mercredi 31 août 2011

La Trilogie New-Yorkaise - Paul Auster



La Trilogie New-Yorkaise est composée de trois récits à première vue distincts mais il ne faut pas s’y tromper. Les trois récits sont très liés et le tout forme un ensemble cohérent mais il faut attendre la 3ème histoire pour s’en rendre compte et pour moi ça a été une véritable surprise et je n’ai pu m’empêcher de crier au génie !
Dans La Cité de Verre, le personnage principal Quinn se fait passer pour un détective privé suite à un mystérieux appel d’une personne persuadée d’avoir affaire à Paul Auster le détective. Quinn a beau essayer de démentir, les appels continuent et il finit par entrer dans le jeu. Rien que là, déjà, j’étais enthousiasmée et c’est le cœur battant que j’ai lu la suite de ce récit. En effet, moi-même j’ai toujours rêvé de me faire passer pour quelqu’un d’autre, petite je m’amusais souvent à donner un autre nom que le mien. Et là vous vous dites « Ciel ! Une mythomane… », je vous rassure, je ne le fais plus et ça doit me manquer, ce qui expliquerait mon engouement pour ce récit.
Bref, Quinn s’embarque donc dans l’aventure et se voit chargé de surveiller un vieil homme dont le fils ( l’auteur des appels) soupçonne de vouloir l’assassiner. Quinn prend son rôle tellement à cœur qu’il en oublie sa propre identité, sa propre vie. Ce récit est donc celui de la dépossession, de la perte d’identité, de la perte et donc paradoxalement de la découverte du Moi.

La deuxième histoire intitulée « Revenants » est basée sur le même thème que la première. Le détective Bleu est chargé de surveiller un certain Noir. Cet homme ne fait absolument rien à part rester assis devant sa fenêtre et sortir à de très rares occasions. Bleu suit tout d’abord docilement ses instructions puis commence à s’interroger sur le sens de sa mission. Il essaie d’en savoir plus sur ce Noir, objet de sa surveillance et cherche à provoquer des rencontres avec lui quitte à se déguiser ( se faire passer pour quelqu’un d’autre … tiens … ça ne vous rappelle rien ?). Bleu essaie aussi de découvrir l’identité de son client. Contrairement à Quinn qui s’est complètement fait happé par sa mission, Bleu cherche à se rebeller. Le dénouement (si on peut l’appeler ainsi) ne m’a pas surprise, je m’y attendais un peu et finalement on reste dans le flou total. Le thème de la dépossession revient également dans ce récit puisque la mission de Bleu s’éternise, il perd sa fiancée, se retrouve seul, sans rien. Et comme pour Cité de Verre, au final, les deux personnages principaux ont poursuivi une chimère et en ont tout perdu.

Avec la troisième histoire La Chambre Dérobée, on revient à quelque chose de plus classique. Du coup, je me suis un peu plus ennuyée. Toutefois, comme je l’ai dit plus haut, on s’aperçoit des liens entre les 3 récits (il y a des indices pourtant dans les deux premiers récits mais chuuuuuut). Je n’en dirais pas plus sur la nature de ces liens, avoir dévoilé leur existence c’est déjà trop et j’aurais certainement maudit la personne qui m’en aurait parlé avant ma lecture car je crois que ça aurait gâché une bonne partie du plaisir que j’ai ressenti .

J’adore les récits déroutants, frustrants, surprenants et là j’ai été servie.
J’ai aussi beaucoup apprécié les nombreuses références littéraires qui m’ont donné envie de découvrir d’autres auteurs comme Melville, Poe et il faut vraiment que je lise Don Quichotte.
J’ai adoré aussi les passages sur la sémantique (ils sont courts et très intéressants je vous rassure) exemple : peut-on encore appeler parapluie un parapluie cassé qui ne protège plus de la pluie ? Le mot ne désigne plus la fonction de l’objet puisque cet objet a perdu cette fonction.
Autre chose amusante : Paul Auster se met lui-même en scène.
Bref, cette lecture m’a véritablement enthousiasmée et m’encourage à lire d’autres livres de Paul Auster.

