mercredi 16 mai 2012

Atala-René-Le dernier Abencerage - Chateaubriand



Ce recueil de Chateaubriand  comporte 3 nouvelles : Atala, René et Le dernier Abencerage. Et si ces trois nouvelles-là sont regroupées en un même livre, ce n’est pas un hasard mais tout simplement parce qu’elles illustrent toutes un même thème : celui de la victoire de la religion sur la passion.
Pourquoi ai-je voulu lire ce recueil ? Non pas à cause du thème en question (que j’ignorais alors), mais parce que j’en avais lu une critique élogieuse sur Partage Lecture, que je voulais lire au moins une fois Chateaubriand et surtout parce que je voulais connaître l’histoire d’Atala dont mon peintre préféré Girodet s’était inspiré pour sa magnifique toile intitulée Atala au tombeau.
A présent, je ne regarde plus ce tableau de la même façon, je comprends ce qui a fasciné Girodet dans cette œuvre littéraire et je vais tenter de vous l’expliquer à mon tour :

Atala :


René est un européen qui a fuit son continent d’origine pour se faire adopter par une tribu indienne du nouveau continent. Son père adoptif Chactas lui raconte sa jeunesse et en particulier l’épisode de sa vie qui l’a marqué le plus. C’est ainsi que Chactas nous raconte son histoire d’amour avec Atala, une jeune indienne, amour qu’il perdra dans des circonstances tragiques qui ne sont pas sans rappeler Roméo et Juliette.

Le récit est présenté sous la forme classique : prologue-récit-épilogue. Tout le récit est en fait la partie où Chactas raconte son histoire à René.
Les descriptions sont absolument magnifiques. On se retrouve dans un décor paradisiaque à la végétation luxuriante avec énormément de verdure, de couleurs, d’animaux.
Les voyages de Chateaubriand l’ont inspiré pour ce récit même s’il n’est jamais allé en Louisiane. Il transpose ce qu’il a vu ailleurs au cadre de son récit. En revanche, les descriptions des chutes du Niagara sont basées sur du vécu et sont véritablement superbes. La force et le réalisme de ces descriptions ont suscité l’engouement des lecteurs de Chateaubriand à l’époque. La nature est donc omniprésente et s’adapte aux sentiments des deux héros : Chactas et Atala, luxuriante et accueillante lorsqu’ils sont heureux au tout début puis hostile lorsqu’Atala se renferme sur elle-même à cause de son secret, jusqu’à la tempête où la nature se déchaîne en même temps que les passions des deux jeunes gens.

Cette nouvelle est en fait une apologie de la religion chrétienne ( les autres nouvelles aussi). L’histoire d’amour entre Chactas et Atala tourne au drame à cause de la religion mais cette dernière se révèle finalement salvatrice des tourments causés par l’amour et la mort : les deux amants de retrouveront dans leur vie éternelle.
Le discours du père Aubry pour réconforter Atala est absolument magnifique et plein de sens. Il condamne les passions humaines et la facilité des hommes à panser leurs blessures et à aller de l’avant, mourir est une loi de la vie, il ne faut pas regretter ce qu’on laisse ici-bas car là-haut, près de Dieu, la place y est bien meilleure. Seul l’amour de Dieu est constant et sans faille contrairement aux amours terrestres.
Chateaubriand utilise à plusieurs reprises le terme « désert » pour qualifier son décor d’Amérique en référence peut-être au désert de l’ermite, le père Aubry est en effet un ermite qui vit dans sa grotte, médite sur sa montagne. Mais peut-être aussi parce que c’est sur cette terre d’Amérique qu’on atteint à la sagesse.
Avec ces paroles sages transmises par le père Aubry, la tempête qui déchaînait la nature se calme peu à peu.
Le texte est magnifique, la dimension spirituelle très forte touche forcément celui qui est croyant. Celui qui ne l’est pas ne peut rester indifférent aux idées philosophiques avancées dans ce récit.
Lors de l’épilogue, le narrateur cherche à retrouver Chactas, René et le père Aubry.
C’est de cette façon qu’est introduite la deuxième nouvelle du recueil.


