dimanche 3 juillet 2011

Le mépris - Alberto Moravia



Après avoir enfin comblé une lacune dans ma culture littéraire et cinématographique et avoir enfin visionné ce film dit culte de Jean-Luc Godard « Le mépris », je ne peux que m’insurger contre ce qualificatif qui serait bien plus approprié au roman qu’au film.
Au risque de m’attirer les foudres de cinéphiles convaincus, j’ai trouvé ce film d’une nullité déconcertante. Non seulement, il est très peu fidèle au roman mais en plus il le dessert. Michel Piccoli et Brigitte Bardot sont les acteurs les plus pitoyables que j’ai jamais vus. La musique bien que jolie et appropriée au thème est assourdissante au point de n’en plus entendre les dialogues. J’ai cru lire que Moravia avait participé lui aussi à la réalisation du film et je ne comprends pas qu’il ait pu ainsi laisser dénaturer son roman. Certes, il a traité lui-même ce dernier de roman de gare mais il est bien connu que l’artiste, toujours perfectionniste, n’est jamais satisfait de son œuvre. Et c’est fort dommage car le roman « le Mépris » d’Alberto Moravia est un chef d’œuvre tout simplement.

Sans raconter l’histoire (pour ceux qui ne la connaîtraient pas), on peut la résumer à cette phrase extraite des premières lignes du livre :
« L’objet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à l’aimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou crut découvrir certains de mes défauts, me jugea et, en conséquence, cessa de m’aimer. »

Ricardo est marié à Emilia depuis un peu plus de deux ans, deux années d’amour et de bonheur, mais depuis quelques temps sa femme Emilia s’éloigne et commence à le mépriser.
C’est alors à une véritable torture psychologique que l’on assiste tout au long de ce livre. Ricardo ne cesse de s’interroger sur le comportement de sa femme, sur les raisons de ce mépris et de ce désamour.
J’ai rarement autant réagi au cours d’une lecture. Ce fut donc une lecture « agitée » où je rebondissais de rage en pitié, une véritable palette d’émotions. Ricardo m’a semblé si faible, je me disais « mais quel minable, il ne comprend rien » car Ricardo pense, réfléchit mais n’agit pas ! Ou lorsqu’il agit, c’est pour se comporter de façon emportée et justement irréfléchie ( ce qui a pour effet d’anéantir toutes ses heures de torture et de réflexion). Mais pourtant, il a tout fait pour rendre sa femme heureuse, il a sacrifié ses ambitions professionnelles au profit d’un emploi qui ne lui plaît pas mais qui lui procure le salaire nécessaire au confort de son épouse.
Emilia, quant à elle, est d’une froideur horrifiante et manipulatrice. Après les mensonges ( « mais non, il n’y a rien, tu te fais des idées »), elle devient glaciale à un point qu’on en a de la peine pour Ricardo. Elle refuse obstinément de s’expliquer malgré les supplications (maladroites il est vrai) de son mari et on en reste aussi perplexe que lui.
Je ne dévoilerai pas la fin car elle est vraiment très réussie. Il y aurait également beaucoup d’autres choses à dire mais je ne veux pas gâcher la surprise.
Troublant, poignant, triste, angoissant, magnifiquement raconté, ce roman est une pure merveille et restera dans mes livres préférés.

2 commentaires:

  1. Bonjour. Etant un grand amateur de Moravia, je ne puis que confirmer ce que vous dîtes sur le roman "Le Mépris" par rapport au film. Il me semble d'ailleurs que ce n'est pas Moravia mais bien Godard qui le qualifie de "roman de gare", ce qui relève d'un condescendance incroyable. En effet, quand on lit le roman, qui est passionnant, on se rend compte que Godard bah... a fait du Godard. C'est à dire un truc insupportable où comme vous le dîtes, les dialogues sont noyés dans la bande son, les personnages n'ont plus aucune consistance en tant que personnages (psychologie pas probante).

    Je ne sais pas si vous avez connaissance des réalisateurs italiens de cette époque mais j'ai toujours pensé que Valerio Zurlini ou encore Michelangelo Antonioni auraient fait du roman quelque chose de formidable, bien moins prétentieux et parisien que le Godard.

    Au final, je vous recommande vraiment si vous ne les avez pas lus les autres les autres romans de Moravia. De loin le meilleur romancier italien du XXème siècle.

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    1. Bonjour Athos et merci beaucoup pour votre commentaire. Pourtant je m'y connais très mal en cinéma mais il faut croire que j'ai assez bon goût pour ne pas aimer Godard :) Donc malheureusement je ne connais pas les réalisateurs italiens que vous citez. Voilà un domaine qu'il me faudra explorer un jour.
      J'ai deux autres romans de Moravia sur mes étagères : " Le conformiste" et "Les indifférents". Lequel me conseillez-vous d'ouvrir en premier ? Y a-t-il d'autres titres de Moravia qui vous tiennent particulièrement à coeur ?
      Parmi les romanciers italiens que j'ai pu lire jusqu'à maintenant, Moravia a été l'un des plus marquants. J'ai aussi beaucoup apprécié Malaparte ( mais je n'ai pour l'instant lu que "Kaputt") et Calvino ( "Si par une nuit d'hiver...").

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