vendredi 31 août 2012

L'Oeuvre au Noir - Marguerite Yourcenar



4ème de couverture :

En créant le personnage de Zénon, alchimiste et médecin du XVIe siècle, Marguerite Yourcenar, l'auteur de Mémoires d'Hadrien, ne raconte pas seulement le destin tragique d'un homme extraordinaire.
C'est toute une époque qui revit dans son infinie richesse, comme aussi dans son âcre et brutale réalité ; un monde contrasté où s'affrontent le Moyen Âge et la Renaissance, et où pointent déjà les temps modernes, monde dont Zénon est issu, mais dont peu à peu cet homme libre se dégage, et qui pour cette raison finira par le broyer.

Mon avis :

Je crois bien ne m’être jamais sentie aussi mal à l’aise pour écrire un avis. Non pas que le roman ne m’ait pas plu, bien au contraire, mais simplement parce qu’il est d’un tel niveau que je ne me sens pas du tout à la hauteur de l’exercice.
Je vais toutefois faire de mon mieux.

Pour commencer, si vous avez l’intention de lire ce roman et que vos connaissances historiques sont faibles, il va vous falloir réviser. Je pense très sincèrement qu’il est indispensable de bien connaître le cadre historique dans lequel évolue Zénon pour comprendre cette œuvre un minimum. Le récit se déroule au XVI ème siècle en pleine période de la Réforme, l’Europe connaît l’explosion de plusieurs formes nouvelles d’interprétation des Ecritures, les critiques violentes envers l’Eglise catholique, les mœurs scandaleuses de son Clergé, aboutissent à des contestations et à l’émergence du protestantisme, du calvinisme et d’autres doctrines. Théologiens, philosophes participent activement à un débat d’idées dont la diffusion au sein des masses populaires est facilité par le perfectionnement des techniques d’imprimerie. L’Eglise catholique sent le danger et prend des mesures : concile de Trente, censure, Inquisition, parlements, et tribunaux dits « d’exception » engagent la Contre-Réforme et font la chasse aux « dissidences ».
Marguerite Yourcenar place principalement son histoire aux Provinces-Unies ( une partie du Nord de la France actuelle, Belgique et Pays-Bas). Si les noms de Charles Quint, Duc d’Albe, Gueux de mer, des comtes d’Egmont et Hornes ne vous disent rien, vous risquez d’être rapidement perdu.
Je suis très contente d’avoir eu la question des guerres de religion à étudier pour le capes il y a quelques années. Sans ces connaissances, tout me serait resté affreusement obscur. Je pense en particulier à l’épisode de Münster que Marguerite Yourcenar fait revivre par sa plume bien que nos sources historiques ne nous permettent pas de savoir dans le détail ce qu’il s’est passé.

C’est donc un cadre historique très précis et très complexe qui accueille le personnage principal Zénon. Zénon est un esprit libre de l’époque s’intéressant et touchant à de nombreux domaines comme la médecine, les sciences techniques, l’astronomie, l’alchimie etc… Il concentre en lui nombre des traits de personnages ayant réellement existé et dont Yourcenar s’est inspirée : Erasme, Ambroise Paré, Léonard de Vinci, Paracelse… Marguerite Yourcenar s’amuse parfois à faire de Zénon un visionnaire  rêvant à des progrès techniques qui permettraient à l’homme d’évoluer dans les airs et sous la mer et, à l’instar de ceux qui l’ont inspirée pour la création de son personnage, elle lui attribue des idées très modernes.
On retrouve donc en Zénon un peu de tous ces esprits éclairés qui ont marqué l’époque moderne.