vendredi 26 août 2011

Terre des oublis - Duong Thu Huong



Terre des oublis c’est d’abord une histoire banale, le retour chez lui d’un soldat que l’on croyait mort depuis longtemps, sa femme est remariée et a un enfant d’un autre homme. Seulement voilà, il est le héros de guerre, celui qui a sacrifié sa jeunesse pour la patrie et pour cette raison il est en droit de reprendre ce qui lui appartenait.
Miên doit donc choisir entre cet homme ressurgit du passé qu’elle n’a aimé que le temps d’un été pendant son adolescence et ainsi se soumettre aux convenances, et son mari actuel, l’homme qu’elle aime.
Sous la pression de l’opinion publique et pour ne pas perdre son honneur, Miên décide de retourner vivre avec Bôn, cet homme qu’elle n’aime plus, un homme qui la répugne, un homme qui ne possède plus rien si ce n’est une masure délabrée sans aucun moyen de subsistance.

Mon avis :

On trouve dans ce livre un thème peu original mais transposé à la sauce viêtnamienne, c’est d’ailleurs là le seul intérêt du livre : la découverte de la culture et des mœurs viêtnamiennes largement décrites, on a droit à un beau panorama de la cuisine locale, de la végétation et surtout de la mentalité des habitants.
Pour le reste, le style est lourd, beaucoup trop d’énumérations qui rendent les phrases interminables, beaucoup trop de métaphores parfois farfelues, c’est supportable au début mais au bout de 700 pages ça devient pénible et lassant.
Il y a aussi beaucoup de flash-backs, on revient dans le passé des personnages et parfois même des personnages secondaires, ce qui n’apporte pas forcément grand chose au récit.
La psychologie des personnages est trop fluctuante, il est difficile de les cerner.
Je n’ai pas beaucoup apprécié l’image de la femme qui transparaît à travers ce récit, on a l’impression que Miên repousse son « ex » mari que parce qu’il est pauvre, l’auteur insiste beaucoup sur les regrets qu’elle a à quitter une grande maison pourvue de tout le confort et un mari riche qui gâte sa femme et son fils.
A côté de la femme vénale, on a ensuite les portraits d’hommes obsédés de sexe. On se demande si Bôn ne cherche pas à récupérer sa femme uniquement pour satisfaire à ses pulsions et au devoir conjugal. Pendant ce temps, le second mari délaissé va se consoler chez les prostituées. On se demande vraiment où sont l’amour et les sentiments là-dedans et je ne sais pas si je dois mettre ça sur le compte de la mentalité viêtnamienne en général ou plutôt sur la vision personnelle qu’a l’auteur des deux sexes.
Je me suis également interrogée quant à la santé mentale de Bôn. Suite aux atrocités qu’il a vécues durant la guerre, est-il malade ou croit-on réellement à l’existence des fantômes au Viêt-Nam ?
Je n’ai pas réussi à m’attacher à un personnage en particulier, tantôt j’avais pitié de Miên, tantôt j’avais pitié de Bôn. C’est vrai qu’il a sacrifié une grande partie de sa vie et qu’il mériterait à présent sa part de bonheur mais c’est plutôt le malheur qui se perpétue. Que Miên lui soit revenue ou non, je crois qu’il était perdu d’avance et c’est ça qui est le plus triste. Pourtant c’est l’espoir de la retrouver un jour qui l’a maintenu en vie durant toutes ces années de guerre. Il a poursuivi une chimère …
Quant à Miên, je n’ai pas compris son choix. A sa place, je me serais bien moquée du « qu’en dira-t-on » et serais restée avec ma famille. En se comportant comme elle l’a fait, elle n’a que rendu malheureux ses deux maris ainsi qu’elle-même. Doit-on sacrifier son bonheur sur l’autel de l’honneur et de la pression sociale ? Et si les gens s’occupaient un peu plus de leurs affaires plutôt que de juger la vie privée des autres ? Je crois que l’on ne s’en porterait que mieux…
Voilà, je pourrais dire beaucoup d’autres choses mais la motivation me manque. C’est vraiment difficile d’écrire une chronique sur un livre qui ne nous a pas plu et qu’on s’est efforcé de lire jusqu’au bout. Parce que oui, bon, quand même j’ai voulu savoir la fin. Et j’ai été déçue, rien de sensationnel, une fin banale comme tout le reste…

