mardi 29 mai 2012

En censurant un roman d'amour iranien - Shahriar Mandanipour



4ème de couverture :

Je vais vous raconter l'histoire d'amour de Sara et Dara. Comment s'aimer en Iran, quand toute rencontre entre les deux sexes est proscrite? Rencontre interdite à vivre comme à écrire... Voilà également mon histoire d'écrivain, une histoire d'amour avec les mots, semée d'embûches. Car dans mon pays, lorsqu'il s'agit d'amour, toujours la censure veille... Ensemble, nous allons la déjouer!

Mon avis :

J’avais déjà repéré ce titre lors de sa sortie et puis il est sorti de ma tête jusqu’à ce que je le vois en format poche sur un des étals de ma librairie. Prise de doutes, je le repose. Une fois rentrée, je fais le tour des critiques, plutôt disparates mais l’avis de Keisha achève de me convaincre et je retourne à la librairie.
Une fois le précieux bien convoité entre mes mains, je m’y plonge aussitôt.
A présent je l’ai terminé et je n’ai qu’une envie : le relire.
J’ai vraiment adoré ce roman qui concentre en quelques 400 pages tout ce que j’aime dans la littérature.

L’objectif de l’auteur à travers ce roman est de nous montrer à quels problèmes lors de l’écriture est confronté un auteur iranien qui souhaite être publié dans son pays. Pour cela, Shahriar Mandanipour va se mettre lui-même en scène ainsi que le censeur M. Petrovitch ( oui oui, le juge chargé du cas Raskolnikov dans Crime et châtiment).
Les transformations opérées dans le texte sont rendues visibles : en gras le corps de l’histoire d’amour que l’auteur veut raconter, les passages susceptibles de ne pas passer la censure sont rayés, en forme normale les interventions de l’auteur, ses dialogues avec M. Petrovitch, le roman tel qu’il aimerait le raconter, les anecdotes et des tas d’autres petites choses intéressantes.
Vous l’aurez compris, le plus intéressant dans ce livre n’est pas l’histoire d’amour en elle-même mais la façon dont elle est racontée et pourquoi elle est racontée de cette façon et pas d’une autre. Shahriar Mandanipour ponctue donc son récit de nombreuses références littéraires notamment iraniennes ce qui nous permet de la découvrir dans toute sa subtilité où la symbolique est très importante. En Iran, la religion ne permet pas la proximité homme-femme telle que nous la connaissons chez nous. Les relations amoureuses se font en cachette et dans la littérature elles se cachent sous de nombreuses formes poétiques puisant dans les registres de la nature. Ce que Shahriar Mandanipour nous démontre à merveille en analysant pour nous quelques vers célèbres, le passage est d’une ironie mordante et on ne peut s’empêcher de sourire.

Outre la littérature iranienne, c’est aussi quelques pans de l’histoire du pays mais surtout des contes de grand-mère et des légendes que l’auteur nous fait découvrir pour notre plus grand plaisir. Ainsi vous connaîtrez la légende liée aux roses de Damas et vous ferez connaissance avec Shinin et Khosrow personnages très célèbres de la littérature iranienne grâce auxquels vous comprendrez pourquoi l’Iran, au cours de sa longue histoire, s’est toujours fait envahir.
En plus d’avoir un aperçu de la richesse de la culture iranienne, En censurant un roman d’amour iranien vous emmène au cœur du pays et vous fait partager le quotidien des iraniens jamais à court d’idées pour contourner les lois qui leur interdisent tout contact avec l’Occident ( que ce soit à travers la télévision, la musique, le cinéma, la littérature…) et toujours prêts à  échapper aux patrouilles de la Campagne contre la corruption sociale.
Par contre à ce sujet, je me pose quelques questions car d’après l’auteur hommes et femmes ne peuvent pas emprunter le même trottoir dans la rue, or ce n’est pas ce que j’ai vu dans les documentaires que j’ai visionnés en parallèle de ma lecture, de même j’y ai vu hommes et femmes aller dîner ensemble au fast-food…(s’il y a des iraniens parmi vous, je serai heureuse d’avoir leur point de vue sur la question).

Autre petite chose qui me rend perplexe, c’est ce fameux cadavre de nain bossu. Apparemment, il est une référence aux Mille et une nuits (il faut absolument que je les lise) mais du coup je n’ai pas compris …
Donc voilà, le récit est truffé de subtilités et de clins d’œil qu’il faut savoir repérer et décrypter pour pouvoir les apprécier. L’auteur s’amuse aussi avec son lecteur en s’adressant directement à lui et en anticipant ses réactions et ses questions. Il intervient lui-même dans son récit en interagissant avec ses personnages. Je sais bien que le procédé n’est pas nouveau mais j’adore ça quand même surtout que Shahriar Mandanipour est parvenu à me bluffer à plusieurs reprises et en particulier à la fin, une fin à laquelle je ne m’attendais absolument pas !
Bref En censurant un roman d’amour iranien est un petit bijou qui m’a fait rêver, voyager et rire aussi tellement certains passages sont comiques. L’auteur a réussi avec un grand talent à démontrer l’absurdité de la censure, système qui ignore complètement le pouvoir d’imagination du lecteur. Je me souviens d’un passage érotique que l’auteur a tenté de raconter sous plusieurs formes pour éviter la censure, certaines étaient ridicules mais une autre, tout en étant extrêmement imagée, était bien plus torride que si l’auteur avait utilisé des mots crus. Et que dire de ce que peuvent laisser croire les fameux et très utiles points de suspension …

J’ai lu que certains lecteurs avaient été gênés par le style. Il est vrai que la version française est une double traduction ( du farsi à l’anglais et de l’anglais au français). Personnellement, je tiens à saluer le travail des traducteurs car cela devait être extrêmement difficile, je n’ai pas du tout été gênée et j’ai déjà eu entre les mains des simples traductions qui, elles, étaient illisibles.