L’œuvre au Noir se découpe en 3 parties. La première s’attache à relater l’histoire de la famille de Zénon, on apprend aussi certaines choses sur Zénon lui-même mais uniquement par ouï-dire, on l’aurait vu à tel ou tel endroit. Sa réputation est déjà faite, on le soupçonne de nourrir des idées subversives et de sympathiser avec l’ennemi « mahométan ». Zénon voyage beaucoup et cette première partie est liée à cette époque de sa vie : l’errance au cours de laquelle il se forge son esprit et acquiert de solides connaissances. Il côtoie les plus grands en tant que conseiller ou précepteur.
Puis Zénon décide de se fixer. Il rentre à Bruges, sa ville d’origine. Ayant publié des écrits contrevenant à l’ordre établi, Zénon est recherché et doit donc utiliser une personnalité d’emprunt. Il se réinvente une vie et décide de consacrer son temps à soigner les malades et les plus pauvres au sein d’un établissement ecclésiastique. Des événements feront que Zénon sera démasqué.
La troisième partie est alors consacrée à son procès et son séjour en prison.

Tout au long du roman, Marguerite Yourcenar analyse les mentalités de l’époque à travers l’esprit critique de Zénon. Elle le fait rencontrer des personnages tantôt tolérants, tantôt obtus. S’ensuivent alors de savoureux dialogues. Savoureux par le style, par le sens, bien qu’il ne soit pas toujours évident d’en saisir toutes les subtilités. Le texte est truffé de références bien précises et certainement pas anodines, références à la mythologie, à la Bible, à des écrits des penseurs de l’époque. Lorsque comme moi, on a une culture assez pauvre dans ces trois domaines, c’est assez frustrant …mais pas gênant. Pas gênant parce que, sur le coup, on ne s’en aperçoit pas. Mais c’est une fois ma lecture achevée et ayant effectué quelques recherches que je suis tombée sur un document précisant toutes ces références et que je me suis alors rendue compte de tout ce qui m’avait échappé. C’est pourquoi je pense qu’une relecture s’impose. De plus, de nombreux thèmes sont abordés, tolérance, liberté d’expression et de culte, homosexualité, torture, l’innovation scientifique et ses conséquences, le pouvoir, l’inégale répartition des richesses... Et on se rend compte que les questionnements de l’époque ne sont pas si éloignés des nôtres. Ce qui en fait un texte étonnamment contemporain par certaines des problématiques soulevées.

Un dernier mot concernant le titre :
L’œuvre au noir est la première étape du processus alchimique censé aboutir au Grand Œuvre c’est-à-dire à la pierre philosophale apportant immortalité et permettant de transformer les métaux en or. Ce processus compte 4 étapes : l’œuvre au noir, l’œuvre au blanc, l’œuvre au jaune et enfin l’œuvre au rouge.
L’étape de l’œuvre au noir « désigne dans les traités alchimiques la phase de séparation et de dissolution de la substance qui était, dit-on, la part la plus difficile du Grand Œuvre. On discute encore si cette expression s'appliquait à d'audacieuses expériences sur la matière elle-même ou s'entendait symboliquement des épreuves de l'esprit se libérant des routines et des préjugés. Sans doute a-t-elle signifié tour à tour ou à la fois l'un et l'autre. » (tiré des notes de l’auteur)
Tout le roman illustre parfaitement, à travers Zénon, l’acception symbolique de la définition de l’œuvre au noir donnée par Marguerite Yourcenar.

L’œuvre au Noir est donc une lecture très exigeante et qui nécessite un solide bagage culturel. C’est une œuvre très riche, magnifiquement écrite, qui décrit parfaitement toute une époque et ses mentalités et qui m’aura donné du fil à retordre pour écrire cette chronique. Néanmoins, ça en valait la peine tellement cette œuvre m’a éblouie par ses qualités littéraires et son érudition.


mercredi 29 août 2012

Les Chutes - Joyce Carol Oates



4ème de couverture :

Au matin de sa nuit de noces, Ariah Littrell découvre que son époux s’est jeté dans les chutes du Niagara. Durant sept jours et sept nuits, elle erre au bord du gouffre, à la recherche de son destin brisé. Celle que l’on surnomme désormais « la Veuve blanche des Chutes » attire pourtant l’attention d’un brillant avocat. Une passion aussi improbable qu’absolue les entraîne, mais la malédiction rôde…

Mon avis :

C’était ma première rencontre avec Joyce Carol Oates et je suis sortie de ma lecture complètement charmée par son écriture.
Pourtant je partais avec de gros aprioris. J’ai toujours tendance à me méfier des auteurs prolifiques.
Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre, je craignais un peu le roman à l’eau de rose au vu de la 4ème de couverture mais pas du tout. J’ai été agréablement surprise et surtout conquise !

