faire un effort. Et puis, personnellement, je ne conçois pas la lecture comme un simple loisir. Pour moi, la lecture doit m’apprendre à réfléchir sur moi, sur le monde qui m’entoure. C’est pourquoi Une île au cœur du monde restera longtemps une île dans mon cœur à moi.

Je remercie infiniment Les agents littéraires ainsi que les Editions Salvator pour cette merveilleuse découverte et cette belle leçon sur la vie.