Donc voilà, un gros coup de cœur pour ce roman qui se veut récit engagé et conte oriental à la fois que je relirai très certainement ( et il en faut vraiment pour que je relise un livre !) et qui m’encourage à découvrir plus encore la littérature et la culture iranienne.

vendredi 25 mai 2012

Le premier amour - Sándor Márai



4ème de couverture :

Dans une petite ville de la province hongroise, un respectable professeur de latin mène une vie terne et solitaire, dénuée de surprises. Lorsqu’il entreprend de tenir son journal, pour « faire passer le temps », cette apparente tranquillité vole en éclats. Au fur et à mesure qu’il couche sur le papier les menus faits et gestes de ses journées, des bribes de souvenirs d’enfance lui reviennent, la glace qui recouvrait ses émotions se craquelle, et sa propre vérité surgit enfin. Cette fêlure en annonce une autre, qui va faire basculer sa vie : une passion amoureuse, violente, ravageuse… Ce premier roman de Sándor Márai impose d’emblée le talent magistral du grand auteur des Braises.

Mon avis :

Se plonger dans Le premier amour, c’est partir à la découverte d’un homme à travers son journal. On y côtoie toutes ses pensées des plus nobles aux plus immorales. La forme du journal intime est un procédé souvent utilisé en littérature mais là où Sándor Márai se démarque c’est qu’on a vraiment la sensation de lire un vrai journal intime et non pas une fiction. Les passages où le narrateur se répète, se contredit, sont tellement criants de vérité que ça n’a fait qu’accentuer mes émotions lors de ma lecture.
Il m’a troublée, m’a rendue perplexe, m’a émue, m’a fait de la peine, m’a choquée, m’a  horrifiée. Je ne savais plus quoi penser de lui, je le sentais parfois à la limite de la folie et pourtant certains détails m’ont rappelé des événements et des sensations vécus personnellement et ça n’en est que plus troublant encore.
Ce roman est celui de la solitude d’un homme, un homme qui va chercher et réfléchir à comment en finir avec cette solitude qui lui pèse. C’est aussi l’histoire d’un homme qui réalise peu à peu qu’il est passé à côté de sa vie. Mais il n’est peut-être pas trop tard ?

« Il existe au monde des malheurs et des bonheurs à côté desquels tout ce qui peut m'arriver, chaque événement, du plus horrible au plus heureux, produit le même effet qu'une mouche qui se décolle et tombe d'une fenêtre à l'automne. C'est à dire rien. Je ne suis personne. »

Je ne sais pas quoi dire de plus, je trouve que concernant l’histoire, la 4ème de couverture en dit assez sans en dire trop, je voudrais donc que ceux qui me lisent s’en contentent comme je m’en suis contentée et qu’ils puissent découvrir ce roman de la même façon que je l’ai découvert.
Je l’ai trouvé très actuel par les thèmes qu’il évoque, je me dis que finalement l’être humain a toujours été confronté aux mêmes questions existentielles quelle que soit l’époque.

« Quand on lit attentivement un quotidien, on a l’impression que la vie sur terre n’est qu’une série de catastrophes injustes[…] On ne parle que de souffrance, et qui plus est, d’innocents qui souffrent. Lire de fond en comble les nouvelles du jour de temps en temps est très intéressant. Ça m’a calmé parce que je me suis dit que je fais partie de la communauté des hommes, puisqu’ils souffrent tous et que moi aussi, je souffre. »

J’ai beaucoup pensé au Loup des steppes de Herman Hesse. Mais si le thème principal reste sensiblement le même, le traitement et l’approche sont complètement différents. Le loup des steppes est plus philosophique, Harry se met de lui-même à l’écart du monde parce qu’il n’en partage pas les valeurs, il le rejette délibérément. A l’inverse, dans Le premier amour, j’ai eu plus l’impression d’une solitude subie. J’ai senti Gaspard parfois très imbu de sa personne et j’attribuais sa solitude à ce trait de caractère, il ne trouve personne assez bien pour lui. Mais dix lignes après, il fait montre d’une telle compassion envers autrui que mes théories en sont réduites à néant.

Bref cette lecture m’a désorientée et m’a beaucoup touchée en même temps. Je suis ravie d’avoir découvert ce grand auteur de talent et je poursuivrai sans aucun doute ma découverte.


mercredi 23 mai 2012

L'historienne et Drakula - Elizabeth Kostova



4ème de couverture :

J’ai tout découvert un après-midi de 1972, en fouillant dans la bibliothèque de notre maison d’Amsterdam. Un livre ancien a attiré mon regard : toutes ses pages étaient blanches sauf une, comportant un dessin. Jamais je ne l’oublierai : un dragon entourant de ses griffes un seul mot, DRAKULA.
Enfin le mystérieux passé de mon père s’éclairait : la soudaine disparition de son directeur de thèse, ses propres recherches, ses voyages … pour cerner cette figure de l’Histoire, Vlad l’Empaleur.
J’ai su alors qu’à mon tour rien ne pourrait me détourner de cette quête. Même si, à l’ombre de Drakula, la vérité est sortie de la légende, plus terrifiante encore.

Mon avis :

Oui, encore une histoire avec Dracula, je fais ma crise, je suis mordue (mouah ah ah) mais ne rions pas trop vite car c’est à mon tour de sortir les crocs.
L’historienne et Drakula, quel programme ! Non mais comment j’ai pu m’attendre une seconde à quelque chose de sérieux ?
Oui donc voilà, je m’attendais à un beau roman érudit sur l’histoire de la légende de Dracula et sur l’histoire de celui qui inspira le personnage, le célèbre Vlad Tepes dit l'Empaleur. Au lieu de ça, j’ai eu un ersatz de Da Vinci Code à la sauce vampiresque.

Ce roman me laisse terriblement perplexe.
L’éditeur prétend que l’auteur a mené des recherches historiques sur le sujet pendant près de 10 ans. Mais vu qu’Elizabeth Kostova ne fait, dans son roman, que redonner corps à la célèbre légende de Dracula, sans tenir compte de la réalité historique, je me pose la question de ce qu’elle a vraiment voulu faire.
Elizabeth Kostova ne s’est apparemment pas bien renseignée sur notre très cher Vlad car elle appuie la légende faisant de lui un triste sire sanguinaire alors que des études sérieuses ont depuis longtemps mis à jour que ce pauvre Vlad n’a pas été plus sanguinaire qu’un autre à son époque et qu’il a été, malheureusement pour sa mémoire, victime de pamphlets calomniateurs visant tout simplement à ternir son image, ce qui a visiblement réussi.