Les Chutes m’ont complètement transportée à une autre époque et dans un autre lieu. Pendant les deux jours qui m’ont été nécessaires pour le lire, j’étais là-bas à NiagaraFalls et j’ai vécu ces trois décennies avec Ariah et sa famille.
Les descriptions de Joyce Carol Oates sont si minutieuses, si détaillées qu’on est totalement happé et qu’on plonge sans retenue dans les Chutes.
Non seulement le décor et l’atmosphère sont brillamment travaillés mais également les personnages. J’ai rarement lu un roman qui approfondisse aussi bien la psychologie des protagonistes. J’avais presque l’impression de les avoir toujours connus, de faire partie de la famille.
Joyce Carol Oates nous fait entrer dans la tête de ses personnages, nous révèle toutes leurs pensées, leurs craintes, la fusion est parfois totale. L’auteur varie les points de vue, change de narrateur, on passe de la troisième à la première personne. On a vraiment la sensation de tout savoir, de pénétrer totalement leurs esprits.

Le personnage central du roman Ariah m’a, au début, beaucoup touchée. Le récit de la nuit de noces est absolument poignant. Joyce Carol Oates nous décrit cette nuit du point de vue d’Ariah puis de son mari. C’est dur, très dur, l’auteur ne nous épargne rien.
Par la suite, on apprend à la connaître de mieux en mieux et j’ai fini par la trouver franchement antipathique. J’ai souvent eu du mal à comprendre certaines de ses réactions.
Son deuxième mariage apporte également son lot de surprises et de moments durs. Ariah les aborde à sa façon mais reste pour moi un mystère. Essayer de comprendre Ariah, c’est comme d’essayer de nager une fois tombé dans les chutes. Elle est à leur image, indomptable, elle suit sa route et contourne les obstacles.
J’ai trouvé ses enfants beaucoup plus sympathiques.

A travers l’histoire de cette famille, Joyce Carol Oates nous raconte une partie de l’histoire des Etats-Unis, à une époque où la mafia, la corruption et les industriels sans scrupules avaient tout pouvoir. Elle nous brosse le portrait de la société américaine des années 50-60 et 70, les mentalités et les mœurs de l’époque. A plusieurs reprises, elle nous montre la lutte de certains contre les mentalités dominantes : Ariah et Dirk contre leurs familles respectives, Dirk et la population des quartiers pauvres contre l’élite de la ville …
La dimension dramatique de ce roman est très forte et se ressent énormément, certains passages sont marquants et bouleversent le lecteur.

Tout le roman est sous-tendu par un thème omniprésent mais sous différentes formes : la fuite, fuir une vie dont on ne veut pas. L’auteur en explore divers moyens : fuir tout simplement en partant, fuir en s’isolant du monde auquel on veut échapper, fuir en mettant fin à ses jours. Chaque personnage du roman est confronté à un moment ou à un autre à une de ces variantes. La fuite se répète donc et passé le fameux point de non-retour comme pour le fleuve, il n’y a plus d’échappatoire possible et il faut accepter son destin.
Beaucoup de questions sont soulevées dans ce roman, beaucoup de mystères subsistent.

C’est un grand roman très riche, très complet, très fin et j’enrage de ne pas savoir mieux exprimer mon enthousiasme car ce roman a été un vrai coup de cœur pour moi et je vous conseille de vous laisser, vous aussi, emporter et fasciner par les Chutes.


lundi 27 août 2012

Histoires extraordinaires - Edgar Allan Poe



Mon avis :

Après les références faites aux nouvelles de Poe par Bradbury dans les Chroniques martiennes, je mourrais d’envie de faire enfin connaissance avec cet auteur incontournable.
J’ai commencé ma découverte par ce recueil des Histoires extraordinaires.
Je ne pense pas que c’était un choix judicieux et je vais vous expliquer pourquoi :

