dimanche 16 septembre 2012

Folie d'une femme séduite - Susan Fromberg-Schaeffer



4ème de couverture :

La redécouverte d'un livre-culte qui a marqué des générations de lectrices. Un roman psychologique d'une émotion poignante, une inoubliable peinture de l'obsession amoureuse doublée d'un portrait de femme du siècle dernier aussi troublant que Tess d'Uberville ou Les Hauts de Hurlevent. Ayant quitté sa ferme natale, Agnès Dempster découvre du haut de ses seize ans la vie citadine. Quand Frank Holt, tailleur de pierres de son état, fait irruption dans sa vie, elle s'en éprend sur-le-champ. Abandonnant travail, amis et même l'enfant qu'elle porte, elle se donne corps et âme à cet homme fruste qu'elle pare de toutes les couleurs du héros romantique et de l'artiste d'exception, jusqu'à perdre sa propre identité. Quand Frank, effrayé par cet amour suffocant, s'échappe dans les bras d'une autre, Agnès perd pied. Contrainte à un geste fatal, elle devra répondre de ses actes face à l'opinion publique et aux médecins de l'asile.

Mon avis :

Plus qu’un coup de cœur, ce roman m’a complètement retournée, il m’a possédée, hypnotisée, séduite. Un coup de foudre ! Une passion ! 1110 pages (édition France Loisirs) englouties en 2 jours. Impossible de le lâcher, même la nuit !
La crainte qu’on pourrait avoir avant de se plonger dans Folie d’une femme séduite, ce serait d’avoir affaire à un de ces romans à l’eau de rose mièvre et niais. Mais, on en est très loin.

Le roman se présente sous la forme d’une longue lettre écrite par une Agnès âgée à celle qui l’aura accompagnée dans les moments pénibles de sa vie : son amie Margaret.
Elle y livre en quelque sorte ses Mémoires et reprend toute son histoire depuis le début, nous décrit son enfance, sa famille, le milieu dans lequel elle a grandit et nous dévoile ainsi les raisons qui l’ont poussée à fuir sa famille pour s’installer en ville.
Viennent ensuite le récit de sa relation avec Frank puis le drame et ses conséquences.
Le procédé de la lettre permet l’utilisation de la première personne du singulier en guise de narrateur, on entre ainsi dans la tête d’Agnès. Je me suis beaucoup identifiée à elle, nous trouvant nombre de points communs ce qui explique que j’ai pu être aussi bouleversée par cette lecture.

Susan Fromberg Schaeffer a écrit ce roman dans les années 1980 se basant sur un fait divers ayant défrayé la chronique à la toute fin du XIXème siècle. Elle nous transporte dans cette époque et on jurerait lire un roman classique digne des sœurs Brontë.
Elle nous dépeint le quotidien et la condition des femmes du siècle dont le destin et l’horizon se résument au mariage et aux enfants. Les femmes de la famille d’Agnès vont toutes vouloir se révolter contre cette fatalité et cet avenir qu’elles rejettent. Elles ont soif de liberté, de se sortir d’une « prison » dont elles ne veulent pas. Seule Agnès aura l’audace de vraiment s’en échapper encouragée par les exemples des vies désabusées de sa mère et sa grand-mère. Toutes sont en quête du bonheur. Mais quel est-il ce bonheur ? Comment être heureuse dans cette société qui laisse si peu de place aux femmes ?

A travers sa fuite, Agnès se cherche aussi. Elle veut s’affranchir de cet héritage identitaire que lui ont légué les femmes de sa famille. Sa rencontre avec Frank représente pour elle la possibilité d’une autre voie. Mais son amour se transforme vite en passion voire en dévotion. Et on assiste impuissant à la progressive perte de contrôle d’Agnès. Son amour pour Frank est si fort qu’elle en fait son unique raison de vivre jusqu’à s’oublier elle-même. Elle va jusqu’à vouloir fusionner avec l’objet de sa passion, lui confiant plus que son cœur, toute son âme.


La folie et la violence ( pas uniquement physique mais aussi psychologique) sont sous-jacentes durant tout le récit. On les sent à l’état latent lors de l’enfance d’Agnès. On les voit à l’œuvre chez sa grand-mère et sa mère. La personnalité d’Agnès est profondément fouillée, le doute s’insinue parfois, est-elle vraiment folle ou simplement très naïve ? Peut-être les deux ? La frontière est parfois très ténue entre l’amour-passion et l’amour-folie. Le lecteur s’embrouille, tour à tour Agnès agace le lecteur  ou suscite sa compassion.

Chaque personnage est parfaitement dépeint, on ne peut que s’attacher à eux. Susan Fromberg Schaeffer les fait évoluer dans des décors magnifiques et tellement réalistes. On s’y croirait !
Les descriptions des paysages sous la neige sont sublimes, cette neige qu’on retrouve souvent tout au long du récit, celle qui gèle l’activité et les mouvements des hommes les emprisonnant chez eux tout comme Agnès s’enferme dans son amour pour Frank.

Les parties relatant le procès et l’internement d’Agnès sont tout aussi passionnantes. On fait la connaissance de Maître Kingsley, l’avocat chargé de la défense d’Agnès, ainsi que du Dr Train qui sera amené à décrire le cas d’Agnès comme exemple d’une nouvelle forme de folie qu’il nommera la « Folie de la femme séduite ».
On a ainsi de belles pages sur la justice et l’état des recherches et des thérapies psychiatriques trop peu développées encore à cette époque.

Je n’ai trouvé aucun défaut à ce roman, tout sonne juste, les dialogues sont vivants, le style est limpide et agréable, les pages se tournent toutes seules.
Ce roman raconte la difficulté d’une femme à se trouver elle-même et à trouver sa place. Il est aussi l’illustration de la sempiternelle lutte entre l'amour-passion et l’amour-raison et pose la question de déterminer quel est le meilleur chemin vers le bonheur. Il n’y répond pas forcément mais en montre plusieurs exemples.

Un roman magnifique qui m’aura beaucoup marquée et que je garde en première place dans mon cœur. Je n’avais encore jamais été à ce point bouleversée par un roman.
Je ne peux que le recommander !

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