Là où dans le Da Vinci Code on se baladait de musée en église, ici on se balade de bibliothèque en université puis salle d’archives et église à l’occasion. Alors oui, ça fait des recherches, ça compulse des livres, ça dépouille des cartes et des lettres. Sauf que voilà, il n’y a quasiment rien de vrai là-dedans. Les trois-quarts des références bibliographiques données sont fictives, certains lieux « historiques » sont également nés de l’imagination de l’auteur et on croise même le nom d’un moine cité à une certaine époque où en réalité il était mort et canonisé depuis belle lurette. Au début, je m’obstinais donc à vérifier tout ça et puis j’en ai eu assez, j’ai donc poursuivi ma lecture sans plus me soucier de différencier le vrai du faux. Oui parce qu’il y a quand même quelques détails historiques véridiques noyés dans le reste. A vous de décider si vous voulez aller à la pêche, moi j’ai rapidement rangé ma canne…

Ce roman est présenté en 2 tomes, le premier s’achevant bien sûr en plein moment crucial. Le récit est constitué de récits emboîtés les uns dans les autres façon poupées gigognes présentés sous forme de souvenirs et de lettres qui n’en sont pas vraiment. On suit donc deux histoires en parallèle qui sont appelées à se recouper probablement dans le tome 2. Et qu’est-ce que ça raconte ? Eh bien, ça raconte qu’un jeune historien part sur les traces de la tombe de Vlad l’Empaleur suite à la mystérieuse disparition de son directeur de thèse. Plus tard, ce même historien disparaît et c’est sa fille qui part ensuite sur ses traces. Et oh ! Surprise ! On croise des vampires ! Une fois que je vous ai dit ça, vous pouvez déjà attaquer le tome 2 car moi-même ayant lu le tome 1 je n’en sais finalement pas beaucoup plus que vous. Parce que oui, c’est long, très long. Je ne sais pas comment Elizabeth Kostova a réussi l’exploit de ne pas me faire lâcher le bouquin car, elle, justement, ne lâche pas grand chose. C’est peut-être ça qui m’a poussé à continuer d’ailleurs … Je voulais savoir s’il allait enfin se passer quelque chose. Mais après avoir lu des critiques au sujet du tome 2, je crois que ma chasse au Vlad Dracula s’arrêtera là.



dimanche 20 mai 2012

Cacao - Michèle Kahn



4ème de couverture :

Comment a été découvert le xocoatl, " boisson des dieux " chez les Aztèques ? L'envoûtant Cacao nous entraîne sur la route du chocolat : du Mexique à Bayonne, en passant par Saint-Domingue. Lune, au cœur brisé par la disparition en mer de son fiancé, tient les rênes des négoces de son grand-père David Alvarez, descendant de marranes réchappés de l'Inquisition espagnole. Mais un jour de 1761, les autorités de Bayonne défendent aux Juifs de tenir boutique et même de faire du chocolat. Piqués au vif, Lune et David décident de prouver à tous que leurs ancêtres ont été les premiers à apporter le secret du chocolat en Europe. C'est le début d'un voyage dans les méandres de l'Histoire de l'humanité et la généalogie des Alvarez, sur les traces des conquistadors espagnols, à travers les mers des Caraïbes et les souvenirs enfouis. L'exotisme et le mystère, alliés à une écriture vive, colorée, empreinte d'esprit et de fantaisie, enchantent l'imagination. Cacao, un récit aux attraits multiples, une fresque magistrale.

Mon avis :

Voilà un roman au titre et au résumé qui mettent l’eau à la bouche mais qui pourtant m’aura laissée un peu sur ma faim. Ce n’est pas que je n’ai pas aimé ma lecture, au contraire, mais j’ai eu un mal fou à entrer dans l’histoire et j’ai donc mis un temps fou avant de commencer à réellement apprécier ce que je lisais. Pourquoi ? Tout simplement parce que je m’attendais à autre chose.

Je m’attendais à une grande fresque familiale de cette famille juive qui aurait importé le
chocolat en Europe et tout particulièrement en France. Je pensais donc trouver un traitement linéaire de l’histoire c’est-à-dire racontée dans l’ordre chronologique , de la découverte du cacao au Mexique à l’importation en France. Or l’auteur a fait le choix d’un traitement différent. Michèle Kahn ancre essentiellement son récit à Bayonne au XVIIIème. Les éléments concernant l’histoire du chocolat n’apparaissent que sous forme de lettres, journaux intimes et souvenirs des personnages. Résultat : seules quelques pages traitent véritablement de ce qui m’intéressait à l’origine dans ce roman.
En fait, j’ai eu plus l’impression de lire un roman sur l’histoire de la communauté juive de Bayonne au XVIIIème siècle que sur l’histoire du chocolat. Et bien que ce soit très intéressant pour l’amatrice d’Histoire que je suis, ce n’est pas ce que je voulais lire. D’où ma déception.

Néanmoins, Michèle Kahn est tout de même parvenue, malgré ces difficultés, à me faire entrer dans son récit grâce à son incroyable talent pour retranscrire l’atmosphère et l’ambiance de l’époque. Elle décrit à merveille son décor, l’agitation des rues, la lumière, la température, les odeurs, les bruits, on s’y croit vraiment ! A tel point que je n’ai pu me retenir de faire une grimace de dégoût de temps à autre.
Ses personnages sont également bien dessinés. Sans passer des pages et des pages à nous décortiquer leur portrait psychologique, Michèle Kahn réussit par son style à les rendre très vivants, par exemple en retranscrivant les accents ou les tics de langage ou en détaillant leurs petites manies. On connaît particulièrement le personnage de Pompon à travers son journal. En effet, la narration alterne entre plusieurs points de vue, principalement celui de Lune, d’Adrien, de son grand-père et de Pompon.

C’est donc un récit très en relief que nous sert l’auteur de Cacao, richement documenté et grâce auquel on apprend beaucoup. Un glossaire, une bibliographie ainsi qu’une note de l’auteur retraçant en quelques lignes le parcours de création de son livre permettent au lecteur de prendre la mesure du travail effectué.
Grâce à ce roman, j’en sais plus sur comment le chocolat nous est parvenu et j’ai notamment appris qu’on devait son introduction en France aux Juifs d’Espagne ayant fui l’Inquisition. C’est donc grâce à ces familles de Portugais exilées ( ainsi appelait-on les Juifs d’Espagne) que Bayonne est devenue le premier centre français de production de chocolat, sa consommation étant par la suite popularisée par la reine Anne d’Autriche épouse de Louis XIII et infante d’Espagne qui était très friande de ce breuvage auquel on attribuait surtout des vertus thérapeutiques (on trouvait des pastilles de chocolat dans les pharmacies).