Poe a écrit nombre de nouvelles qu’on trouve dans différents recueils. Les Histoires extraordinaires et les Nouvelles Histoires extraordinaires en regroupent la majorité, toutes traduites par Charles Baudelaire. Les nouvelles ne sont pas présentées par ordre chronologique d’écriture mais sont plutôt disposées de façon à conserver un lien logique d’une nouvelle à l’autre. On retrouvera les mêmes thèmes, les mêmes problématiques, les mêmes ficelles. Ce qui peut expliquer que certains lecteurs aient eu l’impression de lire à chaque fois la même histoire. Si vous craignez cette sensation de répétition, premier conseil : lisez les nouvelles dans le désordre.

Le recueil des Histoires extraordinaires regroupe 13 nouvelles que j’ai trouvées inégales en qualité (selon mes propres goûts qui ne seront donc pas forcément les vôtres). Voici le détail de mes impressions pour chacune d’entre elles :

Double assassinat dans la rue Morgue :
Une des nouvelles les plus célèbres de l’auteur, elle s’inscrit dans le pur roman policier où l’accent est surtout mis sur le sens de l’observation et sur l’esprit de déduction. Elle met en scène le lieu d’un crime et deux personnages qui vont s’essayer à résoudre l’affaire : M.Dupin et le narrateur. Ces deux personnages et leur façon de procéder ont clairement inspiré Sir Arthur Conan Doyle et ses célèbres Sherlock Holmes et Dr Watson.
Intéressante par le fait qu’elle soit une source d’inspiration, cette nouvelle ne m’a particulièrement emballée.

La lettre volée :
On reprend les mêmes personnages et on recommence. Cette fois-ci, nos deux détectives amateurs recherchent une lettre assez compromettante.
Ici aussi, le dénouement n’est pas particulièrement époustouflant. Il faut dire qu’à notre époque, les ficelles sont usées jusqu’à la corde mais je reconnais que ça a du avoir un caractère très novateur pour l’époque de Poe.

Le Scarabée d’or :
Une nouvelle étrange où on oscille entre fantastique (par le décor, la psychologie des personnages) et l’aventure. Elle a peut-être pu inspirer Stevenson. On y trouve aussi un cours d’initiation à la cryptographie (science que Poe adorait). J’ai bien aimé mais sans plus.

Le canard au ballon :
L’histoire et le contexte d’écriture de cette nouvelle sont plus intéressants que la nouvelle elle-même. Il s’agit à l’origine d’un canular paru dans un journal. Poe y raconte l’exploit réalisé par une poignée de savants ayant réussi la traversée de l’Atlantique en ballon (à savoir que ceci n’a été réalisé pour la première fois qu’en 1978 !). Poe agence son récit de manière à rendre l’événement crédible, on a ainsi droit à plusieurs pages de descriptions techniques relatives au ballon et à son fonctionnement. Le reste relate la traversée.

Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaal :
Ma préférée du recueil ! J’ai vraiment adoré cette nouvelle. Elle devait elle aussi être un canular à l’origine et paraître dans un journal seulement Poe s’est fait griller la politesse par un astronome ayant eu apparemment la même idée. Laquelle ? Faire croire qu’un homme était parvenu sur la lune où il y découvrait une civilisation extra-terrestre. Poe a remanié son texte pour en faire la nouvelle que l’on peut lire. Elle raconte donc l’histoire d’un marchand qui, pour échapper à la misère et à ses créanciers, décide d’aller vivre sur la lune. Pour cela, il construit un ballon et prévoit tout le nécessaire pour qu’il puisse atteindre la lune. Le texte est parfois très technique et scientifique ce qui le rend très crédible. Bien entendu, certains détails sont incohérents, je mettais ces incohérences sur le dos de l’état des connaissances de l’époque alors qu’en fait elles sont délibérément incluses dans le texte par l’auteur en guise d’indices pour déceler le canular. Néanmoins, le réalisme de l’expérience est tel que je me suis laissée aller à y croire et à sourire à la fin.

Manuscrit trouvé dans une bouteille :
Je suis passée à côté de cette nouvelle qui se veut fantastique et où on vogue à bord d’un mystérieux navire. Je n’ai pas tout compris et je ne sais pas s’il y avait quelque chose à comprendre.