mercredi 24 août 2011

Bienvenue à Oakland - Eric Miles Williamson



Voilà une lecture dont on ne sort pas indemne.
Bienvenue à Oakland est un livre qui dérange, qui parle cru, qui vous pend par les pieds et vous secoue comme un prunier, qui vous gifle toutes les 10 pages, vous insulte, vous malmène, vous fait culpabiliser, bref c’est un de ces romans anti-conformistes, provocateurs, politiquement incorrects. Si vous avez l’âme sensible et une tendance à la susceptibilité, passez votre chemin.
Bienvenue à Oakland c’est l’envers du décor, le négatif de l’American Dream, l’opposé de la jolie petite banlieue bien propre à la Desperate Housewives.
Bienvenue à Oakland c’est le contrepied des séries américaines qui envahissent notre petit écran, ces séries qui puent le consumérisme et le matérialisme bourgeois, qui font rêver les prolos avec de belles baraques et de belles bagnoles qu’ils ne pourront jamais s’offrir.
Bienvenue à Oakland c’est un coup de gueule, un cri de guerre contre ces bobos qui se pavanent dans leur petit confort bien tranquille pendant que d’autres pourrissent dans la crasse et triment comme des malades pour rembourser leurs dettes et avoir un toit au-dessus de leur tête.
Bienvenue à Oakland c’est une plongée dans la misère, dans les quartiers pauvres de la banlieue de San Francisco, ces quartiers où il ne fait pas bon se promener seul, ces quartiers qu’on ne voit jamais à la télé parce que c’est la honte, c’est pas beau, ça pue et c’est pas vendeur.
C’est T-Bird Murphy qui nous souhaite la bienvenue et qui nous sert de guide dans ce Oakland de la misère. Il nous raconte son enfance, entre une mère indigne qui passe son temps à taper sur ses gosses et à s’enfiler les mecs du quartier, un père qui n’est pas vraiment son père mais qui le prend sous sa protection tout en étant dur avec lui ( bah oui c’est pas son vrai fils alors faut pas pousser non plus), les petits boulots à travers lesquels il fait l’expérience des patrons pourris et la violence ambiante avec guerre des gangs, guerre des races, lutte des classes.
Oakland c’est la merde. Oui mais une belle merde, une belle merde dans laquelle tous pataugent et qui les unit, qui les rend solidaires. Il suffit de voir le sort réservé à FatDaddy Slattern par ses voisins, FatDaddy Slattern qui a trahi, qui a voulu se distinguer des autres, se croire au-dessus du lot.
Ce roman est d’une profonde noirceur mais pourtant j’ai ri. Et pour que je rie en lisant il en faut vraiment. Autant dire que ça ne m’arrive quasiment jamais, au plus j’esquisse un sourire et c’est tout. Mais là, non, j’ai ri, vraiment ! Comment rester de marbre face au personnage de Jorg et son terrible « Adresse » ? Ou encore lorsque T-Bird et son pote Ben encastrent leur voiture dans une baraque ? Et tout ça raconté dans ce style cru, ce langage fleuri que nous sert Eric Miles Williamson. Car oui, vous allez avoir votre dose de « gros mots » et vous allez vous-même en prendre pour votre grade. C’est bien la première fois que je me fais insulter par un livre !
Eric Miles Williamson ne fait effectivement pas dans la dentelle et si vous le lui reprochez voilà ce qu’il pourrait vous répondre :