Donc voilà, un très bon roman historique bien écrit mais auquel j’ai trouvé qu’il manquait un certain souffle épique. J’aurais aimé suivre les aventures de cette famille du début jusqu’à la fin et non seulement par petites bribes. Cela m’a un peu gâché mon plaisir et c’est fort dommage. Je l’aurais sans doute plus apprécié si je n’avais pas eu ces attentes précises.

samedi 19 mai 2012

Dracula - Bram Stoker



4ème de couverture :

Jonathan Harker, jeune notaire, est envoyé en Transylvanie pour rencontrer un client, le comte Dracula, nouveau propriétaire d’un domaine à Londres. A son arrivée, il découvre un pays mystérieux et menaçant, dont les habitants se signent au nom de Dracula.
Malgré la bienveillance de son hôte, le jeune clerc ne peut qu’éprouver une angoisse grandissante. Très vite, il se rend à la terrifiante évidence : il est prisonnier d’un homme qui n’est pas un homme. Et qui partira bientôt hanter les nuits de Londres…


Mon avis :

Je connaissais Dracula de nom, je sais ce qu’est un vampire, je sais qu’ils ont les canines pointues, qu’ils n’aiment ni l’ail ni les crucifix, qu’ils n’ont pas de reflet dans le miroir, qu’ils dorment dans des cercueils etc… etc … La mode actuelle est aux vampires, on en mange à toutes les sauces. Sauf que bah voilà, je me suis rendue compte que malgré ça je ne connaissais pas du tout la véritable histoire de Dracula telle que Bram Stoker l’avait imaginée, celle qui a servi de source d’inspiration à nombre de producteurs et d’écrivains. Alors oui, l’histoire du jeune homme enfermé dans le château me disait bien quelque chose, je pensais même que toute l’histoire se passait dans ce fameux château. Eh bien non ! Pour ne pas trop en dire, je résumerais le tout à une chasse au vampire de l’Angleterre à la Transylvanie.

J’ai eu un peu peur lorsque j’ai ouvert le roman et que j’ai réalisé que j’avais à faire à un roman épistolaire. Ce genre n’est pas trop ma tasse de thé. Mais heureusement, Bram Stoker ne s’est pas contenté de lettres mais aussi d’extraits de journaux intimes, de coupures de presse et de quelques lettres. Finalement, le tout est bien construit, Stoker nous raconte une même histoire en alternant les points de vue des différents personnages, nous fait partager leurs réflexions, leurs doutes, leurs peurs.

En parlant des personnages, concernant le comte Dracula, on est très loin du cliché moderne du vampire hollywoodien romantique à la gueule d’ange qui fait tomber en pamoison toutes les minettes qu’il croise. Enfin un méchant qui a une gueule de méchant ! Ah oui parce que oui ! Dracula est un méchant et non pas un vampire super héros à la Twilight.
En revanche, j’aurais aimé que son personnage soit plus présent et plus développé, qu’on en apprenne plus sur lui, sur comment il est devenu vampire etc… Bon c’est vrai que le mystère autour de son personnage accentue les effets d’angoisse ( on a plus peur de ce qu’on ne connaît pas).
Concernant les autres personnages, je n’ai rien de spécial à dire à part que le docteur Van Helsing devient franchement saoulant à la longue avec ses discours philosophiques de 3 pages qui n’apportent pas grand chose à l’intrigue. D’où quelques longueurs même si j’ai apprécié la réflexion qu’il développe sur le fait que notre perception de la réalité basée uniquement sur nos sens ne peut être qu’une partie de la réalité, que nous ne pouvons expliquer rationnellement tous les phénomènes.

Je reste admirative néanmoins sur le travail qu’a du fournir Stoker pour l’écriture de ce roman. Car en effet, tout n’est pas sorti de son imagination, la figure du vampire et du mort-vivant est très ancienne, on la retrouve dans l’Antiquité et surtout au Moyen-Age et à l’époque moderne. Stoker s’est basé sur d’anciens témoignages et je pense notamment à l’étude d’un chirurgien militaire autrichien chargé d’enquêter en 1732 sur des cas de vampirisme en Serbie. Il examine 17 corps et constate que la plupart d’entre eux ne suivent pas le processus naturel de décomposition des corps et sont intacts malgré qu’ils aient été enterrés depuis déjà un certain temps. Notre médecine moderne sait à présent expliquer ce genre de phénomène mais à l’époque le fait était assez troublant pour encourager les croyances populaires.

Pour en revenir au roman, j’ai lu quelque part une analyse intéressante. Dracula serait une éloge de la modernité et des progrès scientifiques de l’époque. En effet, ce sont grâce aux nouveaux moyens scientifiques modernes que nos héros ont pu rattraper le comte. Par exemple, le développement des chemins de fer et du train a permis à nos personnages de voyager à travers l’Europe par voie terrestre et d’arriver bien avant le comte qui a choisi la voie maritime. Il faut avoir à l’esprit qu’avant la Révolution Industrielle, la voie terrestre était très peu utilisée : routes en mauvais état, moyens de transport restreints à l’usage des chevaux, dangerosité, nombreux péages, ce qui ralentissait considérablement le voyage. Ainsi le personnage de Dracula et sa région représenteraient l’ancien monde d’avant les progrès techniques alors que l’Angleterre et nos chasseurs de vampire symboliseraient le monde moderne. On n’oublie pas non plus qu’à cette époque, la Grande-Bretagne était la première  puissance mondiale. La victoire sur Dracula serait donc la victoire de la science sur l’inexplicable, l’étrange. Mais ça me paraît un peu en contradiction avec les réflexions du Dr Van Helsing …

J’ai trouvé le style de Bram Stoker très agréable dans le pur style du XIXème siècle, ses descriptions sont très belles et contribuent parfaitement à la création d’une atmosphère tendue et angoissante. Le seul reproche que j’aurais à formuler, c’est cette fin que j’ai trouvée un peu … abrupte, c’était un peu trop rapide à mon goût.
En conclusion, j’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture, la beauté du style, l’originalité de la construction et de l’intrigue. On comprend pourquoi Dracula a eu un tel succès à son époque et encore de nos jours. Comme quoi, il est vraiment immortel.


jeudi 17 mai 2012

Druide - Olivier Péru



4ème de couverture :