Une descente dans le maelstrom :
J’ai bien aimé ce récit, écrit de façon très réaliste et où j’ai ressenti plus de sensations que dans les autres nouvelles. Jusque là, j’avais trouvé l’écriture de Poe assez froide, je n’arrivais pas à ressentir quoique ce soit mais celle-ci sort du lot.

La vérité sur le cas de M.Valdemar :
On entre dans le paranormal avec cette nouvelle et les suivantes. Le narrateur est magnétiseur et va maintenir un homme entre la vie et la mort en le magnétisant. On sent que Poe a du s’intéresser à ce genre de « science » sans y croire si on se fie à certains de ses commentaires à ce sujet. Etant hermétique à ce genre de pratiques, je n’ai pas vraiment apprécié cette nouvelle.

Révélation magnétique :
Le narrateur est là aussi magnétiseur. Il rapporte le dialogue qu’il a eu avec l’un de ses « patients ». Poe utilise ce moyen pour exprimer certaines considérations d’ordre philosophique concernant l’existence d’une divinité matérielle ou spirituelle. Je n’ai pas terminé ma lecture de cette nouvelle, je n’y comprenais rien et je n’avais pas envie de lire ce genre de choses.

Souvenirs de M.Auguste Bedloe :
Encore du magnétisme excepté que cette fois la relation entre magnétisé et magnétiseur est si forte que le magnétisé semble vivre la vie d’un autre à travers les souvenirs qu’a le magnétiseur de cet autre. Toutefois, Poe maintient le doute concernant cette explication et en suggère une autre : la réincarnation.
J’ai bien aimé mais sans plus encore une fois.

Morella :
On retrouve le thème de la réincarnation. Cette nouvelle aurait pu être bien plus angoissante mais ça n’est pas passé.

Ligeia :
Une belle histoire de fantôme, classique me direz-vous mais j’ai bien aimé.

Metzengerstein :
Deux familles voisines se haïssent. Lorsqu’il semblerait que l’une des deux soit anéantie, elle parvient quand même à détruire sa rivale par le biais d’un mystérieux cheval. J’ai bien aimé l’idée, ce que Poe voulait faire mais encore une fois je n’ai pas été convaincue et j’ai bien du mal à expliquer pourquoi. Peut-être le style …



Donc voilà, mon avis d’ensemble sur ce recueil est plutôt mitigé. Je m’attendais à plus de frissons et je pense que la déception m’a empêchée de savourer ces histoires comme il l’aurait fallu. Le genre de la nouvelle ne facilite pas non plus les choses.
J’ai trouvé le style de Poe trop dénué d’émotions, c’était froid et je n’arrivais pas à être touchée. La traduction de Baudelaire n’y a rien fait. J’ai retenu quand même de ce recueil que Poe était un homme très intelligent et très cultivé. Il était assez sûr de sa supériorité intellectuelle et ça se ressent par moment. Il s’intéressait à des domaines très variés et semblait de plus très bien les maîtriser.
Je suis admirative de cette maîtrise mais aussi de son imagination. On sait que Poe a posé les bases du roman policier, il sait aussi écrire de la science-fiction, du fantastique, de l’aventure. Il touche à presque tous les genres. Il est ainsi une source d’inspiration pour de nombreux auteurs : Conan Doyle, Stevenson, Jules Verne etc…
Je n’ai donc pas voulu m’arrêter à ce recueil et j’ai poursuivi avec les Nouvelles Histoires extraordinaires où, là, on découvre le véritable génie de Poe.
Donc un conseil, si vous souhaitez découvrir Poe, commencez par les Nouvelles Histoires.

samedi 25 août 2012

Les Liaisons dangereuses - Pierre Choderlos de Laclos



Résumé :

La jeune Cécile Volanges quitte son couvent pour faire l’apprentissage du monde et épouser le comte de Gercourt, mais une de ses parentes, la marquise de Merteuil, entend profiter de ce projet de mariage pour se venger d’une infidélité que lui a faite autrefois Gercourt. Elle charge donc son complice, le vicomte de Valmont, de pervertir Cécile avant ses noces. Mais loin de Paris, dans le château de sa vieille tante, Valmont s’est de son côté mis en tête de séduire la dévote présidente de Tourvel, et une idylle bientôt se noue entre la « petite Volanges » et le jeune Danceny.

