C’est l’histoire du capitaine François qui, s’embarquant à
bord du navire France, décide de consacrer le reste de sa vie non seulement à
couler son navire mais aussi à se venger de l’affront commis par un pigeon.
Il décide de réunir son équipage et leur déclare :
« Moi Capitaine, je veux sauvegarder mon honneur et
celui de la France. Ce satané pigeon m’a chié dessus. C’est inadmissible. La
nature ne peut pas tout se permettre. Mais où vit-on ? Je promets un
compte en Suisse bien garni et une exemption d’impôts à celui qui repérera le
premier ce fichu volatile. Vous ne pouvez pas le rater, le suspect est blanc et
a l’œil fourbe et vicieux.
- - Êtes-vous bien certain qu’il soit blanc, mon
Capitaine ? Ne serait-ce pas l’un de ces pigeons voyageurs venus de
Méditerranée ? l’interrogea l’un des
seconds du navire Zay Moore.
- Mais Capitaine, Zay Moore a raison, il y a très
peu de « white » parmi la population des colombinés, s’avance El
Blanco le premier second du navire, un pigeon blanc ne serait-ce pas plutôt ce
que l’on appelle vulgairement une colombe ?
S’ensuivent alors quatre longues heures d’exposé au cours
desquelles François s’échine à répertorier et expliquer les variations
anatomiques et morphologiques entre le pigeon et la colombe.
Le lendemain, pour être bien certain que son équipage
travaille en toute connaissance de cause, François leur narre l’histoire de la
chasse au pigeon et leur présente un magnifique panorama de la représentation
du pigeon dans l’Art. La dure journée est sanctionnée par un test d’évaluation
sur le matériel indispensable à la chasse au pigeon.
Exténué, le second El Blanco demande à voir le
capitaine :
- Mais Capitaine c’est folie que de vouloir ainsi
se venger d’un pigeon, c’est un animal qui n’a point conscience de ce qu’il
fait.
- - Oh ne vous y trompez pas, mon cher Blanco , le
pigeon est sournois. Combien étions-nous à cette manifestation ? Et il a
fallu qu’il me choisisse, moi ! Pourquoi n’a-t-il pas chié sur Angela ou
Benyamin ? Non, vous dis-je, il l’a fait délibérément ! Il a été
l’instrument d’une volonté divine ! C’est la main de Dieu lui-même !
Sa blancheur même est un signe. Mais je ne m’en laisserai pas compter !
Moi Capitaine, je défie Dieu et ses fientes de destruction massive !
François et son équipage parviendront-ils à retrouver et
tuer le pigeon blanc ? Qu’adviendra-t-il du navire France ?
Vous le saurez en lisant la fabuleuse histoire de Maudit
Bec !
Garneray - Pêche du cachalot |
Bon, plus sérieusement, Moby
Dick n’a vraiment pas été une lecture facile et j’ai peiné pour en venir à
bout. Les interminables et trop nombreuses pages de description, bien que
passionnantes, ont failli avoir raison de moi. Et Moby Dick n’est pas du tout le roman d’aventure
épique auquel on aurait tendance à s’attendre. Pour vous donner une idée de mon
juste sentiment au sortir de cette lecture, je vais me permettre une
comparaison toute simple. Visiter le musée du Louvre : c’est grandiose, on
reste humble et abasourdi devant tant de beauté, de culture, de talent. Mais au
bout d’un moment, on fatigue parce qu’il y a beaucoup à voir. Eh bien lire Moby Dick m’a fait le même effet. Je
suis admirative devant le talent d’Herman Melville, devant tout ce travail de
recherche et de documentation, devant toute cette réflexion sur le rapport de
l’homme à Dieu, du bien au mal, devant ce style. Mais voilà, ça faisait
vraiment beaucoup, trop même parce qu’au final la volonté d’exhaustivité de
Melville empiète sur le message qu’il veut faire passer. Les interprétations
sont d’ailleurs nombreuses. Pour ma part, je rejoins ceux qui ont vu en Moby
Dick l’incarnation de Dieu, Achab étant cet homme refusant sa position de
simple créature soumise aux caprices divins et qui cherche à en défier la
toute-puissance.
Les références religieuses sont légion dans le roman. Ne
serait-ce qu’à travers le nom des personnages : le narrateur Ismaël ( le
fils aîné d’Abraham), Elijah le prophète et le capitaine Achab du nom de ce roi
impie d’Israel … mais encore à travers l’histoire même de la baleine, le
Léviathan biblique, et du prophète Jonas qui donne lieu au superbe sermon du
père Mapple au début du roman.
Le personnage de Queequeg est aussi un symbole à lui tout
seul, mythe du « bon sauvage », cannibale repenti. Mais bien qu’il
vénère d’autres divinités, Queequeg semble être paré de toutes les vertus et
nous paraît être finalement le plus sage et le plus humain de tous, ignorant
des différences sociales et n’hésitant pas une seconde à se jeter à l’eau pour
sauver une vie, qu’il s’agisse d’une bonne ou d’une mauvaise personne.
Les effets stylistiques de Melville sont aussi remarquables.
Certains chapitres sont en effet construits comme des scènes de théâtre et
Melville n’hésite pas à enchaîner un chapitre digne d’un essai scientifique
avec un autre digne d’une tragédie grecque. Le roman même s’ouvre sur un
catalogue de citations et de références littéraires traitant du Léviathan et de
la baleine. L’humour n’est pas non plus absent, en témoigne l’épisode de la
bouée de secours qui m’a fait mourir de rire.
En résumé, Moby Dick
n’est pas sans raison un monument littéraire à l’influence considérable tant en
littérature qu’au cinéma (et aussi en
musique !) mais il est clair que pour moi ses passages confinant au traité
de cétologie ont considérablement refroidi mon enthousiasme. Une chose est sûre,
je ne confondrai plus jamais baleine et cachalot.
Garneray - Pêche du cachalot |
Retrouvez également l'avis de Moglug qui m'a tenu compagnie pour cette lecture commune.