1123 après le Pacte.
Au nord vivent les hommes du froid et de l'acier, au sud errent les tribus nomades et au centre du monde règnent les druides. Leur immense forêt millénaire est un royaume d'ombres, d'arbres et de mystères. Nul ne le pénètre et tous le respectent au nom du Pacte Ancien. Les druides, seigneurs de la forêt, aident et conseillent les hommes avec sagesse mais un crime impensable bouleverse la loi de toutes les couronnes : dans la plus imprenable citadelle du Nord, quarante-neuf soldats ont été sauvagement assassinés sans que personne ne les entende seulement crier.
Certains voient là l'oeuvre monstrueuse d'un mal ancien, d'autres usent du drame comme d'un prétexte pour relancer le conflit qui oppose les deux principales familles régnantes. Un druide, Obrigan, et ses deux apprentis ont pour mission de retrouver les assassins avant qu'une nouvelle guerre n'éclate. Mais pour la première fois, Obrigan, l'un des plus réputés maître loup de la forêt, se sent impuissant face à l'énigme sanglante qu'il doit élucider… Chaque nouvel indice soulève des questions auxquelles même les druides n'ont pas de réponses.
Une seule chose lui apparaît certaine : la mort de ces quarante-neuf innocents est liée aux secrets les plus noirs de la forêt.


Mon avis :

Je n’avais jusqu’à maintenant jamais lu de romans classés Fantasy. Oh si bien sûr, j’ai bien tenté de lire Le seigneur des anneaux, deux fois même ! La première en anglais, j’ai vite renoncé, n’étant pas assez au point dans la maîtrise de la langue, la deuxième en français, j’ai vite renoncé aussi, découragée par la mauvaise qualité de la traduction. Du coup, je me suis contentée des films.
Et puis j’entends parler d’un auteur français ( cocorico !), ce qui laisse de côté le problème de la traduction, et d’un de ses romans qui fait fureur au sein des fans du genre Fantasy. Ni une ni deux, je me jette dessus et c’est comme ça que Druide atterrit entre mes mains.
C’est difficile de critiquer un livre d’un genre que l’on découvre, je ne peux le comparer à aucun autre, je ne peux pas savoir si tous les éléments propres au genre y sont ou pas. C’est donc un peu à l’aveuglette que je me lance dans cet exercice. Les puristes ne m’en voudront pas je l’espère.

Et donc ma première immersion dans le royaume magique de la Fantasy s’est révélée être une bonne expérience. J’ai adoré cette histoire de bout en bout, l’intrigue est extrêmement bien travaillée et maîtrisée. Je n’ai relevé aucune incohérence ( sauf peut-être que j’ai trouvé Obrigan sacrément fort de faire tout ce qu’il a fait avec des côtes cassées et les poumons perforés …). Mêler aventure et intrigue policière était vraiment une excellente idée, ça m’a tenu en haleine tout au long du roman pour finir en apothéose à la fin avec toutes les révélations et les scènes de bataille où on s’y croirait vraiment. C’est d’ailleurs dans ces révélations que réside, à mon avis, le point fort de ce roman. On sent que l’auteur a véritablement réfléchi à tout ça pour en faire quelque chose qui tienne vraiment la route. Donc de ce côté, je n’ai rien à dire, c’est juste parfait.

Les seules choses qui m’ont gênée : d’abord le manque de descriptions. Il y en a, certes, mais pas assez à mon goût. J’aurais aimé qu’Olivier Péru travaille un peu plus ce monde qu’il a imaginé, qu’il nous en fasse une peinture détaillée. Là j’ai eu l’impression de n’avoir que les grandes lignes, j’ai eu du mal à me créer mes décors. Ce que je veux dire, c’est que Olivier Péru a créé un monde très riche mais qu’il ne l’a pas exploité à fond. Alors oui, je sais, le fait que le récit tienne en un seul livre (et ne soit pas une saga) oblige à ce genre de sacrifice mais bon …ça m’a manqué quand même. J’aurais aimé voyager, me sentir totalement transportée dans un autre monde et ça, je n’ai pas pu malheureusement. Deuxième bémol : les personnages, que j’ai trouvés là aussi pas assez approfondis. Exceptés Obrigan, ses élèves et Jarekson, on en sait très peu sur la psychologie des personnages. C’est d’autant plus dommage que, par exemple, Jarekson est très intéressant, c’est un personnage qui avait un énorme potentiel de par son déchirement entre ses devoirs envers son peuple et sa conscience morale mais qui n’apparaît finalement qu’assez peu. Quant aux autres personnages, je pense surtout à Arkantia en écrivant cela, ils ne sont là que pour servir l’intrigue mais d’eux nous ne savons rien.

Bon voilà, là, je donne l’impression de ne pas avoir aimé alors que, malgré ces petites choses, c’est tout le contraire. En plus de ça, le style d’Olivier Péru est très agréable, j’ai vraiment été agréablement surprise par la qualité de l’écriture.
J’ai donc passé un très bon moment. Même si je ne pense pas devenir une inconditionnelle de la Fantasy après ça, je lirai assurément le prochain roman d’Olivier Péru (sauf s’il persiste à angliciser son nom, non mais oh ! C’est quoi ça ?!)

mercredi 16 mai 2012

Atala-René-Le dernier Abencerage - Chateaubriand



Ce recueil de Chateaubriand  comporte 3 nouvelles : Atala, René et Le dernier Abencerage. Et si ces trois nouvelles-là sont regroupées en un même livre, ce n’est pas un hasard mais tout simplement parce qu’elles illustrent toutes un même thème : celui de la victoire de la religion sur la passion.
Pourquoi ai-je voulu lire ce recueil ? Non pas à cause du thème en question (que j’ignorais alors), mais parce que j’en avais lu une critique élogieuse sur Partage Lecture, que je voulais lire au moins une fois Chateaubriand et surtout parce que je voulais connaître l’histoire d’Atala dont mon peintre préféré Girodet s’était inspiré pour sa magnifique toile intitulée Atala au tombeau.
A présent, je ne regarde plus ce tableau de la même façon, je comprends ce qui a fasciné Girodet dans cette œuvre littéraire et je vais tenter de vous l’expliquer à mon tour :

Atala :


René est un européen qui a fuit son continent d’origine pour se faire adopter par une tribu indienne du nouveau continent. Son père adoptif Chactas lui raconte sa jeunesse et en particulier l’épisode de sa vie qui l’a marqué le plus. C’est ainsi que Chactas nous raconte son histoire d’amour avec Atala, une jeune indienne, amour qu’il perdra dans des circonstances tragiques qui ne sont pas sans rappeler Roméo et Juliette.