« Ce dont on a besoin, c’est d’une littérature imparfaite, d’une littérature qui ne tente pas de donner de l’ordre au chaos de l’existence, mais qui, au lieu de cela, essaie de représenter ce chaos en se servant du chaos, dans une littérature qui hurle à l’anarchie, apporte de l’anarchie, qui encourage, nourrit et révèle la folie qu’est véritablement l’existence […].
Tu veux du parfait ? T’as qu’à lire les putains de bouquins de quelqu’un d’autre. Ce bouquin, si je le fais bien, sera tout sauf paaarrrfait. Je ne veux pas qu’après avoir tourné la dernière page tu t’étires sur ta chaise longue hors de prix avec un soupir plein d’autosatisfaction[…]. »

Vous voyez ? T-Bird s’adresse directement à vous, vous prend à partie, enfin … T-Bird ou Eric Miles Williamson ? Difficile de faire la part entre les deux voix. II semblerait bien que le livre contienne des éléments autobiographiques, ce qui ne peut qu’ajouter au réalisme du milieu décrit.
Mais tout de même, un bémol : quelle image de la femme ! Vénale, matérialiste, égoïste, faignante, négligée, de petite vertu … Pffffiou, ça sent le mâle misogyne qui a eu de mauvaises expériences… oups, j’avais bien dit de ne pas être susceptible ….

Alors voilà, Bienvenue à Oakland est une bombe qui explose selon le lecteur ou pas, un OVNI littéraire, un bouquin inclassable, hors norme, unique. Je n’avais encore rien lu de tel. On adore ou on déteste.
Moi qui aime les écrits engagés et enragés, je ne pouvais pas faire autrement qu’adorer et même j’en redemande.
Merci M. Williamson et merci au traducteur qui a fait un beau travail et enfin mille mercis à Newsbook et aux Editions Fayard de m’avoir offert ce partenariat et de m’avoir ainsi permis de découvrir une pépite.

D'autres avis : celui de Plume,  de Catherine, de Valeriane, de Bene


samedi 13 août 2011

L'empire des lumières - Kim Young-Ha



Kiyeong est un espion nord-coréen envoyé au Sud il y a une vingtaine d’année. Depuis ce jour, il a mené une vie normale et tranquille, s’est marié et est père de famille.
Mais ces dix dernières années, il n’a plus aucun contact avec sa patrie d’origine qui semble l’avoir oublié jusqu’au jour où il reçoit l’ordre de tout quitter et de rentrer dès le lendemain dans son pays.

Mon avis :

Le récit se déroule sur 24 heures à raison d’un chapitre par heure ce qui n’est pas sans rappeler une certaine série made in USA. D’ailleurs, on lit un peu ce livre comme on regarderait une série confortablement installé devant son poste de télévision. La narration alterne entre le point de vue de Kiyeong mais aussi celui de sa femme, de sa fille et d’autres protagonistes secondaires. Cependant, le rythme est rapide et haletant, l’alternance de narrateurs ne perturbe en rien la lecture et le suivi des évènements. Il n’y a aucune longueur et tout s’enchaîne, tout s’assemble à la manière d’un puzzle.
On pourrait s’attendre, à en lire la quatrième de couverture, à une banale histoire d’espionnage dans le même style qu’un certain célèbre espion au service de Sa Majesté mais il n’en est rien. L’intérêt et l’objet du récit sont bien plus riches et complexes.
Kiyeong a 24 heures pour prendre une décision :
-         rentrer chez lui sans savoir pourquoi on l’a rappelé et peut-être risquer sa vie si ses supérieurs ont quelque chose à lui reprocher ou bien :
-         rester, continuer sa vie dans l’angoisse que sa patrie d’origine n’envoie des agents l’éliminer ou bien encore :
-         partir dans un autre pays sans laisser de trace mais dans ce cas de figure que faire de sa famille ? Doit-il tout leur avouer ?
C’est un véritable dilemme auquel il doit faire face. Il pèse le pour et le contre, se remémore sa vie au Nord, réfléchit au confort de la modernité du Sud.
Ce roman est donc également un témoignage de la vie quotidienne sous le régime communiste instauré par Kim Jong-Il et son père en Corée du Nord et on n’échappe pas, à travers l’œil et les réflexions de Kiyeong, à la comparaison avec la société capitaliste du Sud, ses atouts mais aussi ses défauts. L’une partie étant le négatif de l’autre, autant dire que pour Kiyeong le choix s’avère cornélien.
On peut toutefois remarquer la mise en exergue des vices inhérents à la société capitaliste à travers les personnages de la fille et de la femme de Kiyeong : la débauche des corps et la place importante de l’argent et de la réussite étant particulièrement visées.
En revanche, j’ai déploré ce plaidoyer en faveur du végétarisme, je l’ai trouvé mal venu. Il  n’avait pas sa place dans ce récit, je l’ai ressenti un peu comme une mouche dans mon potage.

