vendredi 29 juillet 2011

Îles à la dérive - Ernest Hemingway




Îles à la dérive est composé de trois récits qui semblent distincts au premier abord et qui pourraient être lus isolément mais qui finalement donne une cohérence à l’ensemble et apportent chacun les pièces nécessaires à la reconstitution du puzzle.
Dans la première partie intitulée Bimini, on fait la connaissance de Thomas Hudson peintre de renom, il vit sur un bateau sur l’île de Bimini dans les Bahamas. Thomas a été marié deux fois apparemment et il reçoit ses enfants en vacances pour l’été. C’est l’occasion de se remémorer des instants du passé, d’un passé heureux comparé au désœuvrement  qui semble caractériser la vie actuelle de Thomas .
Dans la deuxième partie, nous retrouvons Thomas à Cuba. Le contexte est celui de la seconde guerre mondiale. On y apprend qu’il travaille apparemment pour la marine militaire pour des missions secrètes dont on ne nous dit rien. A Cuba, lorsqu’il est à terre entre deux missions, il passe son temps à boire avec des amis. Il retrouve sa première femme, la seule qu’il est véritablement aimée mais doit la laisser subitement car rappelé pour son travail.
Là-dessus, on enchaîne sur la troisième partie intitulée En mer et nous retrouvons Thomas à bord de son bateau en compagnie de certains de ses amis dont nous avons fait la connaissance à Cuba. On apprend enfin la nature exacte des missions. En l’occurrence, dans ce récit, il est chargé de poursuivre les rescapés d’un sous-marin allemand.

Mon avis :

Il s’agit de ma toute première rencontre avec Hemingway, pas très convaincante au début, la troisième partie m’a tout de même encouragée à poursuivre ma découverte de l’œuvre d’Hemingway.
En effet, la première partie n’est pas très riche en événements. Les journées de Thomas s’organisent entre le bar de l’île, sa peinture, des soirées alcoolisées avec des amis qui dégénèrent en bagarres.
La vie de Thomas sur cette île se résume à une existence où le sentiment de solitude prédomine, l’alcool semble être son meilleur ami. On fait la connaissance du personnage de  Roger Davis, ami de longue date de Thomas. Roger est écrivain mais déteste ce qu’il écrit et rêve de produire un véritable roman digne de ce nom. Roger est bagarreur mais se désole à chaque fois de son comportement : « Etre contre le mal ne rend pas bon ».
Thomas reçoit ses enfants pour les vacances d’été. C’est l’occasion pour eux d’évoquer les souvenirs et des personnages prestigieux tels James Joyce ou le peintre Pacsin etc… ( est-ce une façon pour Hemingway de leur rendre hommage ? Les connaissait-il ? Il me faudrait me plonger plus en profondeur dans sa biographie).
Dans cette partie, on trouve de beaux passages sur les thèmes du mal et du bonheur, de la lutte, de la douleur, du suicide et aussi un épisode de pêche qui n’est pas sans rappeler le vieil homme et la mer ( qui à l’origine était inclus dans Îles à la dérive).
Bref, cette première partie, hormis les passages que j’ai mentionnés, est assez ennuyeuse . Ce qui a pour effet d’accentuer l’effet de choc ressenti lorsque l’on apprend une terrible nouvelle pour Thomas à la toute fin de cette partie. Cette nouvelle amorce la partie suivante que j’ai trouvée très sombre et glauque.
Dans la deuxième partie, présentée d’un seul tenant (sans chapitres), on retrouve Thomas à Cuba. Cette partie m’a profondément ennuyée. Thomas ne nous parle que de ses chats, des femmes et de l’alcool. L’essentiel du récit se concentre en dialogues et monologues intérieurs
Je pense que l’obsession de Thomas pour les chats doit être en rapport avec le chat de son fils qu’il évoque à plusieurs reprises. L’arrivée d’une femme que Thomas semble bien connaître m’a laissée tout d’abord perplexe. J’ai eu l’impression de déranger. Oui, ça peut paraître étrange mais Hemingway a bien pris son temps avant de nous révéler l’identité de cette femme et tout est écrit de façon à faire sentir au lecteur qu’il est un peu en position de voyeur. C’est un peu lorsque vous êtes avec un ami et que cet ami en rencontre un autre qu’il ne vous présente pas et qu’ils se mettent à parler entre eux de sujets qui ne vous concernent pas, je me sens toujours gênée dans ce genre de situation et j’ai ressenti le même malaise durant ma lecture. Mais on finit par apprendre qui est cette femme et on obtient enfin les réponses à certaines questions qu’on avait été amené à se poser lors de la première partie. Cette partie-ci s’achève sur le départ de Thomas qui laisse la femme en plan ( c’est tout à fait ça, je n’exagère rien).
Enfin la troisième partie, celle qui m’a totalement enthousiasmée, nous narre la traque de rescapés allemands suite au torpillage de leur sous-marin par Thomas et ses compagnons.
On est véritablement plongés au cœur de cette chasse. L’alcool est passé à la trappe, les souvenirs aussi. Cette partie se lit à toute vitesse, cela fait un gros contraste avec les deux parties précédentes.
D’une façon générale, l’ensemble des 3 récits transpire la mélancolie et la nostalgie d’un passé heureux perdu. Généralement, on boit pour oublier mais dans le cas de Thomas c’est le contraire, boire fait remonter les souvenirs à la surface. Thomas vit dans ses souvenirs dans les deux premières parties puis pour les oublier et se concentrer sur sa mission, il stoppe sa consommation.
Difficile de rester de marbre face à la lecture d’Îles à la dérive, j’en suis sortie presque déprimée. On est loin, très loin, de l’image paradisiaque que l’on se fait des îles. Ici, c’est la mort, la tristesse qui planent tout au long du récit.

« Au cours de la traversée vers l’est sur l’Île-de-France, Thomas Hudson apprit que l’enfer ne ressemble pas nécessairement à ce qu’a décrit Dante ou l’un des grands peintres de l’enfer, mais qu’il pouvait être un bateau confortable, agréable et très apprécié, vous emportant vers un pays dont vous vous êtes toujours approché avec impatience. Il avait plusieurs cercles et ils n’étaient pas formés comme ceux du grand égotiste florentin. En y réfléchissant maintenant, il savait qu’il était monté tôt à bord pour fuir la ville où il avait craint de rencontrer des gens qui lui auraient parlé de ce qui s’était produit. Il pensait que sur le bateau il pourrait parvenir à un accommodement avec sa douleur, ne sachant pas encore qu’il n’y a pas d’accommodement avec la douleur. Elle peut être guérie par la mort et elle peut être émoussée ou anesthésiée par plusieurs choses. Le temps est censé la guérir aussi. Mais si elle guérie par quoi que ce soit de moindre que la mort, il y a fort à parier qu’il ne s’agit pas d’une vraie douleur. »

D’après certaines critiques, Îles à la dérive serait pour une partie autobiographique à travers les personnalités de Thomas et de Roger. En effet, Thomas a beaucoup voyagé et son penchant pour les femmes et l’alcool ainsi que celui de Roger pour la bagarre et l’écriture ne sont pas sans rappeler quelques défauts de l’auteur lui-même. Les blessés de guerre de la troisième partie sont un thème récurrent chez Hemingway (lui-même ayant été blessé à la guerre). Les thèmes de la paternité, du suicide et de la perte d’un être cher peuvent aussi être mis en rapport avec la vie privée de l’auteur.
A noter que Îles à la dérive est un écrit posthume donc publié après la mort de l’auteur.