Le récit est présenté sous la forme classique : prologue-récit-épilogue. Tout le récit est en fait la partie où Chactas raconte son histoire à René.
Les descriptions sont absolument magnifiques. On se retrouve dans un décor paradisiaque à la végétation luxuriante avec énormément de verdure, de couleurs, d’animaux.
Les voyages de Chateaubriand l’ont inspiré pour ce récit même s’il n’est jamais allé en Louisiane. Il transpose ce qu’il a vu ailleurs au cadre de son récit. En revanche, les descriptions des chutes du Niagara sont basées sur du vécu et sont véritablement superbes. La force et le réalisme de ces descriptions ont suscité l’engouement des lecteurs de Chateaubriand à l’époque. La nature est donc omniprésente et s’adapte aux sentiments des deux héros : Chactas et Atala, luxuriante et accueillante lorsqu’ils sont heureux au tout début puis hostile lorsqu’Atala se renferme sur elle-même à cause de son secret, jusqu’à la tempête où la nature se déchaîne en même temps que les passions des deux jeunes gens.

Cette nouvelle est en fait une apologie de la religion chrétienne ( les autres nouvelles aussi). L’histoire d’amour entre Chactas et Atala tourne au drame à cause de la religion mais cette dernière se révèle finalement salvatrice des tourments causés par l’amour et la mort : les deux amants de retrouveront dans leur vie éternelle.
Le discours du père Aubry pour réconforter Atala est absolument magnifique et plein de sens. Il condamne les passions humaines et la facilité des hommes à panser leurs blessures et à aller de l’avant, mourir est une loi de la vie, il ne faut pas regretter ce qu’on laisse ici-bas car là-haut, près de Dieu, la place y est bien meilleure. Seul l’amour de Dieu est constant et sans faille contrairement aux amours terrestres.
Chateaubriand utilise à plusieurs reprises le terme « désert » pour qualifier son décor d’Amérique en référence peut-être au désert de l’ermite, le père Aubry est en effet un ermite qui vit dans sa grotte, médite sur sa montagne. Mais peut-être aussi parce que c’est sur cette terre d’Amérique qu’on atteint à la sagesse.
Avec ces paroles sages transmises par le père Aubry, la tempête qui déchaînait la nature se calme peu à peu.
Le texte est magnifique, la dimension spirituelle très forte touche forcément celui qui est croyant. Celui qui ne l’est pas ne peut rester indifférent aux idées philosophiques avancées dans ce récit.
Lors de l’épilogue, le narrateur cherche à retrouver Chactas, René et le père Aubry.
C’est de cette façon qu’est introduite la deuxième nouvelle du recueil.


René :


On revient à l’histoire de René, adopté par Chactas. Le récit nous apprend comment René est arrivé aux Amériques et pourquoi il a choisi de vivre avec les indiens.
René raconte son récit à Chactas et au père Saouël, missionnaire en charge de la tribu.
René nous raconte sa lutte contre la solitude, il aurait voulu des amis ou trouver l’amour, une compagne pour remplir le vide de son existence. Ce qui donne lieu à des considérations sur l’éphémérité et l’inconstance de l’amitié. Mais René est tellement déçu par la nature humaine qu’il se renferme sur lui-même et provoque sa propre solitude qui le fait tant souffrir.
Son projet de suicide provoque le retour de sa sœur Amélie mais elle se retire dans un monastère : « Si je m’arrache à vous dans le temps, c’est pour n’être pas séparée de vous dans l’éternité »
On retrouve, mais sous une autre forme, le même thème que dans Atala : la religion sépare deux êtres qui s’aiment. On apprend ensuite le secret d’Amélie : elle était apparemment éprise de son frère d’où sa décision d’entrer en religion, pour se repentir d’un sentiment coupable.
Tout comme la grotte du père Aubry dans Atala, le couvent d’Amélie représente la demeure de la religion et de Dieu et donc des abris contre la tempête soit contre les passions du monde.
Une fois que René a terminé son récit, le père Saouël fait son discours où il pointe le mauvais comportement de René et nous dispense sa morale : ne pas se laisser tourmenter par la laideur du monde, de pas rejeter les autres parce qu’ on se sent plus éveillé qu’eux, il faut se contenter de sa petite vie. On retrouve en effet la morale propre à Voltaire dans Candide : « Il faut cultiver notre jardin ».
J’ai été énormément touchée par ce récit. Je me suis beaucoup retrouvée dans René et dans sa vision de voir le monde qui l’entoure. Le discours du père Saouël a été pour moi une grosse claque car il ne fait pas dans les sentiments, le discours est très fort voire violent. Toujours est-il qu’il m’a beaucoup marquée.


Le dernier Abencerage :


On quitte l’Amérique et nos personnages des deux précédents récits pour se plonger au cœur de l’Espagne. On retrouve à nouveau le thème commun aux trois récits : l’amour impossible, la lutte de l’amour terrestre contre la religion.
Cette fois, nous avons Blanca une jeune noble chrétienne descendante de la famille du Cid qui aime Aben-Hamet musulman descendant d’une grande famille musulmane (les Abencerage) ayant combattu les chrétiens lors de la Reconquista et qui fut chassée de Grenade.
Ce récit est très chevaleresque : retour au Moyen-Age propre au romantisme avec le duel, l’adoubement etc… On sent aussi l’influence des classiques avec Le Cid.
J’ai trouvé cette histoire vraiment très triste. Encore une fois, la religion sépare deux amoureux qui chacun refuse d’abjurer sa foi et d’embrasser celle de l’autre. Ici, pas de discours d’un quelconque homme de religion pour apaiser et adoucir les tourments des deux tourtereaux. Il n’y a pas non plus d’espoir, comme dans Atala et René, de possibles retrouvailles dans la vie éternelle. Je crois que c’est pour cette raison que ce récit m’a laissée beaucoup plus mélancolique que les autres.


Pour conclure, j’ai adoré ce recueil de trois nouvelles qui m’a énormément touchée par sa beauté et sa morale. Le style de Chateaubriand est très agréable. J’avais très peur que cela ressemble à Voltaire et son Candide que j’avais trouvé affreusement « nunuche » mais non. J’ai donc été agréablement surprise.
Je remercie Findus de Partage Lecture pour m’avoir encouragée à lire cette très belle œuvre.