En résumé, j’ai beaucoup apprécié cette lecture, très distrayante et poussant à la fois à la réflexion car ce dilemme auquel est confronté Kiyeong amène tout un tas de questions, on ne peut s’empêcher de se mettre à sa place et se demander ce que nous ferions nous dans une telle situation.
Tout est aussi une question de culture : doit-on donner la priorité au devoir et au patriotisme ( point de vue en accord avec l’idéologie communiste) ou doit-on penser à sa propre survie et son propre intérêt ( point de vue individualiste et matérialiste caractéristique de la société capitaliste) ?
Bref, je conseille vivement cette lecture, j’ai véritablement passé un agréable moment.

L'empire des lumières - René Magritte



lundi 8 août 2011

Pays de neige - Yasunari Kawabata



Shimamura est un riche citadin originaire de Tokyo, sa fortune lui permet de ne pas travailler. Il est passionné de danse d’abord traditionnelle mais il s’intéresse par la suite aux ballets occidentaux (qu’il n’a jamais vus). Sa principale activité est donc d’écrire des livres sur ces sujets qui le passionnent et que personne ne lira.
Pays de neige nous relate ses trois voyages dans une station thermale à la montagne.
Au cours de son premier séjour, raconté en flash-back, alors qu’il demande à être mis en relation avec une geisha, il fait la connaissance de Komako.
Tous deux semblent s’éprendre l’un de l’autre mais …

Mon avis :