Le style est très simple, épuré, pas de superflu, Hemingway se contente des faits et de l’essentiel. Il y a beaucoup de dialogues.
En conclusion, j’aurais encore beaucoup de choses à dire mais ma chronique serait trop longue, j’ai beaucoup apprécié cette lecture malgré mes impressions d’ennui par moments mais tout s’explique au fur et à mesure, tout devient cohérent, les pièces s’emboîtent. On sent qu’Hemingway connaît très bien les lieux qu’il décrit ainsi que la mer et les activités qui lui sont liées. Toutefois, à ne pas lire si vous avez le moral au plus bas.

Une anecdote :
Le bar où Thomas a ses habitudes se nomme le Ponce de Leon. Juan Ponce de Leon est un explorateur qui a découvert les iles Bimini. Son nom est lié à une légende très connue, il s’agit de celle de la fontaine de Jouvence qui se trouverait sur Bimini.


lundi 25 juillet 2011

La Terre et le Sang - Mouloud Feraoun



L’histoire se situe dans un petit village de Kabylie en Algérie au tout début du XXème siècle. Amer, enfant du village, s’exile en France pendant quinze ans. Loin de son pays natal, accueilli par une petite communauté d’hommes originaires du même village que lui, il découvre le monde des mines de charbon. C’est là qu’a lieu un premier drame : son cousin meurt dans un accident au fond de la mine. Amer est accusé du meurtre. Même s’il parvient à se dédouaner auprès de ses compagnons en France, il n’en est pas de même au village. Après l’accident, Amer est fait prisonnier lors de la première guerre mondiale puis revient à Paris où il retrouve la fille cachée de son cousin décédé, fille issue d’une union illégitime entre le dit cousin et une française, Marie. Amer épouse Marie et tous deux décident de retourner s’installer au pays.


Mon avis :

Mouloud Feraoun se livre dans ce roman à une description de la culture et de la mentalité kabyles. On se retrouve totalement immergé au sein de cette communauté villageoise. On en apprend les règles, les coutumes, la dureté de la vie mais surtout l’importance fondamentale des deux éléments de base de la culture kabyle : la terre et le sang.
Au village, on vit essentiellement de la terre cultivée par les fellahs : les paysans. La terre et la paire de bœufs pour le labourage représentent toute la fortune des familles kabyles. Le rang et la place accordée à une famille au sein de la communauté sera fonction du nombre et de la qualité des terres qu’elle a en sa possession mais aussi fonction de l’honneur. L’honneur est un autre critère primordial , tout membre d’une famille se doit de se comporter de façon irréprochable, il en va de la réputation de la famille. Mouloud Feraoun nous montre ainsi l’importance des liens du sang : Slimane devra venger le meurtre de son cousin mort à la mine en France et pour cela il doit verser le sang du meurtrier. Pourtant, on se rend compte que ces liens peuvent se distendre à tout moment. La mère de Amer sera ainsi abandonnée de sa propre famille et de celle de son mari.
Mouloud Feraoun nous explique donc le rôle de la femme dans une famille kabyle. La femme reflète l’honneur de son mari, elle doit bien se comporter, ne pas accorder d’intérêt aux autres hommes, ne pas sortir de chez elle sauf pour les travaux des champs, doit surveiller son langage, doit bien s’occuper de son foyer. Ce sera donc tout un dilemme dans le cœur de Chabha qui s’éprend de Amer. Amer est marié à Marie et Chabha est la femme de Slimane. Une histoire d’amour naîtra entre eux deux mais dans le village tout se sait. Les faits et gestes de chacun sont épiés et discutés. Personne ne peut échapper à la rumeur au village. Et c’est tout l’honneur d’une famille qui est en jeu.
On s’aperçoit aussi avec effroi des manigances sans scrupules des vieilles femmes qui s’immiscent dans la vie de leurs enfants avec en général un seul but : perpétuer l’héritage. Ainsi on n’hésite pas à jeter le mari d’une femme stérile dans les bras d’une autre pour avoir un héritier, pour que la terre reste propriété de la famille.
Hormis l’amour entre Chabha et Amer, j’ai été étonnée de constater le peu de cas que l’on fait du sentiment amoureux dans la société kabyle de l’époque. J’ai aussi compris beaucoup de choses quant à mon expérience personnelle. En effet, je suis partie à plusieurs reprises en Kabylie, je ne comprenais pas l’acharnement qu’on mettait à vouloir me faire porter la tenue traditionnelle et pourquoi on m’interdisait de me promener seule dans le village.
J’ai d’abord été choquée par la dureté de la mentalité des kabyles décrits dans ce roman puis au fur et à mesure, grâce au talent et à l’habileté de Mouloud Feraoun, on comprend tout.
J’ai été profondément touchée par tous ces personnages, tous humains, confrontés à leurs devoirs, à leur honneur, aux convenances tout en combattant et refoulant leurs sentiments et leurs pulsions du mieux qu’ils peuvent.
Je me suis sentie touchée aussi par Marie, la tharoumith, qui a du se conformer à la vie kabyle luttant contre sa condition d’étrangère. Et je sais à quel point il est difficile de savoir comment se comporter au milieu de personnes qui n’ont pas la même culture, les mêmes mœurs, à quel point la barrière de la langue peut être source de malentendus et d’incompréhension.
Tout cela est décrit à merveille par Mouloud Feraoun dans ce roman somptueux à la plume douce et délicate mais réaliste. Le roman est composé de plusieurs chapitres de quelques pages chacun, l’auteur nous avertit en tout début de récit que ce dernier est inspiré de faits réels. Il y traite donc de plusieurs thèmes : l’honneur, la famille, la vengeance, l’exil …
Attention je spoile : J’ai été surprise de cette ironie du sort qui fait que Amer, considéré coupable du meurtre de son cousin dans une mine, soit tué lui aussi dans une mine et apparemment avec préméditation : Slimane se serait enfin vengé mais il y laisse la vie également. La terre donne la vie, donne le sang mais le reprend aussi. Finalement, la terre a la primauté sur le sang.
J’ai rarement ressenti un tel plaisir de lecture. Ce roman est digne d’un Zola ou d’un Maupassant.
Assurément je lirai les autres romans de Mouloud Feraoun. En tout cas, celui-ci est un énorme coup de cœur et restera sans nulle doute parmi mes préférés.

Quelques mots sur l’auteur :

Né à Tizi Hibel en Kabylie en 1913, Mouloud Feraoun a été enseignant puis inspecteur des centres sociaux. Il est mort assassiné à Alger le 15 mars 1962 par un commando de l’OAS pour avoir affirmé publiquement ses opinions vis-à-vis de la colonisation reprochant aux français leur comportement méprisant à l’égard des algériens. Selon lui, si les deux peuples avaient appris à se connaître, tout aurait été différent. C’est en tout cas, un bel enseignement  sur la vie des kabyles qu’il nous offre dans La Terre et le Sang publié en 1953.

jeudi 21 juillet 2011

Le tunnel - Ernesto Sàbato



Juan Pablo Castel est un artiste peintre argentin renommé.  Misanthrope et nihiliste, il rejette le monde qui l’entoure et se sent incompris, seul.
Pourtant, lors d’un Salon à Buenos Aires où sont exposées ses œuvres, il remarque alors une jeune femme qui semble intriguée par un point de détail sur une de ses toiles, détail auquel personne n’avait jusqu’alors fait attention.
Enthousiasmé de savoir qu’enfin une personne puisse le comprendre véritablement, il fait de Maria, la jeune femme, une obsession et met tout en œuvre pour la retrouver.
Il la retrouvera, une histoire d’amour naîtra et pourtant Juan Pablo tuera Maria.
C’est de sa prison qu’il entreprend son récit et tente de justifier son acte dans l’espoir de trouver un lecteur qui le comprendra.