Atala au tombeau ou Les funérailles d'Atala - Girodet (1808)


vendredi 11 mai 2012

Pétrole ! - Upton Sinclair



4ème de couverture :

Comme Géant, le livre d’Edna Ferber qui fut adapté au cinéma, le récit d’Upton Sinclair se veut le roman du pétrole, volontiers scélérat.
On ne manquera pas d’être frappé par la toute-puissance de J. Arnold Ross, ce magnat de la génération fondatrice de l’industrie pétrolière américaine, et par la soumission parfaite de son fils Bunny. Pourtant, le jeune homme va s’affranchir de cette tutelle écrasante et finir par tracer son propre sillon.
Une fresque ambitieuse sur la naissance de l’Amérique industrielle.

Mon avis :    

Upton Sinclair m’avait déjà impressionnée avec son autre roman La Jungle dans lequel il dénonce les conditions de travail effroyables des ouvriers de l’industrie agro-alimentaire américaine du début du XXème siècle. Basé sur du vécu ( Upton Sinclair était journaliste d’investigation et n’a pas hésité à endosser lui-même le rôle d’ouvrier avant d’écrire son roman), le roman a fait un tel scandale à sa sortie que les autorités n’ont pas eu d’autre choix que de légiférer afin d’améliorer le quotidien des travailleurs.
Cette fois-ci, c’est au secteur du pétrole que Sinclair s’attaque. Et je peux vous dire qu’après ça, cet auteur entre définitivement au panthéon des auteurs que j’admire le plus.

Pétrole ! est un roman d’apprentissage, celui de Bunny fils et héritier de Jim Arnold Ross grand magnat du pétrole. Le père emmène le fiston partout avec lui pour lui transmettre son savoir et ses connaissances du métier. Bunny apprend toutes les « combines » et petit à petit développe un certain esprit critique qui l’amène à juger certaines des dites « combines » pas très honnêtes.
La rencontre de Bunny avec Paul va accélérer sa prise de distance avec son père. Jeune garçon rebelle à l’autorité paternelle, Paul amènera Bunny à réfléchir à la condition des ouvriers et à sympathiser avec les idées communistes.
Tiraillé entre son affection pour son père et son admiration pour Paul, Bunny se cherche entre deux mondes qui s’oppose : celui que l’on appelle « le monde » d’où est issu Bunny et qui regroupe toutes les grandes fortunes et celui des travailleurs.
Bien qu’il ait parfois des jugements assez tranchés et désagréables vis-à-vis de « la masse », le père de Bunny se révèle finalement être un patron soucieux de ses employés et qui n’hésite pas, lorsqu’il le peut, à céder aux désirs de son fils qui tente de l’infléchir dans sa direction.
Ce tiraillement entre les deux milieux transparaît également à travers la vie amoureuse de Bunny. Doit-il choisir celle qui partage son rang ou celle qui partage ses idées ?
Seulement voilà, lorsqu’on dirige une entreprise pétrolière, on ne peut pas faire tout ce qu’on veut.

Et Pétrole ! devient alors aussi un roman d’apprentissage pour le lecteur.
Nous sommes dans les années 1920 et l’industrie pétrolière en est à ses tout débuts. Le roman nous apprend dans les moindres détails comment cette industrie s’est développée. A travers la figure du père de Bunny, self-made man symbolique de la réussite à l’américaine, on voit comment un simple muletier finit par arriver à la tête d’un empire pétrolier.
Sinclair ne laisse rien de côté, des détails techniques ( comment forer un puits) à la gestion, vous saurez tout sur le fonctionnement d’une entreprise pétrolière. Rassurez-vous, les détails techniques sont très rares, pas très faciles à comprendre sans internet mais on peut facilement sauter le passage pour ceux que ça n’intéresserait pas.
Le plus intéressant et c’est ce que dénonce Sinclair, ce sont les fameuses petites « combines » : propriétaires de terrains escroqués, corruption de simples fonctionnaires d’abord puis carrément achat des candidats aux présidentielles, achat des médias, des banques, les grands du pétrole ne reculent devant aucun moyen pour parvenir à leurs fins.
On assiste aussi à la guerre entre les gros exploitants et les plus petits. La rapacité des premiers est telle qu’ils font tout pour couler les petits : on les force à adhérer à un syndicat qui leur impose une certaine réglementation. Celui qui voudrait, pour éviter la grève de ses employés, modifier la dite réglementation, se verrait automatiquement fermer les vannes par les banques (à la solde des « gros »).
Le contexte du roman, première guerre mondiale et années 1920, est important à prendre en considération. La première guerre a permis l’appropriation des ressources pétrolières par les vainqueurs, elle a surtout permis aux exploitants américains de s’implanter en dehors du territoire national.
Cette période de l’Histoire, c’est aussi les révolutions russes et l’éveil de la doctrine communiste. Sinclair dépeint alors les exactions dont étaient victimes les sympathisants bolcheviques aux Etats-Unis : une véritable chasse aux sorcières (le maccarthysme avant l’heure) dont Bunny et surtout Paul feront les frais.
Alors oui, Sinclair ne mâche pas ses mots parfois et le capitalisme dans tout ce qu’il comprend en prend pour son grade. On pourrait accuser et regarder d’un mauvais œil la sympathie évidente de Sinclair pour le communisme qui transparaît à travers ce roman mais il ne faut pas oublier que Pétrole ! a été écrit en 1926 et que le communisme en Russie n’avait pas encore connu les dérives du stalinisme.
Il faut voir Pétrole ! avant tout comme le roman qui dénonce les conditions de travail difficiles qu’étaient celles des ouvriers du début du XXème siècle.