Mon sentiment est très partagé quant à cette lecture.
Le décor est somptueux, les descriptions magnifiques, j’ai véritablement voyagé, le dépaysement était au rendez-vous, ce dont j’avais été privée lors de ma précédente rencontre avec un auteur japonais et que j’avais regretté, mais cette fois-ci c’est une réussite.
Ce fut pour moi l’occasion d’une découverte du monde montagnard japonais et d’éléments traditionnels de la culture japonaise comme le samisen, le kotatsu, le hakama, le Chijimi mais aussi une immersion dans de somptueux paysages montagnards. La blancheur et le froid sont omniprésents que ce soit par l’évocation des sommets enneigés ou par celle de la peau des geishas voire même de leur tempérament. Cette blancheur et ce froid participent de la purification des hommes. C’est ce que Shimamura était venu chercher à l’origine dans cette station thermale.
Purification de l’esprit je le conçois aisément mais purification du corps j’en doute, notamment lorsque l’on sent le besoin de faire appel à des geishas alors qu’on est déjà marié et père de famille. Alors oui voilà, d’emblée je ne pouvais pas éprouver de sympathie envers Shimamura, un riche oisif qui délaisse sa famille pour prendre du bon temps avec d’autres femmes. L’homme se fait facilement tourner la tête.
Le roman s’ouvre sur la scène du train, magnifiquement décrite il est vrai malgré la piètre qualité de la traduction. Dans ce trajet en train qui l’amène au village, Shimamura est subjugué par le visage d’une jeune femme dont il contemple discrètement le reflet dans la vitre. Cette jeune femme Yoko accompagne un jeune homme malade, on ignore les liens qui les unissent tous les deux.
Arrivé à destination et à peine installé, Shimamura demande à avoir une geisha. Malheureusement toutes celles du village sont déjà prises mais une des employées de l’auberge lui conseille une jeune femme non professionnelle. C’est ainsi que Shimamura rencontre Komako.
Encore une fois, difficile de dire quels liens les unissent tous deux. Malgré ses promesses, Shimamura ne donnera aucun signe de vie à Komako jusqu’à sa prochaine visite une année après. A ce moment-là, Komako est devenue geisha professionnelle pour subvenir aux frais médicaux d’un malade qui se trouve être l’homme du train nommé Yukio. La rumeur veut que Yukio et Komako soient fiancés ce qui expliquerait le geste de Komako mais cette dernière nie en bloc.
C’est à la gare lors du départ de Shimamura que Komako apprend le décès de Yukio par Yoko qui n’est autre que la jeune femme du train. Komako refuse d’aller au chevet du mourant.
Tout au long du récit, je me suis demandée où l’auteur voulait en venir. Je n’ai absolument rien compris aux relations entre Shimamura, Komako, Yukio et Yoko.
On ne connaît le personnage de Yoko qu’à travers sa voix et ses yeux. On ne sait rien d’autre d’elle, qui est-elle, quels liens a-t-elle avec les autres personnages.
Quant à la relation entre Shimamura et Komako, c’est tout aussi énigmatique. Shimamura ne semble éprouver que du désir physique à l’inverse de Komako qui, elle, semble, véritablement éprise. De même, Shimamura semble attiré par Yoko mais une fois encore on en sait pas davantage.
Il faut attendre la fin du roman pour qu’il se passe quelque chose : un incendie a lieu, gros contraste entre la chaleur et les couleurs de l’incendie par rapport au froid et à la blancheur ambiante. Il y a là probablement une métaphore dont je ne parviens pas à saisir pleinement la signification. Yoko est victime d’un accident lors de cet incendie, s’agit-il d’un suicide ? Est-elle morte ? Pourquoi est-ce Komako qui tente de la secourir ? Quel lien y a-t-il donc entre ces deux personnages ? Autant de questions qui demeurent sans réponses.
Shimamura semble indifférent à tout sauf au corps des femmes. Komako vit dans une situation précaire pendant que lui roule sur l’or mais ça ne l’émeut pas. Il se permet de critiquer ses projets les estimant inutiles et vains, lui reprochant de dépenser beaucoup d’énergie pour rien. C’est un comble de la part de quelqu’un qui n’a pas besoin de travailler pour subvenir à ses besoins et, qui plus est, fournit lui-même des efforts à la rédaction de livres qui ne trouveront jamais de lecteurs. La mort de Yoko le laisse de marbre mais se permet d’être choqué du refus de Komako d’aller au chevet de son ami mourant.
Komako est, elle, très mystérieuse. J’ai du mal à la cerner. Elle boit beaucoup ( pour oublier sa condition ?) et se présente ivre la plupart du temps, elle est assez lunatique. J’ai trouvé ce personnage presque théâtral tellement certaines réactions m’ont paru exagérées.
Bref, ce récit me laisse sur ma faim, je n’y ai pas saisi grand chose et sans doute que la traduction y a sa part de responsabilité nous privant certainement de nombreuses métaphores et de la signification symbolique des scènes. C’est très dommage car il s’agit tout de même d’un prix Nobel.


Pour ceux qui, comme moi avant cette lecture, ne connaissent pas le samisen :


vendredi 5 août 2011

Au plus noir de la nuit - André Brink



Joseph Malan est en prison pour meurtre.
Il est accusé d’avoir assassiné la femme qu’il aime, Jessica.
Qui plus est, il est noir, Jessica était blanche et nous sommes en Afrique du Sud au temps de l’apartheid.
C’est de sa cellule, après avoir été torturé et attendant sa condamnation à mort, que Joseph nous raconte sa vie et celle de ses ancêtres.