Mon avis :

J’ai acheté ce livre par hasard, la quatrième de couverture m’ayant intriguée et je remercie le destin de m’avoir permis cette découverte.
Je ne connaissais pas du tout ce roman, et pourtant Le tunnel d’Ernesto Sàbato a une renommée mondiale et a été encensé par de grands écrivains tels que Albert Camus ou encore Graham Greene.
Il ne s’agit pas d’un roman policier mais d’un roman noir, très noir. C’est le récit d’une passion destructrice, l’histoire d’un homme rongé par la solitude et par un autre démon : la jalousie.
Juan Pablo réfléchit et analyse tout, sans arrêt. Le moindre geste, la moindre phrase, l’intonation de cette phrase, tout est passé à la loupe.
Et cette tendance s’accentue d’autant plus lorsqu’il apprend que Maria est mariée et qu’elle ne lui en avait rien dit.
La jalousie de Juan Pablo prend des dimensions effrayantes à la limite du harcèlement. Tout ce que Maria peut dire ou faire est interprété dans un unique sens : elle le trompe. Assailli de doutes, son orgueil l’amène à chaque fois à la même conclusion. Il veut à tout prix avoir raison et fait tout pour en avoir la preuve.
J’ai parlé d’orgueil et voilà le fond du problème. Juan Pablo est vaniteux, il n’aime personne, personne ne trouve grâce à ses yeux excepté Maria et pourquoi ? Parce qu’elle a pu saisir le sens d’un détail de son tableau. A partir de là, Juan Pablo est persuadé que Maria est son âme sœur mais surtout son autre Moi. C’est lui-même qu’il cherche et aime à travers elle. Il en fait sa bouée de secours, celle qui le sort de sa solitude.
Le personnage de Maria reste quant à lui insaisissable. On ne sait rien de sa personnalité, on ne saura jamais si elle a véritablement trompé Juan Pablo ou non. Ses réactions et son comportement sont difficiles à interpréter d’où toute l’ambigüité. Elle semble désemparée face à ces attaques mais en même temps elle reste si sereine qu’on comprend l’agacement du narrateur.
Tout le récit est construit autour du narrateur puisque c’est lui qui parle, il annonce son intention à l’objectivité mais c’est illusoire. Le lecteur n’a que son point de vue à lui et, quelque part, il devient même son complice.
J’avoue avoir été choquée parfois de me sentir aussi proche de ce narrateur. Etant moi-même sujette à la jalousie (pas dans de telles proportions heureusement), ayant moi-même cette tendance à interpréter toujours dans le sens négatif des détails pourtant insignifiants et à me faire tout un film à partir de rien, j’ai été effrayée de me reconnaître ainsi en lui.
Juan Pablo a raconté son histoire dans l’espoir qu’un lecteur le comprenne. L’ai-je compris ?
Je crois que oui et ça m’en effraie d’autant plus. Je l’ai pourtant moi-même jugé à la limite de la folie furieuse mais je l’ai compris.
J’ai aussi très bien compris cette métaphore du tunnel. Ce tunnel dans lequel il avance, isolé du reste du monde, ce monde qui s’amuse et avec lequel il ne peut interagir sauf à de fugaces exceptions comme avec Maria. Jamais il n’aura connu avec elle d’instants de parfaite osmose, de fusion, ces instants qui font qu’une relation amoureuse est pleine et entière.
Il a cru que Maria le sortirait de sa solitude mais elle ne l’y a enfoncé que davantage. C’est pour cela qu’il l’a tuée, parce qu’elle l’avait laissé seul.
Ce thème de la solitude est le thème central de cette œuvre. L’auteur y est particulièrement attaché. Grand scientifique avant d’avoir embrassé la carrière littéraire, il est conscient des dangers de l’évolution technologique et de la transformation du monde en un monde froid, matérialiste et individualiste. Il veut dénoncer cette solitude de l’homme et en particulier celle de l’artiste. A noter qu’à l’époque de la rédaction du Tunnel, l’Argentine est en proie à des violences endémiques et connaît la dictature, notamment celle du général Peron qui, il faut le souligner, avait parmi ces thèmes de campagne : «  Des espadrilles oui, des livres non ». Tout un programme … Et on comprend d’autant plus le désarroi et le sentiment de  solitude de l’auteur.
Ce roman m’a touché à plus d’un titre comme j’ai déjà pu le dire. Il est remarquablement écrit. Le sentiment de jalousie y est décortiqué magnifiquement, Ernesto Sàbato a su mettre en mots des sensations qui me sont si familières.
Bref, cette lecture fut pour moi un gros coup de cœur. Je renouerai très certainement avec cet auteur pour ces deux autres romans L’ange des ténèbres et Héros et tombes. Romans qui avec celui-ci forment la trilogie argentine.
J’ai critiqué ce livre en étant moi-même non objective puisque je suis une jalouse et que je me sens pleinement concernée par cette sensation de solitude et de mise à l’écart par rapport au reste du monde. J’aimerais beaucoup avoir le point de vue de personnes différentes, non sujettes à la jalousie.
140 pages c’est très court alors lisez-le et n’hésitez pas à venir exprimer votre avis quel qu’il soit.



mercredi 20 juillet 2011

Manon Lescaut - L'abbé Prévost



L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, aujourd’hui appelé plus simplement Manon Lescaut, est un récit tiré des Mémoires et aventures d’un homme de qualité en 7 volumes de l’abbé Prévost.
Il y raconte les péripéties d’un couple maudit formé par le chevalier Des Grieux, issu d’une bonne famille, promis à une carrière exemplaire soit dans les ordres religieux soit dans l’Ordre de Malte selon le souhait de son père, et de Manon Lescaut dont la famille (dont on ne sait rien) l’a destinée au couvent.
Le roman prend la forme d’un récit dans le récit. En effet, un premier narrateur, l’homme de qualité qui rédige ses mémoires, nous narre sa rencontre avec Manon et le chevalier Des Grieux. Rentrant de Rouen, l’auteur s’arrête à Pacy afin d’y dîner et est témoin d’une grande agitation devant un cabaret. Curieux, il s’approche et apprend qu’il s’agit d’un convoi de douze filles de mauvaise vie condamnées à l’exil en Amérique. L’auteur remarque alors une jeune fille d’une incroyable beauté puis un jeune homme morfondu de chagrin. Le jeune homme lui avoue son amour passionné pour la jeune fille qu’il suit désespérément, achetant les gardes afin de pouvoir parler à sa bien-aimée durant le trajet. Le pauvre jeune homme est à présent sans le sou.
Deux années se sont écoulées lorsque l’homme de qualité croise à nouveau le jeune homme. Il l’invite à son hôtel et c’est à cette occasion que le jeune homme lui dévoile enfin son identité et lui raconte ses aventures.
Ici s’opère alors un changement de narrateur et c’est à présent le chevalier Des Grieux qui s’exprime.
Des Grieux, accompagné de son fidèle ami Tiberge, rencontre Manon pour la première fois devant une auberge, elle lui apprend son entrée au couvent. Le jeune chevalier, frappé d’un coup de foudre, met alors au point un plan afin de s’enfuir avec celle qu’il aime et prévoit même de l’épouser. Malgré les tentatives de son ami Tiberge pour le raisonner, Des Grieux trompe sa vigilance et le couple parvient à s’enfuir.
S’ensuit alors toute une série d’aventures et de mésaventures lors desquelles se dévoile la psychologie des personnages.