Mon avis :

Je connaissais certes déjà l’histoire de ces liaisons dangereuses pour en avoir vu l’adaptation ciné version classique de Frears et celle plus moderne « Sexe intentions ». Toutefois, je ne me souvenais plus trop des détails ni de la fin. La lecture de l’œuvre originale aura comblé ces lacunes.

J’ai eu du mal pendant la première moitié du livre. J’ai trouvé que c’était long à se mettre en place même si c’était nécessaire, et de plus, certaines lettres m’ont ennuyée et agacée. Je pense à celles que s’échangent Valmont et Mme de Tourvel.
Heureusement, tout s’accélère dans la deuxième moitié pour finir en apothéose ce qui me fait ressortir de cette lecture avec un seul mot à la bouche : Grandiose !

XVIIIème siècle oblige, j’ai adoré le style. Voilà la belle langue française dans toute sa splendeur. Le talent de Laclos a été en plus de savoir varier les tons en fonction de ses personnages. On reconnaît aisément le style léger et naïf de Cécile, celui incisif et sûr de lui-même de la Marquise, celui vaniteux et exagéré de Valmont etc… Laclos est ainsi parvenu à faire ressortir la personnalité de chacun à travers ces lettres avec tant de réalisme que je ne m’étonne pas qu’à l’époque on ait pu croire qu’elles étaient véridiques.

J’ai donc trouvé tous les personnages très crédibles et intéressants. Mais je dois quand même reconnaître que l’intérêt principal de cette œuvre réside, selon moi, principalement dans l’histoire entre Valmont et la Présidente de Tourvel ou, en tout cas, c’est cette relation qui a le plus attiré mon attention.
J’avoue que je n’ai pas su quoi penser de Valmont. Je l’ai haï et admiré à la fois. Son histoire avec la Présidente m’a toute retournée. Il m’a mis le doute sans arrêt, ses lettres à la Présidente  me paraissaient parfois exagérées et pas naturelles (d’où parfois mon agacement), mais ce qu’il disait après à la Marquise me faisait vraiment douter ( tout comme elle d’ailleurs). Mme de Tourvel m’a parfois énervée, elle savait pourtant à qui elle avait à faire mais ses sentiments ont été les plus forts.
Bref j’ai été très touchée par cette relation d’amour destructrice, par cette force de l’amour qu’on sent dans les lettres de la Présidente où elle essaie de lutter entre cœur et raison.
La fin m’a bien entendu bouleversée et m’a fait penser à cette pièce de Musset : « on ne badine pas avec l’amour » dont je trouve le titre tout à fait approprié ici aussi.

La Marquise de Merteuil est elle aussi très intéressante. Elle brille par son intelligence, son machiavélisme et ses talents de manipulatrice. C’est une femme qui a réussi à s’affranchir du statut que son sexe lui réservait. Elle a une très forte personnalité et réussit vraiment à en imposer. Malgré son côté exécrable, je ne peux pas m’empêcher de l’admirer un peu.
Néanmoins, j’ai réellement jubilé lorsque Valmont, tout aussi intelligent et manipulateur qu’elle, la prend en défaut et se retourne contre elle.

Je ne m’attarderai pas sur les autres personnages qui, selon moi, n’existent que pour servir le « trio de tête » et qui finissent en « dommages collatéraux ». Je déplore seulement l’absence de figures masculines de type paternelle. Il y a beaucoup de femmes dans ce roman, les maris sont à la guerre ou morts, ce qui fait qu’en dehors de Valmont et de jeunes « étourneaux », la gente masculine est assez mal représentée.
De la main de l’auteur lui-même, cette œuvre servirait d’avertissement et de leçon aux jeunes femmes, un peu à l’image du célèbre conte de Charles Perrault « Le petit chaperon rouge » où je verrais bien la Présidente et Cécile dans le rôle du chaperon, la Marquise et Valmont dans le rôle du vilain méchant loup et enfin Mme de Volanges et Mme de Rosemonde dans le rôle de la Mère-grand.
Il fallait donc que survivre dans ce milieu soit bien difficile pour que des auteurs ressentent le besoin de prendre la plume pour mettre ainsi en garde les demoiselles.