Mon avis :

J’ai d’abord eu du mal à entrer dans ce roman et je me l’explique difficilement car finalement j’ai vraiment adoré cette lecture.
On est vraiment happé par le contexte, André Brink réussit à merveille à nous imprégner de l’atmosphère sud-africaine malgré le peu de descriptions de paysages. Il y en a mais j’aurais souhaité plus. Bon … ceci dit, j’ai compensé avec internet mais difficile de retrouver des photos d’époque.
En dehors de la simple description du décor, la vie quotidienne et la ségrégation vécue par la communauté noire sont extrêmement bien traitées.
Tout d’abord, Joseph retrace pour nous l’histoire de sa famille, une famille d’esclaves au service de maîtres blancs avec toutes les brimades, les humiliations que cette situation sous-entend. C’est peut-être cette accumulation de malheurs et de souffrance qui m’a gênée au début ainsi que les amours entre les ancêtres noirs de Joseph avec des blanches. J’ai ressenti ça comme étant exagéré. Je reconnais que mon avis est complètement subjectif mais l’histoire se répétait tellement que j’avais du mal à y croire.
Mais une fois passé ce passage de la généalogie, Joseph revient ensuite à sa vie propre. Il a grandi comme esclave au service du propriétaire blanc d’une ferme. Ce même propriétaire a fait la seconde guerre mondiale avec le père de Joseph mort dans un camp nazi. Le fermier, se sentant redevable envers le petit Joseph qu’il a privé de son père, lui donne les moyens d’intégrer une école et de profiter d’une solide éducation.
Joseph est très bon élève et se découvre une passion pour le théâtre.
Et c’est à travers sa passion qu’il va mener son combat contre le régime politique sud-africain.
On trouve donc de nombreuses références à des pièces de théâtre. Heureusement pour les incultes en la matière comme moi, leur contenu est légèrement explicité ce qui ne rend pas la compréhension trop difficile mais je l’ai senti comme un handicap quand même. Car Joseph adapte des pièces au contexte de son pays avec pour objectif de faire passer un message. Son intention est de réveiller les consciences.
Bien sûr, les activités théâtrales de Joseph et sa troupe sont vues d’un très mauvais œil et tout est mis en place pour leur mettre des bâtons dans les roues.
Bref, on enrage, on peste et on pleure d’horreur à la lecture des passages où Joseph est torturé.
La quatrième de couverture qualifie ce roman de « terrible roman d’amour », amour interdit entre Joseph et Jessica contraints de s’aimer en cachette. Mais c’est bien plus qu’un simple roman d’amour, c’est un véritable plaidoyer contre la bêtise humaine, la lâcheté et l’intolérance.
Outre la présence de références littéraires, on y trouve également de véritables réflexions philosophiques sur toutes sortes de sujet, sur la liberté, sur l’amour, sur le sens de la vie, sur l’utilité et les modalités de la lutte sociale mais aussi un contexte historique très présent. Les guerres des Boers sont mentionnées, le scandaleux massacre de Sharpeville également. Les amateurs d’Histoire se régaleront, j’encourage les curieux et ceux qui comme moi ont des lacunes sur l’Histoire de l’Afrique du Sud à se documenter en parallèle de leur lecture.
L’idylle avec Jessica sert de fil rouge et ne devient sujet essentiel qu’à la toute fin du roman. L’histoire d’amour ne sert finalement qu’à mettre en valeur, par opposition des sentiments, la dénonciation de thèmes plus durs que sont le rejet de la différence, la répression et la brutalité policières, la couardise et la méchanceté des gens.
En conclusion, une lecture non seulement magnifique mais aussi très enrichissante au style agréable. Au plus noir de la nuit avait été censuré à l’époque de sa parution, André Brink faisant partie de l’intelligentsia afrikaner engagée dans la dénonciation du système d’apartheid. Pour écrire ce roman, il s'est basé sur certains faits réels ( la confiscation d'un livre sur Michel-Ange par un douanier qui jugeait les photos comme étant à connotation pornographique est véridique) et sur des témoignages de personnes ayant connu la prison et les tortures.
Je vous conseille donc vraiment ce livre pour savoir comment se manifestait le régime d'apartheid au quotidien.


Je ne peux résister à la tentation de partager avec vous ce tableau de Millais dont il est fait mention dans le roman et que je trouve magnifique :

John Everett Millais - Feuilles d'automne (1856)