Manon est une jeune fille vénale, elle ne s’intéresse qu’aux plaisirs et aux amusements et suit donc qui a les moyens de lui en procurer. Elle trompe Des Grieux à plusieurs reprises. Celui-ci effondré de chagrin et fou de colère, s’en retourne à sa famille une première fois mais persistera dans sa vie de marginal les fois suivantes.
C’est au fur et à mesure du récit qu’on se rend compte que Des Grieux est certes naïf mais ne renonce pas pour autant à commettre des actes répréhensibles au nom de son amour pour Manon.
Après avoir lui-même été dupe, il dupera à son tour, finira en prison dont il s’échappera, commettra un meurtre, fera évader sa chère et tendre et n’aura de cesse de quémander de l’argent auprès de ses amis afin de subvenir à ses besoins lorsqu’il ne s’aventurera pas à tricher au jeu.

Mon avis :

J’ai commencé cette lecture avec une légère appréhension. Et j’ai finalement été agréablement surprise !
Le style est fluide et simple. L’utilisation massive du discours indirect ( les faits sont rapportés ) n’alourdit pas du tout la lecture puisqu’il cède au moment opportun la place au discours direct. Les dialogues ne sont cependant pas marqués, tout est inclus dans le récit. On sent bien qu’il s’agit d’un réc it fait pour l’oral, d’ailleurs le roman ne fait qu’un peu plus de 200 pages. Il n’y a pas de chapitres, le récit est seulement divisé en deux parties. Néanmoins, cela ne gêne en rien la lecture. Les évènements s’enchainent avec rapidité, il n’y a pas de place pour de longues descriptions, on ne sait même pas à quoi ressemblent physiquement nos héros si ce n’est qu’ils sont beaux et jeunes.
Mon sentiment au sujet des personnages a été fluctuant tout au long de ma lecture et encore maintenant je ne sais que penser.
J’ai tout d’abord été prise de pitié pour ce jeune homme victime de son amour aveugle pour une fille de petite vertu qui se laisse acheter ses faveurs pourvu qu’elle obtienne argent et bijoux en échange. Et puis tout d’un coup, j’ai vu le chevalier sous un autre jour. L’ayant pris d’abord pour le « dindon de la farce », je me suis aperçue que lui-même préférait vivre une vie de vices avec sa bien-aimée plutôt que la vie vertueuse à laquelle son rang le prédestinait.
Mensonges, traquenards et même meurtre, rien ne l’arrête. Il voit tout comme une fatalité comme s’il était observateur de ses malheurs et qu’il ne pouvait infléchir sur le destin. Le meurtre qu’il commet le laisse de marbre, aucun remord n’est exprimé. Bref rien ne l’arrête.
Quant à Manon, je n’arrive toujours pas à savoir si ses sentiments sont sincères, il semblerait pourtant que oui mais comment expliquer alors ses infidélités ? Pour l’argent certes, mais lorsqu’on aime sincèrement, on fait fi du matériel ( en tout cas c’est ma conception de l’amour).
J’ai donc détesté ces personnages mais en même temps, ils m’ont touchée et émue notamment lors de leur exil à La Nouvelle-Orléans.
Le destin ne voulait décidément pas les laisser ensemble et mener une vie heureuse.
Cette histoire a un côté théatral et dramatique qui n’est pas sans me rappeler Roméo et Juliette.
Manon Lescaut a été censuré à son époque mais pourtant les gens parvenaient à se le procurer et le succès fut au rendez-vous.
Montesquieu lui-même en a fait cette remarque :

« Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin, plaise parce que toutes les mauvaises actions du héros ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse. »

J’ai oublié de parler de Tiberge, l’homme de raison du récit, l’ami fidèle toujours prêt à aider Des Grieux bien que ce dernier le lui rende très mal. Tiberge incarne l’amitié exemplaire, elle est un peu l’équivalent de l’amour porté par le chevalier à Manon, c’est une amitié aveugle sans condition, entière.

En conclusion, ce roman est l’illustration même de l’amour passion aveugle, celui pour lequel on est capable de tout et même du pire.
L’histoire de Des Grieux et Manon fait partie de ces histoires d’amour célèbres de la littérature telle Roméo et Juliette, Tristan et Iseult, Paul et Virginie. Elle a d’ailleurs inspiré bon nombre de films. Je suis heureuse d’en avoir enfin pris connaissance et combler cette lacune dans ma culture littéraire.

samedi 16 juillet 2011

L'île au trésor - Robert Louis Stevenson



Il y a de ces livres dont on connaît l’histoire et les personnages sans même les avoir jamais lus. Pour moi L’île au trésor de R.L. Stevenson était de ceux-là. J’avais ce livre en grand format illustré dans ma bibliothèque depuis toute petite( cadeau de mon papa ), je l’avais feuilleté seulement. Et en grandissant, j’en ai oublié son existence l’ayant (à tort) relégué dans la catégorie littérature pour enfants.
C’est à l’occasion du Book Club de Livraddict que je me suis décidée à me plonger dedans sérieusement. Ayant quitté le nid familial, j’ai du racheter le livre et j’ai choisi ( un peu au hasard mais le hasard fait bien les choses) l’édition que vous voyez en photo ci-contre.

L’île au trésor raconte donc l’histoire du jeune Jim Hawkins qui, après avoir récupéré la carte de l’île du vieux Billy Bones, s’embarque à la recherche du fameux trésor à bord de L’Hispaniola en compagnie du chevalier Trelawney, du docteur Livesey, du capitaine Smollett, du célèbre Long John Silver et bien d’autres.

Mon avis :

Je comprends à présent que ce roman fasse l’objet d’une étude au collège car c’est véritablement un modèle du roman d’aventure à suspense.
L’utilisation du huis clos y contribue grandement, huis clos d’abord à l’auberge de Jim, ensuite à bord du navire et enfin sur l’île même au sein de la palanque.
Les chapitres sont courts et se terminent toujours sur une action en suspend qui donne immédiatement envie de passer au suivant. Finalement, les chapitres s’enchaînent comme des petits pains et on n’en décroche plus. Les descriptions sont rares et très sommaires, ce qui ne permet pas de pause dans le récit et ne l’alourdit pas. On n’en a qu’un effet de rapidité et fluidité de lecture supplémentaire.
Les personnages sont très attachants, les gentils comme les méchants.
L’essentiel du roman est narré par le jeune Jim Hawkins (avec un court changement au profit du docteur Livesey en milieu de récit), on découvre donc tout en même temps que lui, on voit les personnages de son point de vue avec son innocence d’enfant et sa fraîcheur. On ne connaît pas l’âge précis de Jim, il semblerait que ce soit un jeune adolescent d’environ 13 ou 14 ans. On ne sait rien de son aspect physique. On sait très peu de choses sur sa famille, il perd son père au début du roman et quitte sa mère pour embarquer. Il ne semble donc pas avoir de fortes attaches familiales. Il reconnaît lui-même avoir pleuré bien plus à la mort du vieux Billy Bones qu’à celle de son père et il semble à peine ému de quitter sa maison et sa mère pour partir à l’aventure. Il ne manquera pas cependant de substitut paternel à travers le docteur Livesey, le chevalier Trelawney et Long John Silver. Jim est un des piliers de l’histoire. Intrépide et courageux, il est le « sauveur » et permet à plusieurs reprises aux « gentils » d’échapper aux « méchants ».
Je passe rapidement sur les personnages du docteur Livesey, calme, mesuré et intelligent, et le chevalier Trelawney, un peu trop bavard mais volontaire.
Le capitaine Smollett représente la voix de la sagesse tout au long du récit. Il connaît parfaitement son métier et ne se fait pas duper facilement. Il est le premier à se méfier de l’équipage. Il mène le camp des « gentils » d’une main de fer et incarne l’autorité, celui à qui tout le monde obéit sans broncher.
Dans l’autre camp, cette autorité est représentée par Long John Silver. Je ne cacherai pas qu’il s’agit (comme beaucoup d’autres sans doute) de mon personnage préféré. Cruel, rusé et très bon comédien, il parvient sans cesse à duper son monde. C’est un personnage tellement intéressant que j’aimerais beaucoup lire le portrait qu’en a fait Bjorn Larsson dans son Long John Silver.
Les autres pirates sont tous dépeints comme étant stupides, éternellement ivres et les plus malins ne font pas longtemps le poids face à Silver.
Je dois dire un mot au sujet des dialogues. Ils sont extrêmement bien écrits. Certains passages m’ont fait penser à du Molière ( désolée si je choque les puristes) par leur humour et la tournure des phrases. Je ne peux résister à la tentation de vous en mettre quelques extraits :