Car plus qu’une œuvre de fiction, Les Liaisons dangereuses sont aussi un parfait témoignage des mœurs de la haute société de l’époque, de l’éducation au couvent des jeunes demoiselles qui les laisse dans l’ignorance du monde extérieur qu’elles auront à affronter, du dévouement sans scrupules des domestiques jusqu’aux soirées libertines, Laclos nous dévoile l’envers caché du décor. Derrière les courbettes de façade, ce sont souvent médisances et manipulations, il est si facile de briser une réputation. Au cours de ma lecture, j’ai beaucoup pensé au film de Patrice Leconte « Ridicule » qui montre, lui aussi, la perversité et la sournoiserie de ce milieu.
N’est pas or tout ce qui brille.

Enfin, Les Liaisons dangereuses sont aussi une étude sur l’amour et le couple, on y trouve des réflexions sur les différents types de relation, les mariages arrangés, les véritables passions amoureuses, les relations libertines. J’ai beaucoup aimé la lettre de la Marquise de Merteuil dans laquelle elle raconte son parcours, y expose ses vues et sa conception de l’amour et où elle prône l’hédonisme. Elle refuse le carcan que la société de l’époque lui impose et décide de jouir librement de sa vie et de son corps. Elle rejette aussi l’emprise que peuvent exercer les hommes sur les femmes à travers l’amour. J’ai beau ne pas être d’accord, j’ai pourtant trouvé ses arguments très justes et compréhensibles.
De même, j’ai aimé le dilemme qui s’est posé à Mme de Volanges au sujet de sa fille. Devait-elle la laisser vivre son amour avec les risques que cela comporte ou lui assurer une situation ? Le sort de la Présidente illustre la réponse.
Mais pour ma part, je préfère prendre le risque de finir comme elle…


mardi 21 août 2012

Le cycle des Robots tome 1 : les Robots - Isaac Asimov



Résumé :

Susan Calvin est robopsychologue à l'United States Robots, Inc. Née en 1982, elle a aujourd'hui 75 ans. Ce livre relate ses souvenirs sur l'évolution du robot dans l'histoire humaine, depuis Robbie qui, en 1996, fut vendu comme bonne d'enfants, jusqu'à Byerley qui devint Président de la Fédération Mondiale terrestre en 2044.
A travers ces récits, on voit comment le robot, d'abord esclave soumis à l'homme, parvint peu à peu à être son égal, avant de devenir son maître. Les souvenirs du Dr Calvin forment un livre au charme désuet qui fait revivre l'aube du XXIè siècle, époque où l'homme existait encore indépendamment de son compagnon de métal, le robot.


Mon avis :

Ayant commencé le cycle Fondation et ayant appris que les 2 cycles d’Asimov étaient liés, je me devais de lire le cycle des Robots.

J’ai été surprise par ce tome qu’on m’avait annoncé comme étant un simple recueil de nouvelles. Mais ces nouvelles s’inscrivent dans un récit continu que constitue l’interview du docteur Susan Calvin, robopsychologue de renom. A travers cet interview, elle retrace l’histoire des avancées dans le domaine de la robotique et nous relate les principaux événements l’ayant marquée et principalement ceux liés aux dysfonctionnements des robots.

La conception et le fonctionnement d’un robot restent bornés par trois lois dites de la robotique :
- Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger.
- Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la Première Loi.
- Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la Première ou la Deuxième Loi.
Chaque dysfonctionnement illustre un dilemme mettant en jeu ces 3 lois. Asimov nous fait alors de brillantes démonstrations de déduction logique. Son esprit scientifique et mathématique s’illustre à merveille, encore plus que dans Fondation.