Alors voilà, j’ai évidemment adoré ce roman coup de poing. Je n’ai pas senti les 980 pages. Les personnages sont extrêmement bien campés et très attachants, surtout Bunny et son père torturés tous deux entre devoir et conscience. J’ai parfois détesté Bunny, sans cesse en train de réclamer de l’argent à son père pour sortir ses camarades de prison. Je l’ai trouvé un peu gonflé mais bon … lui-même était gêné de cette situation. Pour les autres personnages, on a la sœur de Bunny, détestable à souhait, la petite fille de riche par excellence qui ne pense qu’à l’argent, Vernon Roscoe, associé de J. Arnold Ross, figure même du grand patron sans scrupules, Paul l’idéaliste prêt à sacrifier sa vie pour ses idées, Viola l’actrice qui charmera Bunny, Rachel la militante etc…
Un roman riche, très vivant, au style simple et parfois ironique, qui est, par sa portée,  probablement au pétrole ce que Germinal est à la mine. Romans classiques très célèbres aux Etats-Unis, Pétrole ! et La Jungle restent méconnus en France et c’est vraiment dommage ! Il ne tient plus qu’à vous d’y remédier.

dimanche 6 mai 2012

L'Idiot - Fédor Dostoïevski



J’étais au lycée quand j’ai lu pour la première fois un roman de Dostoïevski malgré les avertissements de mes parents sur la « complexité » de cet auteur.
Je me souviens avoir lu une version écourtée des Frères Karamasov dont je n’ai gardée aucun souvenir. En revanche, je me rappelle fort bien mes difficultés lors de ma tentative de lecture de Crime et châtiment. Je dis « tentative » car, bien sûr, je ne l’ai jamais achevée. La cause de cet abandon en revient à la quantité de personnages et surtout au fait que l’auteur utilise plusieurs noms différents pour un même personnage. Malgré la petite fiche que je m’étais confectionnée pour venir en aide à ma mémoire, j’en ai rapidement eu assez et j’ai interrompu cette lecture que je n’ai, jusqu’à maintenant, encore jamais reprise.
Et puis, récemment, sur l’insistance de ma moitié, j’ai pris la décision de renouer avec Dostoïevski. J’ai longtemps hésité quant au roman que je choisirai pour aborder de nouveau ce grand auteur. Mon choix s’est finalement porté sur L’Idiot suite aux conseils d’amies blogueuses et de critiques lues sur le net.

L’Idiot raconte les mésaventures du prince Michkine pas si idiot que ça. Le prince souffre d’épilepsie (tout comme l’auteur), maladie qui l’a longtemps handicapé dans sa jeunesse le privant d’une vie et d’une éducation normale. Elevé par un professeur philanthrope en Suisse, il revient dans son pays d’origine, la Russie, après le décès de son bienfaiteur, en vue d’y retrouver une lointaine parente et d’obtenir un héritage auquel il a droit.
Le prince fait alors son entrée dans la société. Intelligent, plein de bonté mais naïf, il fait les frais des bassesses de son entourage.

Le récit se découpe en 4 parties, chacune découpée en plusieurs chapitres. Chaque partie est relative à une période bien précise de l’intrigue.
Après une première partie très rythmée, pleine d’action et de rebondissements où Dostoïevski ne laisse pas de répit à son lecteur, l’enthousiasme retombe comme un soufflé dès la deuxième partie. Il faut attendre la toute fin du roman pour retrouver enfin le rythme du début. Autrement dit, plus de la moitié du roman a été pour moi assez fastidieuse.
Pourquoi ? Parce que, comme je l’ai dit, il ne s’y passe plus grand chose. L’intrigue traîne en longueur. On a le droit à de longues tirades et de longs dialogues parfois sans grand intérêt. Certains personnages, que j’ai pu trouver amusants au début, ont fini par me taper sur les nerfs. Je n’ai pas compris certaines des réactions des personnages, j’ai parfois eu l’impression qu’ils étaient tous complètement fous. Dostoïevski profite aussi de ces parties pour y exposer ses idées auxquelles, je le reconnais, je n’ai pas compris grand chose. Il s’attaque tour à tour aux libéraux, aux athées, au catholicisme et se livre à une critique de la société russe de son temps. Mes connaissances en histoire sociale de la Russie avant les révolutions de 1917 étant totalement nulles, je n’ai évidemment pas pu saisir toute la portée des critiques de l’auteur. A travers le personnage d’Hippolyte condamné par la maladie, de belles pages traitent de la condamnation à mort et de ce que peut ressentir un condamné dans les moments précédents son exécution. J’ai appris après ma lecture que Dostoïevski savait d’autant plus de quoi il parlait qu’il avait lui-même été condamné à mort et gracié juste avant que les soldats ne tirent.

Néanmoins, j’ai quand même perçu que le prince Michkine faisait figure de Christ prêchant toujours la bonne parole, réagissant toujours avec bonté, pardonnant tous les excès et toutes les vilenies qu’on a pu lui faire subir. Je craignais que cela finisse par m’exaspérer mais il n’en fut rien, au contraire, Michkine est très attachant et même s’il m’est arrivé de pester contre sa crédulité, je ne pouvais qu’admirer son immense propension au pardon et à l’amour de son prochain.

L’Idiot c’est aussi l’histoire d’un triangle amoureux. Michkine et Rogojine aiment tous deux la même femme : Nastassia Philippovna.
Là où Michkine représente la douceur et la tendresse, Rogojine incarne, lui, la passion et l’amour destructeur. Nastassia hésite entre ces deux conceptions de l’amour qui répondent l’une comme l’autre aux deux facettes antagonistes de sa propre personnalité.

J’ai finalement un ressenti assez sombre sur la plupart des personnages. Très peu m’ont paru sympathique en dehors du général et de son épouse (malgré qu’elle soit assez lunatique) et de Kolia. Tous les autres m’ont vraiment donné une impression négative. Est-ce pour mieux mettre en lumière les qualités du prince ? La bonté du Christ face à la bassesse humaine ?

Dostoïevski, ce sont aussi et surtout des dialogues et des introspections, les descriptions sont quasi inexistantes. Ne vous attendez donc pas à un classique façon Zola avec de longues descriptions poétiques.
Dans l’ensemble, j’ai trouvé ma lecture trop longue. J’ai aimé la force et la noirceur des portraits psychologiques des personnages de Dostoïevski mais, malgré un début trépident et une fin magistrale, il m’a manqué du rythme et de la fougue. Peut-être est-ce du à la traduction. En effet, j’ai lu L’idiot chez Folio. Or, la majorité des lecteurs de Dostoïevski s’accordent pour dire que la traduction de Markowicz aux Editions Actes Sud (collection Babel) est de loin la meilleure car elle est bien plus fidèle à l’âme et au style de l’auteur.
Peut-être me faudra-t-il une relecture dans cette collection pour mieux apprécier toute la puissance de cette œuvre.