« - Trelawney, répliqua le docteur, j’irai avec vous, et je vous garantis que Jim en fera autant et ne rechignera pas à la besogne. Il n’y a qu’un seul homme qui m’inspire des craintes.
-         Qui donc, monsieur ? Nommez-moi ce coquin.
-         C’est vous, riposta le docteur, car vous ne savez pas vous taire. […] »


« Ce fut alors que se manifestèrent les premiers symptômes de l’attaque.
-         Pardon, monsieur, dit Joyce, si je vois quelqu’un, dois-je tirer dessus ?
-         Je vous l’ai déjà dit ! s’impatienta le capitaine.
-         Merci, monsieur, répliqua Joyce, avec la même politesse placide. »

Je n’irai pas plus loin dans l’analyse du récit. Je ne peux que conseiller la lecture de l’excellente préface rédigée par Dominique Fernandez dans l’édition GF-Flammarion.
Pour conclure, j'ai passé un excellent moment et je donnerai un dernier conseil :
comme je l'ai dit plus haut, ce roman fait l'objet d'une étude en classes de collège et pour cette raison certaines éditions en ont fait une version allégée. Vérifiez donc bien que l'édition que vous choisissez est une version intégrale.

mercredi 13 juillet 2011

Nuit et jour - Virginia Woolf



« Nuit et jour », le jour et la nuit, je t’aime et je ne t’aime pas, je sais et je ne sais pas, bonheur et mélancolie, solitude et mariage …
« Nuit et jour » de Virginia Woolf c’est l’analyse de la complexité des sentiments humains, c’est l’ode au cœur qui balance, c’est la tourmente entre les convenances, les obligations d’un milieu bourgeois et les passions du cœur.
Katherine Hilbery est une jeune fille d’une famille de la haute société londonienne, sa beauté et sa vivacité d’esprit ont charmé deux jeunes hommes très épris d’elle : William Rodney issu du même milieu à qui elle est fiancée et Ralph Denham d’une famille plus modeste contraint de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille.
Là-dessus intervient Mary Datchet militante suffragette, fière de faire partie des travailleurs, indépendante, elle n’a d’yeux que pour Ralph.
Plusieurs péripéties ont lieu, les sentiments changent, s’éteignent ou évoluent et on entre dans une valse d’émotions, de questions, d’incompréhension, de remise en cause de soi, de la société.

Katherine Hilbery semble être une personne froide, hautaine, que rien n’atteint. Elle est prise dans le carcan d’une société bourgeoise où elle se doit de se conformer à un code de conduite qui prévaut aux jeunes filles de sa condition. Dans ce cas, le mariage est une voie toute tracée. Mais Katherine ne l’entend pas de cette oreille. Elle est particulièrement attachée à sa solitude, envie l’indépendance de Mary Datchet. Elle rejette nombre d’attributs associés à sa condition. Là où elle devrait se passionner de littérature ( d’autant plus que son grand-père fut un illustre poète), elle préfère étudier les mathématiques en cachette.

Mary Datchet est une femme forte, vive, convaincue du bien-fondé de son activité. Elle milite pour le droit de vote des femmes, elle est à ce titre indépendante et rejette toute forme de subordination de la femme. Pourtant, elle se trouvera soumise à cet amour qu’elle porte à Ralph avec lequel elle entretient une amitié et une complicité très fortes, un amour déçu puisque Ralph, lui, entretient une véritable obsession pour Katherine Hilbery. Les rapports entre les deux femmes sont instables, tantôt amicaux, tantôt hostiles . Concurrence, jalousie mais à la fois compréhension caractérisent leur relation.

Ralph Denham semble être le seul personnage constant de ce roman. Entièrement voué à son amour pour Katherine, il ne vit et ne pense qu’à travers elle. Sa tourmente vient de la violence des sentiments qu’il éprouve, sentiments contrariés et aussi déçus car persuadé de leur non-réciprocité et de l’impossibilité de cette réciprocité. Ralph n’est pas du même milieu. Désargenté, il rage d’être contraint à travailler et préfèrerait s’exiler dans une maison de campagne pour se consacrer à la rédaction d’un livre. Fuite qui lui permettrait à la fois de s’éloigner de sa condition sociale dont il semble avoir honte mais aussi d’échapper à l’emprise de son obsession pour Katherine.

William Rodney est un personnage curieux. Vaniteux, susceptible, jaloux, capricieux, il a un côté enfantin qui ne peut que contraster sévèrement avec le sérieux de Katherine.
Tout d’abord épris d’elle, ses sentiments vont peu à peu se détourner et se poser sur la cousine Cassandra, jeune fille élevée à la campagne, fraîche, enjouée, innocente dont les traits et le caractère lui conviennent donc beaucoup mieux.

C’est donc d’une quête qu’il s’agit dans ce roman, une quête au sentiment véritable, une quête de réponse aux questions : « qu’est-ce que le véritable amour ? », « Peut-on s’accorder le droit d’y céder faisant fi des règles et des convenances ? »

Mon avis :

Ce fut ma première rencontre avec Virginia Woolf et si je n’avais pas lu des critiques m’informant que ce roman était complètement à part dans son œuvre, je pense que ça aurait été également la dernière. J’ai été soulagée d’arriver à la fin, c’est long et ennuyeux, j’ai bien failli abandonner en cours de lecture mais la volonté d’écrire une chronique en ayant tous les éléments me rendait la poursuite de ma lecture indispensable. Et aussi, je me dois de préciser qu’elle compte pour le Challenge Nécrophile organisé par Fashion.
Difficile de s’attacher aux personnages, aucun d’entre eux ne m’a particulièrement touchée. Leurs sempiternelles hésitations deviennent lassantes voire agaçantes. Le « Happy End » est un peu grotesque et en complet décalage avec le reste du roman.
Beaucoup de choses m’ont échappé. Je n’ai pas compris cette omniprésence du fleuve dans le récit, que symbolise-t-il ? L’auteur utilise également de nombreuses métaphores en rapport avec la mer et même si je comprends ponctuellement ce choix, je ne comprend pas sa récurrence.
De nombreux thèmes sont traités dans ce roman, notamment celui du carcan que représente le milieu social et auquel il est difficile d’échapper mais aussi la lutte pour le droit de vote des femmes, cause chère à l’auteur d’après mes informations. La littérature se trouve omniprésente elle aussi, tous les personnages à l’exception de Katherine en sont des passionnés. Le personnage de Mrs Hilbery, la mère de Katherine, en est même l’emblème. Elle souhaite écrire les mémoires de son prestigieux aïeul mais se trouve confrontée aux difficultés que peut rencontrer l’écrivain : quelles informations privilégier ? dans quel ordre les disposer ? comment bien choisir ses mots, tourner ses phrases ? …
Beaucoup dans les critiques que j’ai lues ont vu dans ce roman un hommage à Jane Austen. Je ne peux donner mon avis sur la question, n’ayant encore jamais lu un seul livre de cette auteur ( oui je sais, c’est une honte) mais je ne manquerai pas d’y revenir une fois que j’aurais comblé cette scandaleuse lacune dans ma ( pitoyable) culture littéraire.
Je trouve ma chronique trop simplifiée, il y aurait tant d’autres choses à dire et à préciser tellement ce roman est dense. Le style est en revanche fort agréable, pas de descriptions qui s’éternisent, de nombreux dialogues. Certains passages sont beaucoup plus attrayants que d’autres.
Conseillerais-je ce roman ? Difficile de répondre. Même si j’ai eu hâte d’en avoir terminé, je ne regrette pas ma lecture. Je pense qu’il s’agit d’une question de sensibilité.
Toutefois, s’il y a parmi vous des fans de Virginia Woolf ou d’autres qui auraient lu ce livre et qui pourraient m’aider à mieux le comprendre qu’ils n’hésitent pas à s’exprimer :)