René :


On revient à l’histoire de René, adopté par Chactas. Le récit nous apprend comment René est arrivé aux Amériques et pourquoi il a choisi de vivre avec les indiens.
René raconte son récit à Chactas et au père Saouël, missionnaire en charge de la tribu.
René nous raconte sa lutte contre la solitude, il aurait voulu des amis ou trouver l’amour, une compagne pour remplir le vide de son existence. Ce qui donne lieu à des considérations sur l’éphémérité et l’inconstance de l’amitié. Mais René est tellement déçu par la nature humaine qu’il se renferme sur lui-même et provoque sa propre solitude qui le fait tant souffrir.
Son projet de suicide provoque le retour de sa sœur Amélie mais elle se retire dans un monastère : « Si je m’arrache à vous dans le temps, c’est pour n’être pas séparée de vous dans l’éternité »
On retrouve, mais sous une autre forme, le même thème que dans Atala : la religion sépare deux êtres qui s’aiment. On apprend ensuite le secret d’Amélie : elle était apparemment éprise de son frère d’où sa décision d’entrer en religion, pour se repentir d’un sentiment coupable.
Tout comme la grotte du père Aubry dans Atala, le couvent d’Amélie représente la demeure de la religion et de Dieu et donc des abris contre la tempête soit contre les passions du monde.
Une fois que René a terminé son récit, le père Saouël fait son discours où il pointe le mauvais comportement de René et nous dispense sa morale : ne pas se laisser tourmenter par la laideur du monde, de pas rejeter les autres parce qu’ on se sent plus éveillé qu’eux, il faut se contenter de sa petite vie. On retrouve en effet la morale propre à Voltaire dans Candide : « Il faut cultiver notre jardin ».
J’ai été énormément touchée par ce récit. Je me suis beaucoup retrouvée dans René et dans sa vision de voir le monde qui l’entoure. Le discours du père Saouël a été pour moi une grosse claque car il ne fait pas dans les sentiments, le discours est très fort voire violent. Toujours est-il qu’il m’a beaucoup marquée.


Le dernier Abencerage :


On quitte l’Amérique et nos personnages des deux précédents récits pour se plonger au cœur de l’Espagne. On retrouve à nouveau le thème commun aux trois récits : l’amour impossible, la lutte de l’amour terrestre contre la religion.
Cette fois, nous avons Blanca une jeune noble chrétienne descendante de la famille du Cid qui aime Aben-Hamet musulman descendant d’une grande famille musulmane (les Abencerage) ayant combattu les chrétiens lors de la Reconquista et qui fut chassée de Grenade.
Ce récit est très chevaleresque : retour au Moyen-Age propre au romantisme avec le duel, l’adoubement etc… On sent aussi l’influence des classiques avec Le Cid.
J’ai trouvé cette histoire vraiment très triste. Encore une fois, la religion sépare deux amoureux qui chacun refuse d’abjurer sa foi et d’embrasser celle de l’autre. Ici, pas de discours d’un quelconque homme de religion pour apaiser et adoucir les tourments des deux tourtereaux. Il n’y a pas non plus d’espoir, comme dans Atala et René, de possibles retrouvailles dans la vie éternelle. Je crois que c’est pour cette raison que ce récit m’a laissée beaucoup plus mélancolique que les autres.


Pour conclure, j’ai adoré ce recueil de trois nouvelles qui m’a énormément touchée par sa beauté et sa morale. Le style de Chateaubriand est très agréable. J’avais très peur que cela ressemble à Voltaire et son Candide que j’avais trouvé affreusement « nunuche » mais non. J’ai donc été agréablement surprise.
Je remercie Findus de Partage Lecture pour m’avoir encouragée à lire cette très belle œuvre.

Atala au tombeau ou Les funérailles d'Atala - Girodet (1808)


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