Toutefois, un des épisodes échappe à ce schéma et m’a sincèrement fait sourire. En effet, un des robots commence à raisonner par lui-même et à réfléchir à ses origines. Il remet alors en cause sa création par les êtres humains qu’il estime trop inférieurs à lui-même pour avoir pu le créer. Chaque argument présenté par les hommes pour le convaincre est réfuté. Le robot se trouve alors un créateur et lance une religion à laquelle il convertit ses semblables.

Bref, j’ai adoré ces différents récits menés à la façon d’enquêtes policières où la logique et la déduction sont les vedettes. Un ouvrage intelligent à la sauce Asimov qui permet une large réflexion sur l’intelligence artificielle et ses dangers.

lundi 20 août 2012

Cent ans de solitude - Gabriel Garcia Marquez



Mon avis :

Avec Cent ans de solitude, Gabriel Garcia Marquez nous conte l’histoire de la famille Buendia et du village de Macondo dont on suit l’évolution durant un siècle. Les générations se succèdent mais leur histoire se répète de façon cyclique, la famille est prisonnière d’un cercle vicieux qui les exclut du reste du monde et ne leur laisse que la solitude pour seule compagne.
Gabriel Garcia Marquez a soigneusement construit son récit afin de mettre en exergue ce schéma répétitif, tout d’abord à travers les prénoms des personnages : José Arcadio, Aureliano qui reviennent à chaque génération et auxquels sont attribuées des personnalités bien précises, les retours périodiques des gitans ou d’un nouvel élément provenant de l’extérieur, l’obstination des José Arcadio à déchiffrer les manuscrits de Melquiades, les obsessions de chacun, les retours des membres de la famille ayant tenté de quitter le village etc…

Gabriel Garcia Marquez nous dépeint cette fresque familiale à la façon d’un conte. Le ton et le style employé, les éléments magiques contribuent à donner l’impression que l’auteur nous raconte une histoire. Objets étonnants, tapis volants, lévitation et autres surprises parsèment le récit.
Pourtant derrière ce qui pourrait n’être qu’une fable, se dessine l’histoire de la Colombie, les querelles politiques entre conservateurs et libéraux, les nombreuses guerres civiles, les progrès techniques, l’implantation des compagnies fruitières et le massacre dit des bananeraies où l’armée tira sur des grévistes. L’obsession de Aureliano au sujet du train transportant les corps des victimes afin de les jeter à la mer se réfère à une rumeur qui circula à l’époque.
Voilà pourquoi cette œuvre est emblématique de ce que l’on appelle le réalisme magique.

Le thème de la solitude apparaît et est développé sous toutes ses formes possibles, à travers l’isolement du village, à travers le manque d’amour, à travers l’expérience du pouvoir lorsqu’Arcadio joue au tyran de Macondo,  à travers le repli sur soi de Aureliano chef de guerre, et des José Arcadio qui s’enferment dans leur cabinet d’étude etc…
Seule Ursula m’a semblé lutter contre cette solitude, elle qui tenait à toujours laisser la maison grande ouverte, qui utilisait tous ses sens pour ne pas laisser sa cécité l’isoler, qui a tout fait pour combattre le destin et la solitude de ses enfants.
Ce qui m’a le plus frappé, c’est cette absence d’amour. Le style neutre et la prise de distance de l’auteur ôtent au lecteur toute possibilité de ressentir des émotions et en particulier l’amour. On ne ressent aucun amour, ni des parents vers les enfants, ni des couples entre eux, ou alors il reste purement physique et souvent incestueux.

Pour moi Cent ans de solitude est une curiosité. Cette lecture m’a étonnée et transportée dans un autre univers, je me suis laissée bercer par cette histoire partiellement rocambolesque. Ce n’est pas un coup de cœur mais en tout cas une belle aventure.

Un mot sur le format : j’ai eu la chance de pouvoir lire cette œuvre au format point2 que j’ai trouvé très pratique, très léger. Seul bémol : la finesse des pages qui les rend difficile à tourner.

Je remercie beaucoup Livraddict ainsi que les éditions Point2 pour m’avoir accordé ce partenariat.