lundi 11 juillet 2011

Le cauchemar d'Innsmouth - H.P. Lovecraft



4ème de couverture :
« Innsmouth … C’est le hasard qui m’y conduisit, durant cet été où je fêtais ma majorité en parcourant la Nouvelle-Angleterre. Je voulais me rendre à Arkham, mais le prix du billet de train me fit hésiter. C’est alors que l’employé des chemins de fer me parla de ce vieil autobus, que presque personne n’empruntait ? Parce qu’il passait par Innsmouth…
« Mais pourquoi les gens évitaient-ils cet ancien port de pêche, comme si ses habitants avaient la peste ? Après cette horrible nuit que je passai là-bas, je compris. Je réussis pourtant à m’échapper, de justesse. Etait-ce vraiment une chance ? J’ignorais alors que le cauchemar ne faisait que commencer. »

Mon avis :
Il est impossible pour moi de vous en dire plus sur l’histoire elle-même que raconte Howard Phillips Lovecraft, maître du récit d’horreur et de science-fiction ayant inspiré entre autres le célèbre Stephen King, dans cette nouvelle. Cela vous gâcherait tout le plaisir et l’effet de surprise s’en trouverait amoindri et ce serait dommage car c’est cela qui a fait que «  Le cauchemar d’Innsmouth » a été pour moi un gros coup de cœur.
Ce fut ma première rencontre avec cet auteur et je ne suis pas prête de l’oublier.
Le suspense, la tension, la peur sont réellement au rendez-vous. Le rythme est haletant, le style magnifique : les descriptions sont tellement bien menées, l’auteur réussit vraiment à nous faire ressentir l’atmosphère malsaine et étrange des lieux.
Certains passages sont excellents, le rythme cardiaque s’accélère.
Je craignais que l’histoire soit tellement irréaliste qu’elle ne m’aurait fait aucun effet et mes craintes se sont rapidement dissipées. Oui c’est irréaliste, c’est de la science-fiction mais c’est tellement bien écrit qu’on  se retrouve plongé dans cet autre monde étrange.
Qu’il y ait des monstres effrayants ou pas, ce n’est pas là le génie de l’auteur, non. Son génie se trouve dans sa façon à jouer avec nos petites peurs naturelles : une ombre qui passe, une serrure qu’on essaie de forcer pendant la nuit, une ville déserte. Tous les ingrédients sont mis à profit pour vous angoisser.
Et alors la fin ! En apothéose ! Je ne m’y attendais pas du tout, ce fut une grosse surprise, la cerise sur le gâteau, mon enthousiasme était complet.
On peut même trouver dans ce récit de quoi réfléchir sur certains vices caractéristiques à l’espèce humaine comme le désir d’immortalité ou encore l’appât du gain.
Je suis donc ressortie de ma lecture totalement emballée à tel point que j’ai raconté grossièrement l’histoire à mon fiancé qui, du coup, a voulu la lire.
De même, je me suis ruée à la librairie me procurer d’autres ouvrages de Lovecraft afin de pouvoir m’immerger de nouveau dans son univers.
Alors amateurs du genre ou simples curieux, foncez, vous ne serez pas déçus.

vendredi 8 juillet 2011

Ebène. Aventures africaines - Ryszard Kapuscinski



L'auteur fait un condensé de ses diverses expériences vécues au cours de son travail de reporter envoyé spécial en Afrique pour le compte d'un journal polonais.
Ce livre est donc un récit de voyage mais aussi un véritable document d'Histoire puisque l'auteur nous retrace les évènements de la décolonisation à aujourd'hui tels qu'il les a vécus. Il nous parle aussi de la culture et de la mentalité africaines si différentes de la nôtre, il nous explique ces différences, par exemple, la notion de temps n'est pas la même en Afrique qu'ici. Les distances se comptent en temps de parcours et non en kilomètres ( les routes et les aléas de voyage sont imprévisibles, par conséquent il est impossible de savoir combien de temps prendra un trajet, 50 kms ne signifient rien en tant que tels, on peut mettre 2 heures voire une journée entière pour les parcourir). Un autre exemple : une anecdote racontée par l'auteur, devant se rendre à un lieu bien précis il choisit de prendre le bus, il monte dans ce bus et demande au chauffeur à quelle heure est le départ. Le chauffeur lui répond en riant que le bus partira quand il sera complet et que ça peut prendre longtemps ( et effectivement le bus ne partira que 2 heures après).
L'auteur nous parle aussi de la vie en Afrique, de ses difficultés, de la faim qui tenaille, du paludisme qui terrasse, l'auteur l'a d'ailleurs attrapée et il nous raconte son calvaire.
Bref, ce livre est une véritable immersion au coeur du continent africain. C'est un régal de lecture, on apprend beaucoup et notamment que , lorsque l'on voyage, il faut laisser sa culture et sa mentalité de côté et s'imprégner de celle du pays où l'on est car là est la véritable richesse.

mercredi 6 juillet 2011

Un enfant de Dieu - Cormac McCarthy



Le livre s’ouvre sur le récit d’une vente aux enchères, celle de la maison de Lester Ballard. Ce dernier, dépossédé alors de ses biens, se retrouve seul, sans toit, sans ressources. Il erre dans les montagnes à la recherche de nourriture et d’un abri tel un animal sauvage. Et un animal qui chasse. Lester traque des jeunes gens, les tue, les ramène dans son refuge pour faire subir à leur cadavre toutes sortes de choses que Cormac McCarthy nous suggère sans les expliciter dans le détail. Nous sommes loin du gore et des descriptions pénibles d’ « American Psycho » de Bret Easton Ellis ou encore du « Corps Exquis » de Poppy Z-Brite. Les amateurs du genre seront donc un peu déçus et resteront sur leur faim.
Ce livre est donc le récit du passage d’un homme civilisé à la vie sauvage, de son retour à l’état de nature. Certains y ont vu une métaphore de la déchéance de notre monde actuel et de notre civilisation. Je trouve cela exagéré, je ne crois pas que nous en soyons arrivés à cet extrême.
La psychologie de Lester Ballard est totalement passée sous silence. Tout ce que l’auteur veut bien nous laisser savoir c’est que Lester est issu d’une famille banale, qu’il a une enfance tout à fait normale, on ne peut donc imputer les pulsions meurtrières de Lester à rien de particulier. Il tue et c’est tout ce que l’on sait. Dire qu’il est devenu un simple animal est exagéré. Il est contraint de vivre comme un animal mais Lester pense, ressent, galère, pleure. Certes, c’est un assassin et c’est loin d’être un homme fréquentable mais il est humain et je pense que c’est là, tout le génie de McCarthy : nous montrer que l’homme est un être humain doué de sentiments, de pensée et cela même dans la pire des situations. C’est assez ambigu comme situation, j’ai presque ressenti de la pitié pour ce personnage.
Le roman est construit sous forme de très courts chapitres. Les points de vue divergent d’un chapitre à l’autre. On ne sait pas toujours qui parle. On se rend compte du changement de narrateur au langage employé, un des narrateurs s’exprime dans un langage très familier style argot de campagne. La plupart du temps, ces autres narrateurs sembleraient être des personnages même du roman, c’est à travers eux que l’on apprend un peu de la vie de Lester comme si on écoutait des commères.
Il n’y a aucun repère spatio-temporel comme pour encore plus souligner l’isolement de Lester. Il est impossible de dire à quelle époque se situe l’histoire (peut-être pendant la prohibition si l’on s’en tient à la mention du revendeur d’alcool à la sauvette) et impossible de dire où, le seul élément de géolocalisation que l’on ait est le décor montagnard. Il semblerait donc que nous soyons dans une petite ville perdue au fin fond des montagnes américaines. Les personnages décrits sont pour la plupart tous des laissés pour compte, des gens aux mœurs amorales : alcoolisme, inceste, contrebande …, tout ce qu’une société peut produire comme êtres marginaux. Bref le décor est à l’image du personnage, décalé, exclu du monde civilisé, de la société. C’est un sentiment de malaise que le lecteur ressent.
Le livre est court (170 p.) et heureusement je dirais. Toutefois, ce livre est assez étrange pour que je me pose encore des questions sur ce personnage de Lester Ballard et ce deux semaines après avoir refermé le livre.
Les différents avis que j’ai pu lire sur ce roman sont très partagés. Pour ma part, je n’ai pas été enthousiasmée voire même un peu déçue ( je m’attendais à du « American Psycho »). Mais je pense que la lecture vaut quand même la peine. Et puis, c’est à chacun de se faire sa propre opinion.

mardi 5 juillet 2011

HHhH - Laurent Binet



C’est avec regret que j’ai tourné la dernière page du livre de Laurent Binet « HHhH » tant il m’a plu.
Il y retrace le déroulement d’un épisode peu connu de la Seconde Guerre Mondiale ( en tout cas, personnellement, je n’avais jamais eu connaissance de cet événement) : l’attentat perpétré contre un des représentants les plus importants du parti nazi Reinhard Heydrich, bras droit d’Himmler.
Mais ce livre ne raconte pas que ça, il nous parle aussi de la vie de Heydrich, de son ascension vers le pouvoir, il nous parle des principaux évènements marquant la montée en puissance des Nazis en Europe, il nous parle de la Résistance, il nous parle surtout de la Tchécoslovaquie.
Avec ce livre, j’ai non seulement voyagé dans le temps mais aussi dans l’espace. J’ai parcouru les rues de Prague, j’ai visité une chapelle à la décoration intérieure des plus curieuses, j’ai rencontré le chevalier sans tête et l’homme de fer, j’ai cherché l’épée coupeuse de têtes emmurée dans le pont Charles, j’ai fait la connaissance d’un corsaire des temps modernes, j’ai compris pourquoi il y avait des allemands en Bohême et donc pourquoi Hitler avait voulu rattacher cette région au Reich.
Bref, j’ai énormément appris grâce à cet ouvrage. Ce n’est pas à proprement parler un roman ni un livre d’Histoire mais, sur ce sujet, l’auteur vous expliquera mieux que moi ce qu’il en est vraiment.
Son style et ses jugements de valeur en ont dérangé certains. Pas moi. Il a le droit de juger et de donner son avis. On a le droit de ne pas être d’accord. Mais peu importe. L’essentiel est qu’il a fait un travail incroyable et que le résultat m’a véritablement enthousiasmée.

Fort comme la mort - Guy de Maupassant



Olivier Bertin, artiste peintre renommé et très prisé de la haute société parisienne, tombe follement amoureux d’une de ses modèles la comtesse Anne de Guilleroy, déjà mariée bien sûr.
Ils entretiennent tous deux une liaison passionnée pendant près de 20 ans grâce aux soins minutieux de la comtesse, très jalouse, qui veille à éloigner tous les dangers potentiels susceptibles de menacer son idylle et de la priver de son unique amour.
Tout se passe donc très bien jusqu’à l’arrivée à Paris de la fille de la comtesse qui avait jusque là grandi à la campagne auprès de sa grand-mère.
Pour le vieux peintre, c’est le choc. La fille ressemble comme deux gouttes d’eau à la mère lorsqu’il l’avait rencontrée.
Des sentiments amoureux qui s’étaient quelque peu endormis avec le temps se réveillent alors.
C’est une véritable confusion  qui submerge Olivier. Est-il amoureux de la fille ou son amour pour la mère se retrouve-t-il renouvelé à travers la fille ?
Ajouté à ce dilemme, il se rend compte peu à peu du poids de l’âge, il n’est plus un peintre à la mode, de nouvelles tendances se font jour, il devient « un artiste dépassé ».
Quant à la comtesse, la venue de sa fille exacerbe sa jalousie. Elle n’est plus celle que l’on admire et que l’on complimente. A ses yeux, sa fille a pris sa place. C’est elle qu’on compare au tableau de sa mère peint par Olivier il y a 20 ans et c’est elle qu’on couvre d’éloges.
Anne devient alors obnubilée par son aspect physique, elle se voit vieille, traque la moindre ride dans le miroir. Elle perd sa jeunesse, elle perd sa valeur aux yeux des autres, elle perd l’homme qu’elle aime.

On retrouve dans ce roman tout le charme des romans de Maupassant. Il y analyse le monde de la haute société, ses rites, ses faux-semblants, ses futilités, sa superficialité. Il y traite de nombreux thèmes : la vieillesse, l’amour, la renommée, la perte d’un être cher etc… et y décrit à merveille les sentiments des personnages.
La jalousie de la comtesse est traitée magnifiquement dans un passage que je ne peux m’empêcher de vous retranscrire ici :

    " Chez elle, au contraire, grandit sans cesse l’attachement passionné, l’attachement obstiné de certaines femmes qui se donnent à un homme pour tout à fait et pour toujours. […]
Mais à partir du moment où la comtesse se fut donnée ainsi, elle se sentie assaillie de craintes sur la constance d’Olivier Bertin. Rien ne le tenait que sa volonté d’homme, qu’un caprice, qu’un goût passager pour une femme rencontrée un jour, comme il en avait déjà rencontré tant d’autres ! Elle le sentait si libre et si facile à tenter, lui qui vivait sans devoirs, sans habitudes et sans scrupules, comme tous les hommes ! Il était beau garçon, célèbre, recherché, ayant à la portée de ses désirs vite éveillés toutes les femmes du monde dont la pudeur est si fragile, et toutes les femmes d’alcôve ou de théâtre prodigue de leurs faveurs avec des gens comme lui. Une d’elles, un soir, après souper, pouvait le suivre et lui plaire, le prendre et le garder.
     Elle vécut donc dans la terreur de le perdre, épiant ses allures, ses attitudes, bouleversée par un mot, pleine d’angoisse dès qu’il admirait une autre femme, vantait le charme d’un visage, ou la grâce d’une tournure. Tout ce qu’elle ignorait de sa vie la faisait trembler, et tout ce qu’elle en savait l’épouvantait. A chacune de leurs rencontres, elle devenait ingénieuse à l’interroger, sans qu’il s’en aperçût, pour lui faire ses opinions sur les gens qu’il avait vus, sur les maisons où il avait dîné, sur les impressions les plus légères de son esprit. Dès qu’elle croyait deviner l’influence possible de quelqu’un, elle la combattait avec une prodigieuse astuce, avec d’innombrables ressources.
     Oh ! Souvent elle pressentit ces courtes intrigues, sans racines profondes, qui durent huit ou quinze jours, de temps en temps, dans l’existence de tout artiste en vue.
    Elle avait, pour ainsi dire, l’intuition du danger, avant même d’être prévenue de l’éveil d’un désir nouveau chez Olivier, par l’air de fête que prennent les yeux et le visage d’un homme que surexcite une fantaisie galante.
     Alors elle commençait à souffrir, elle ne dormait plus que des sommeils troublés par les tortures du doute. Pour le surprendre, elle arrivait chez lui sans l’avoir prévenu, lui jetait des questions qui semblaient naïves, tâtait son cœur, écoutait sa pensée, comme on tâte, comme on écoute, pour connaître le mal caché dans un être."

Rarement, un livre m’a autant émue, rarement un livre m’a fait versé autant de larmes.
Peut-être est-ce le rapprochement que j’ai pu faire entre Anne, sa conception de l’amour, un amour possessif, exclusif et moi-même. Je me suis retrouvée dans cette femme.
Bref ce roman m’a bouleversé, je le conseille à tous les amoureux du XIXème siècle et de la littérature romantique caractéristique de cette époque.

dimanche 3 juillet 2011

Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil - Haruki Murakami



Hajime fait la connaissance à l’âge de 12 ans de la douce Shimamoto-San. Entre eux naît une complicité et un amour discret d’enfants.
La vie finit par les séparer. Chacun grandit de son côté. Hajime poursuit ses études mais, malgré quelques amours, se complet dans sa solitude jusqu’à sa rencontre avec Yukiko qu’il épouse. Hajime mène alors une vie agréable, il a deux petites filles, a fondé deux clubs de jazz qui lui permettent de vivre très confortablement.
Son existence est des plus paisibles et heureuses. Mais un jour, Shimamoto-San réapparaît.
Hajime ne l’a jamais oubliée. Son amour pour elle est fort et vif, il en devient presque obsessionnel. Il remet sa vie en question. Shimamoto-San reste une énigme, on ne sait pas ce qu’elle fait, on sait qu’elle est riche mais on ne sait pas pourquoi ni comment, l’auteur ne nous dévoile presque rien de sa vie, ses disparitions intempestives demeurent mystérieuses, on se demande toujours si elle reviendra. Et j’ai même fini par me demander ( et Hajime aussi) s’il ne l’avait pas tout simplement rêvée, ou, dans le genre plus fantastique, si elle n’est pas un fantôme. N’espérez pas avoir la réponse. L’auteur n’en donne pas. (ô frustration délicieuse !)

L’écriture est belle, claire, agréable, ni trop légère, ni trop lourde ( on félicite le travail de la traductrice).
En revanche, je m’attendais à une atmosphère beaucoup plus japonaise. L’histoire pourrait tout aussi bien se dérouler à Paris ou à New-York. Donc un peu déçue de ce côté-là, j’aurais souhaité un peu plus d’« exotisme ».
Je n’irais donc pas jusqu’à dire que « Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil » est un chef-d’œuvre ni qu’il m’a extasiée. Néanmoins, je n’en regrette absolument pas la lecture, c’est un très joli roman, très touchant, il m’a donné envie de partir à la découverte des autres oeuvres de Murakami.

Le mépris - Alberto Moravia



Après avoir enfin comblé une lacune dans ma culture littéraire et cinématographique et avoir enfin visionné ce film dit culte de Jean-Luc Godard « Le mépris », je ne peux que m’insurger contre ce qualificatif qui serait bien plus approprié au roman qu’au film.
Au risque de m’attirer les foudres de cinéphiles convaincus, j’ai trouvé ce film d’une nullité déconcertante. Non seulement, il est très peu fidèle au roman mais en plus il le dessert. Michel Piccoli et Brigitte Bardot sont les acteurs les plus pitoyables que j’ai jamais vus. La musique bien que jolie et appropriée au thème est assourdissante au point de n’en plus entendre les dialogues. J’ai cru lire que Moravia avait participé lui aussi à la réalisation du film et je ne comprends pas qu’il ait pu ainsi laisser dénaturer son roman. Certes, il a traité lui-même ce dernier de roman de gare mais il est bien connu que l’artiste, toujours perfectionniste, n’est jamais satisfait de son œuvre. Et c’est fort dommage car le roman « le Mépris » d’Alberto Moravia est un chef d’œuvre tout simplement.

Sans raconter l’histoire (pour ceux qui ne la connaîtraient pas), on peut la résumer à cette phrase extraite des premières lignes du livre :
« L’objet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à l’aimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou crut découvrir certains de mes défauts, me jugea et, en conséquence, cessa de m’aimer. »

Ricardo est marié à Emilia depuis un peu plus de deux ans, deux années d’amour et de bonheur, mais depuis quelques temps sa femme Emilia s’éloigne et commence à le mépriser.
C’est alors à une véritable torture psychologique que l’on assiste tout au long de ce livre. Ricardo ne cesse de s’interroger sur le comportement de sa femme, sur les raisons de ce mépris et de ce désamour.
J’ai rarement autant réagi au cours d’une lecture. Ce fut donc une lecture « agitée » où je rebondissais de rage en pitié, une véritable palette d’émotions. Ricardo m’a semblé si faible, je me disais « mais quel minable, il ne comprend rien » car Ricardo pense, réfléchit mais n’agit pas ! Ou lorsqu’il agit, c’est pour se comporter de façon emportée et justement irréfléchie ( ce qui a pour effet d’anéantir toutes ses heures de torture et de réflexion). Mais pourtant, il a tout fait pour rendre sa femme heureuse, il a sacrifié ses ambitions professionnelles au profit d’un emploi qui ne lui plaît pas mais qui lui procure le salaire nécessaire au confort de son épouse.
Emilia, quant à elle, est d’une froideur horrifiante et manipulatrice. Après les mensonges ( « mais non, il n’y a rien, tu te fais des idées »), elle devient glaciale à un point qu’on en a de la peine pour Ricardo. Elle refuse obstinément de s’expliquer malgré les supplications (maladroites il est vrai) de son mari et on en reste aussi perplexe que lui.
Je ne dévoilerai pas la fin car elle est vraiment très réussie. Il y aurait également beaucoup d’autres choses à dire mais je ne veux pas gâcher la surprise.
Troublant, poignant, triste, angoissant, magnifiquement raconté, ce roman est une pure merveille et restera dans mes livres préférés.

Prodigieuses Créatures - Tracy Chevalier



Ammonites, bélemnites, crinoïdes, pentacrines, ophiures, ichtyosaures et plésiosaures vous semblent être des noms barbares mais ils n'auront plus de secret pour vous une fois que vous aurez lu le dernier roman de Tracy Chevalier " Prodigieuses créatures".

Il s'agit d'une biographie romancée de Mary Anning, issue d'une famille ouvrière anglaise sans le sou du XIXème siècle, chasseuse de fossiles et découvreuse des premiers ichtyosaures et plésiosaures. Ses découvertes et ses connaissances accumulées par l'expérience furent à l'origine d'importants travaux des plus grands géologistes et naturalistes de l'époque comme Charles Lyell ou Georges Cuvier permettant ainsi l'émergence de la théorie neuve de l'extinction des espèces.

J'ai adoré ce livre ! Pourtant le sujet en lui-même ne m'intéressait pas particulièrement et je n'ai jamais été attirée par les dinosaures et autres créatures du "monde perdu". Et bien, je me suis surprise à aller rechercher des informations sur la toile pour voir de mes yeux les fossiles et squelettes mentionnés. Une bibliographie est présentée en fin d'ouvrage. Un post-scriptum de l'auteur apporte des précisions sur le devenir des personnages , elle s'explique aussi sur les possibles incohérences temporelles (minimes) de son récit. Le style est très agréable.
Moi qui aime les romans grâce auxquels on apprend des choses, j'ai été ravie.
Je recommande chaudement la lecture de ce livre qui m'a véritablement enthousiasmée.